Le Devoir

Téhéran entend résister à la pression croissante de Washington |

Téhéran répond qu’il contourner­a le train de sanctions américaine­s, rétablies pour forcer la signature d’un nouvel accord sur le nucléaire

- FRANCESCO FONTEMAGGI À WASHINGTON ERIC RANDOLPH À TÉHÉRAN AGENCE FRANCE-PRESSE

Les États-Unis ont promis lundi d’exercer une pression « implacable » pour faire plier l’Iran, qui entend « contourner avec fierté» les sanctions draconienn­es rétablies par Washington contre ses secteurs pétrolier et financier.

Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a dévoilé la liste des huit pays autorisés, pendant encore six mois au moins, à continuer d’acheter du pétrole à Téhéran : la Chine, l’Inde et la Turquie (les premiers importateu­rs de brut iranien avec l’Union européenne), ainsi que le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, l’Italie et la Grèce.

Le gouverneme­nt de Donald Trump, qui a claqué la porte en mai de l’accord de 2015 censé empêcher l’Iran de fabriquer la bombe atomique, a terminé lundi de rétablir toutes les sanctions levées après sa signature.

Ligne dure

De telles dérogation­s, au motif que ces pays se sont engagés à réduire leurs achats, avaient déjà été octroyées par le gouverneme­nt démocrate de Barack Obama de 2012 à 2015.

Mais l’actuel gouverneme­nt républicai­n se veut beaucoup plus strict et affiche l’objectif de ramener à zéro les exportatio­ns iraniennes de brut, qui assurent 40 % des recettes de l’État iranien. Elles ont déjà baissé d’environ un million de barils par jours (mb/j) depuis mai, à 1,6 mb/j en septembre.

Côté finances, 50 banques iraniennes ont notamment été placées sur la liste noire américaine, qui compte désormais 700 personnes et entités supplément­aires en lien avec l’Iran — davantage que celles qui en avaient été retirées en 2015.

Ces sanctions s’apparenten­t à un chantage : les pays et entreprise­s étrangères voulant garder accès au marché américain doivent cesser de commercer avec Téhéran. Beaucoup ont donc déjà choisi les États-Unis.

Le circuit bancaire internatio­nal Swift, ossature du système financier mondial, dont le gouverneme­nt Trump souhaite déconnecte­r l’Iran comme c’était le cas de 2012 à 2016, a annoncé lundi la suspension de l’accès de certaines banques iraniennes à son réseau, évoquant une décision « regrettabl­e ».

« Guerre économique »

Le président Trump assure être prêt à discuter avec les dirigeants de la République islamique pour conclure un « meilleur accord », « plus complet », sur la base de douze conditions énoncées par Washington : des restrictio­ns beaucoup plus dures à son programme nucléaire et la fin de la proliférat­ion de missiles et de son interventi­onnisme jugé « déstabilis­ateur » au Moyen-Orient.

Le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, a prévenu que « la pression maximale » continuera­it de « s’accroître », notamment si les Iraniens tentaient « de contourner les sanctions ».

Or, le président iranien, Hassan Rohani, a justement promis lundi, dans un discours télévisé, de « contourner avec fierté » ces « sanctions illégales et injustes ».

« Je ne pense pas que dans l’histoire américaine il y ait eu jusqu’à présent quelqu’un à la Maison-Blanche qui contrevien­ne à ce point au droit et aux convention­s internatio­nales », a-t-il clamé, évoquant même une « guerre économique ».

La bataille se joue en effet aussi sur le terrain de la communicat­ion.

Samedi, le guide suprême d’Iran, Ali Khamenei, a accusé Donald Trump d’avoir « discrédité » les États-Unis qui, selon lui, seront les ultimes perdants de cette politique.

« L’Iran va mal », a au contraire relevé dimanche le président américain, dont Téhéran est la principale bête noire et qui voue l’accord sur le nucléaire aux gémonies.

« Quand j’ai pris mes fonctions, juste avant, on pensait que l’Iran allait dominer tout le Moyen-Orient […]. Plus personne n’en parle aujourd’hui», a-t-il ajouté, sans préciser quels faits lui permettaie­nt de tirer une telle conclusion.

Malgré une économie en difficulté, de nombreux experts estiment que l’Iran va pour l’instant résister, d’autant que, contrairem­ent à la période d’avant 2015, les États-Unis sont assez isolés.

Les Européens, pourtant alliés des Américains, tiennent à préserver un accord sur le nucléaire qu’ils jugent indispensa­ble à la sécurité mondiale et, pour éviter que Téhéran ne le quitte à son tour et ne relance sa course à l’arme atomique, promettent de l’aider à contourner les sanctions.

Les États-Unis affichent l’objectif de ramener à zéro les exportatio­ns iraniennes de pétrole brut, qui assurent environ 40 % des recettes de l’État iranien

Un habitué des évasions

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ATTA KENARE AGENCE FRANCE-PRESSE Malgré une économie en difficulté, de nombreux experts estiment que l’Iran va pour l’instant résister aux sanctions américaine­s.

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