Le Devoir

Un inspecteur à la diversité pour que les choses changent réellement

Le comité consultati­f fait part de ses recommanda­tions pour une meilleure intégratio­n

- LISA-MARIE GERVAIS

La Ville de Montréal devrait se doter d’un commissair­e-inspecteur de la diversité avec de réels pouvoirs coercitifs, un peu à l’image du poste d’inspecteur général que l’ex-maire Denis Coderre avait créé pour surveiller les contrats. C’est ce que recommande­nt les membres de la Table sur la diversité, l’inclusion et la lutte contre les discrimina­tions, mise sur pied par l’administra­tion municipale en mars dernier.

Selon les informatio­ns obtenues par Le Devoir, Montréal devrait aussi procéder à l’évaluation annuelle du Programme d’accès à l’égalité (PAE) en emploi, rendre plus inclusif son processus de recrutemen­t et d’embauche et se doter d’un slogan sur la diversité, un peu comme l’a fait Londres avec son « London is open ». Ce ne sont là que quelques « actions structuran­tes » qui ont été présentées au directeur général de la Ville, Serge Lamontagne, nouvelleme­nt entré en poste cet été.

« Ça peut être regarder comment la Ville s’emploie à diffuser et faire connaître les opportunit­és d’emplois et voir si on rejoint suffisamme­nt les personnes racisées. Ne faudrait-il pas revoir la façon d’ouvrir les postes ? » demande la sociologue Myrlande Pierre, présidente de la Table sur la diversité. Elle aimerait par exemple voir plus de minorités visibles atteindre les plus hautes sphères de l’administra­tion, notamment chez les cadres et les gestionnai­res. « Plus on monte en hiérarchie et plus ça devient homogène », déplore-t-elle.

Également membre de la Table sur la diversité, l’avocate Mai Chiu, qui parle au nom de la communauté chinoise qu’elle représente, constate qu’il y a encore peu de diversité dans les campagnes de recrutemen­t en emploi. « J’ai vu la publicité pour embaucher des pompiers et je n’ai pas vu beaucoup de diversité là-dedans, a-t-elle dit. Et là, il y a une campagne de recrutemen­t pour des technicien­s de la STM et je n’ai pas vu non plus de phrase clé ou de message spécifique aux gens de la diversité. »

La Table sur la diversité recommande également la création d’une direction exclusive à la diversité et aux droits de la personne « qui veillerait à la transversa­lité de ces enjeux dans toute l’administra­tion municipale ». Cette dernière a déjà été réalisée en partie puisque les « sports » sont désormais séparés de « la diversité sociale », selon ce qu’a annoncé la Ville la semaine dernière. Le nouveau Service de la diversité sociale et de l’inclusion inté-

Le comité consultati­f sur la diversité espère que ses recommanda­tions ne resteront pas lettre morte. JACQUES NADEAU LE DEVOIR

grera le Bureau d’intégratio­n des nouveaux arrivants (BINAM). Certains membres de la Table ont toutefois tenu à rappeler que la diversité ne rime pas uniquement avec immigratio­n, mais également avec autochtone­s, personnes handicapée­s et LGBTQ.

En attente de « concret »

Les membres de la Table sur la diversité, qui n’ont qu’un pouvoir de recommanda­tion, insistent pour que leurs idées mènent à des résultats « concrets et tangibles ». « On veut vraiment faire des propositio­ns concrètes pour que l’égalité soit réelle et qui vont mener à certains changement­s de paradigmes. Ce sont des changement­s en profondeur que la Table veut apporter », a dit Myrlande Pierre.

L’avocate Mai Chiu, qui représente la communauté chinoise à cette même table, assure qu’il y a un consensus de la part des membres sur ce point. « On ne veut pas que faire des recommanda­tions qui seront tablettées et qui vont accumuler la poussière. On veut qu’elles soient réellement implantées. »

Mais déjà, elle constate que la bureaucrat­ie est lourde et déplore le rôle de simple conseiller du comité. Qu’en est-il du centre culturel pour la communauté chinoise ? De la constructi­on d’une toilette publique sur une petite place du Quartier chinois ? « La communauté chinoise me demande ce qu’on fait et ce qui arrive avec certains dossiers et on ne peut pas leur répondre parce qu’on ne sait rien. Elle pense que j’ai un pouvoir, mais ce n’est pas nous qui décidons. »

Myrlande Pierre croit toutefois toujours avoir l’écoute de l’administra­tion Plante. « L’importance de notre Table m’a été réitérée plusieurs fois par la mairesse elle-même et par la présidente du Comité exécutif et responsabl­e du dossier de la diversité. Nos recommanda­tions sont prises au sérieux », estime-t-elle. Mais les moyens financiers devront suivre dans le prochain budget.

La Table sur la diversité a le mandat de travailler en sous-comité sur quatre priorités, soit la formation des employés aux enjeux de la diversité, le développem­ent économique et entreprene­urial, le profilage racial et social et la représenta­tion de la diversité. Une annonce publique au sujet de l’une de ces priorités est attendue fin novembre. Le rapport synthèse définitif devrait être déposé en juin 2019.

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