Combattre l’obsolescence programmée, une réparation à la fois |
Des organismes et des événements ont comme mission d’allonger la vie de nos objets
Au Canada, 81 % des consommateurs ne font pas réparer leurs appareils électroménagers s’ils se détraquent, et seulement une personne sur quatre juge bon de faire réparer ses appareils électroniques, préférant en acheter de nouveaux. Or, les montagnes de détritus générées par l’obsolescence programmée peuvent être en partie évitées.
Dans un petit local de la Maison Notman, carrefour technologique rue Sherbrooke, à Montréal, la compagnie iPhoenix répare ce que plusieurs considèrent comme irréparable. La micro-entreprise remet sur pied les iPhone et tablettes mal en point : écrans brisés, caméras obsolètes, haut-parleurs muets, batterie paresseuse, carte mère endommagée, etc.
« Contrairement à ce que dit souvent le fabricant, presque tout peut se réparer sur un iPhone, même les cartes mèrs, considérées comme irréparables, peuvent l’être, mais cela est peu connu des gens », affirme Jonathan Belleteau, cofondateur de cette microentreprise fondée il y a un an.
Résultat : les téléphones sont parmi les appareils électroniques qui sont les plus rapidement remplacés… et les moins recyclés. Or, la fabrication d’un téléphone intelligent requiert 70 kg de matières premières (jusqu’à 60 métaux différents) et génère environ 32 kg de CO2, selon les données de HOP, une association française militant contre l’obsolescence programmée.
Avec 7,7 milliards de détenteurs de cellulaires dans le monde, presque autant que d’être humains, inutile d’en rajouter, estiment les cofondateurs d’iPhoenix. «Il y a toutes sortes de trucs simples pour ménager son téléphone. Contrairement à ce qu’on dit, il faut éviter de décharger complètement la batterie car cela l’endommage. Mieux vaut ne pas attendre qu’il reste moins de 10 % de charge », explique Jonathan. De plus, éviter les fils de recharge bon marché (moins de 15 $) sur les iPhone, qui peuvent littéralement « griller » certaines pièces du iPhone.
Second début
À l’occasion du lancement du Festival Zéro déchet, l’organisme Équiterre réunissait le temps d’une soirée la semaine dernière tous les pionniers du reconditionnement au Québec, un petit noyau d’irréductibles qui fait la moue à l’obsolescence programmée en donnant des ailes au mouvement « Répare tes trucs ».
Parmi eux, Saad Sebti, coordonnateur du développement chez Insertech, un organisme sans but lucratif qui reconditionne et répare ordinateurs, portables et tablettes électroniques. Plus que de redonner vie à 10 000 ordinateurs par année, Insertech sensibilise le public à l’empreinte environnementale de ces outils et donne des trucs pour prolonger facilement la vie de son ordinateur.
«Une grande partie des «bris» et des lenteurs n’est pas liée à des problèmes de mémoire, mais à un mauvais entretien ou à une mauvaise utilisation », dit-il. Le premier ennemi des ordinateurs : la poussière. Un nettoyage fréquent peut aisément prévenir les pépins. « La lenteur est très souvent due à des logiciels nuisibles, des navigateurs indésirables qu’on peut retirer », redonnant ainsi une prime jeunesse aux vieux appareils, dit-il.
Ce dernier suggère aussi de troquer un disque HDD pour un disque SSD (mémoire flash), qui démultiplie la vitesse de l’ordinateur et prolongera sa durée de vie à coût minime. « Souvent, ça ne vaut pas la peine de changer d’ordi. Changer une pièce, le disque ou ajouter de la mémoire suffit pour la plupart des gens. Et ça se fait à très peu de frais », dit-il.
Réparer ou utiliser autrement son ordinateur n’est pas seulement plus léger pour le portefeuille, mais aussi pour l’environnement. « Le plus grand impact des ordinateurs et des tablettes, c’est d’abord l’extraction des matières premières que ça génère, mais aussi la demande énergétique avec la démultiplication de centres de serveurs très gourmands. C’est pourquoi on suggère de stocker ses données localement et de ne pas utiliser l’infonuagique », ajoute M. Sebti.
Le «Repair café» de Montréal, inspiré du mouvement similaire lancé aux Pays-Bas, vise lui aussi à montrer aux gens comment faire du neuf avec du vieux, notamment en changeant la prise d’un appareil, en remplaçant une pièce, en changeant une fermeture éclair ou la fiche d’une paire d’écouteurs. « On tient des Repair cafés environ six fois par an. Le but est de montrer à quel point la réparation est parfois simple et très peu coûteuse. Il suffit de changer ses réflexes », soutient Tanguy Marquer, étudiant et bénévole au Repair café, dont la prochaine édition se tiendra le 7 novembre à Polytechnique.
Le coût de l’obsolescence
En plus d’engloutir des ressources et de l’énergie, l’obsolescence planifiée des appareils électriques et électroniques cause beaucoup de frustration chez les consommateurs, explique Annick Girard, chargée de projet chez Équiterre et fondatrice de la page Facebook Touski s’répare. « C’est bien de conscientiser les gens à l’obsolescence programmée, mais il faut leur donner les moyens de la combattre; c’est pourquoi nous avons voulu contribuer à faire connaître les solutions », explique-t-elle.
En outre, des études menées en France ont démontré que ce sont les consommateurs moins fortunés, plus susceptibles de se tourner vers des produits bon marché moins durables, qui font le plus les frais de la courte durée de vie des appareils.
Certaines pratiques commerciales, notamment le coût prohibitif réclamé pour certaines pièces ou réparations par certains fabricants contribue à l’obsolescence de façon indirecte. «On peut contourner cela en s’informant sur des sites comme iFixit, qui comprend tous les tutoriels en ligne pour pouvoir réparer les produits Apple », ajoute M. Sebti.
Responsabilité
Pour Annick Girard, les pratiques des fabricants qui encouragent la surconsommation inutile devraient cesser. «Le coût de l’obsolescence ne doit pas reposer sur les seules épaules du consommateur. Les gouvernements doivent légiférer. En attendant, les gens peuvent faire des pressions auprès des fabricants ou porter plainte auprès de l’Office de protection du consommateur. »