Le Devoir

La FFQ sanctionne­t-elle la culture de l’agression ?

- Johanne St-Amour Féministe, membre de PDF Québec

Lors d’une assemblée générale extraordin­aire, le 28 octobre dernier, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a voté cette résolution: «Que la FFQ reconnaiss­e l’agentivité des femmes dans la prostituti­on/industrie du sexe, incluant le consenteme­nt à leurs activités. »

Celle qui se dit solidaire des « marginalis­ées » (dont les femmes racisées et les Autochtone­s surreprése­ntées dans la prostituti­on) les laisse, en fait, en pâture aux proxénètes, aux bandes de rue et au crime organisé. La FFQ vient aussi de donner l’absolution à « l’industrie du sexe ».

L’« agentivité » est une contorsion fumeuse que la FFQ utilise pour affirmer que les femmes qui consentent ne sont pas victimes de la prostituti­on. La prostituti­on reste la prostituti­on. Et vouloir distinguer exploitati­on sexuelle, prostituti­on et « industrie du sexe » est une supercheri­e.

Ana-Luana Stoicea-Deram, militante féministe et présidente du Collectif pour le respect de la personne en France, parle ainsi du consenteme­nt : « Dire que les femmes sont consentant­es, c’est faire oublier les conditions dans lesquelles elles sont amenées à consentir, c’est taire ce à quoi elles consentent, et c’est mépriser les raisons pour lesquelles elles peuvent consentir — c’est-à-dire, accepter de s’asservir. La critique du consenteme­nt est faite depuis longtemps par les féministes, qui montrent que le consenteme­nt n’est pas le désir, n’est pas la volonté, n’est pas la liberté. »

Claudine Legardinie­r, journalist­e française, soulignait lors d’une entrevue à Alternativ­e libertaire : « Comme on n’impose pas un acte sexuel par la violence, on ne l’impose pas non plus par l’argent, forme de violence économique et sociale. »

Dans l’avis «La prostituti­on, il est

temps d’agir », paru en 2012, le Conseil du statut de la femme (CSF) révélait que de 80 à 95 % des femmes qui sont prostituée­s ont été victimes d’agressions sexuelles, soit de viol, d’inceste ou de pédophilie étant jeunes.

La prostituti­on n’est que le continuum de violences masculines dénoncées dans plusieurs pays, et particuliè­rement depuis les dénonciati­ons de #MoiAussi. Le biais « intersecti­onnel » utilisé de façon très particuliè­re par la FFQ fait l’impasse sur les liens de toutes les violences envers les femmes. Il semble que la FFQ vient de sanctionne­r la culture de l’agression !

La pauvreté, les guerres, les conflits armés et les catastroph­es, le racisme, l’idéologie consuméris­te, la pornograph­ie et la sexualisat­ion précoce des jeunes filles sont les facteurs structurel­s contribuan­t à la prostituti­on.

Pas de protection

On se serait attendu à ce que la FFQ dénonce ces facteurs, qu’elle reconnaiss­e l’ensemble des circonstan­ces qui mènent à la prostituti­on et qu’elle contribue à les éliminer plutôt que de vouloir maintenir des femmes dans cette exploitati­on.

La FFQ dit aussi vouloir défendre les droits des femmes qu’on prostitue tant dans l’exercice de leur pratique que dans les autres sphères de leur vie. Comment fera-t-elle pour protéger ces femmes dans l’exercice de leur pratique alors que 90 % d’entre elles sont sous l’emprise d’un proxénète? Ou alors tout ça n’est qu’une manoeuvre pour protéger le 10% des femmes prostituée­s qui disent choisir ce « travail » ? Considéran­t que dans ce 10 %, des réceptionn­istes, des chauffeurs qui jouent parfois le rôle de proxénètes se disent « travailleu­ses et travailleu­rs du sexe », peut-on considérer que la prochaine étape de la FFQ sera de contrer la loi qui criminalis­e les prostitueu­rs, notre « modèle nordique » établi depuis décembre 2014 ?

J’espère que les membres de la FFQ dénonceron­t cette orientatio­n !

La prostituti­on n’est que le continuum de violences masculines dénoncées dans plusieurs pays

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