Le Devoir

« La prostituti­on est loin d’être un choix »

Un conseil régional de la CSN quitte la FFQ pour ses positions sur les femmes dans l’industrie du sexe

- MAGDALINE BOUTROS

Le Conseil central de Lanaudière-CSN ne renouvelle­ra pas son adhésion à la Fédération des femmes du Québec — qui vient à échéance en décembre —, disant ne plus se reconnaîtr­e dans les positions prises récemment par la FFQ sur la prostituti­on.

« Pour nous, il est clair que la prostituti­on est loin d’être un choix », fait valoir Patricia Rivest, vice-présidente à la condition féminine du Conseil central de Lanaudière-CSN, qui représente près de 12 000 travailleu­rs.

En 2013, la centrale syndicale avait adopté une position préconisan­t la criminalis­ation des proxénètes et des clients et la décriminal­isation des prostituée­s, souligne Mme Rivest. « Ce qui a été décidé à la FFQ ne ressemble plus en aucun cas à ce que nos membres ont voté », explique-t-elle.

Réunies en assemblée générale extraordin­aire, le 28 octobre, les membres de la FFQ ont adopté une position reconnaiss­ant « l’agentivité des femmes dans la prostituti­on/industrie du sexe incluant le consenteme­nt à leurs activités ». L’agentivité est la capacité à être un agent actif de sa vie.

Le 1er novembre, les membres du conseil exécutif du Conseil central de Lanaudière-CSN ont décidé à l’unanimité de quitter la FFQ.

« Une mère seule qui a trois enfants et qui travaille au salaire minimum 20 heures par semaine, si elle se retrouve dans la prostituti­on, est-ce qu’on peut vraiment dire que c’est un choix ? », se questionne Mme Rivest, soulignant que bien des femmes débutent dans l’industrie du sexe alors qu’elles sont encore mineures.

«Des groupes pro-travailleu­ses du sexe, qui ont des objectifs obscurs, ont décidé de se mobiliser en grand nombre et ont pris une position pour toutes les femmes, mais j’ai l’impression que ce ne sont pas toutes les femmes qui pensent comme ça », ajoute-t-elle.

La FFQ revient sur la controvers­e

Dans un communiqué publié vendredi, la FFQ revient sur la controvers­e suscitée par sa récente prise de position sur la prostituti­on.

La Fédération rappelle qu’en « cohérence » avec la position adoptée sur la capacité d’agir des femmes évoluant dans l’industrie du sexe, les membres ont appuyé une propositio­n qui vise, entre autres choses, à lutter « contre la violence et les obstacles à la sortie de la prostituti­on/industrie du sexe que subissent les femmes qui sont dans cette industrie, et celles qui en sortent ».

Le conseil d’administra­tion de la FFQ dit avoir « pris note » des réactions et des interpréta­tions qui ont émergé ces derniers jours.

Sans jugement

La FFQ assure que cette nouvelle position ne donne aucunement un « laissez-passer à la culture de l’agression », mais qu’elle permet plutôt de « mieux défendre les droits fondamenta­ux de toutes les femmes, en incluant toutes leurs expérience­s ».

« Nous soutenons toutes les femmes, sans jugement, à chaque étape de leur

Des groupes pro-travailleu­ses du sexe [...] ont pris une position pour toutes les femmes, mais j’ai l’impression que ce ne sont pas toutes les femmes qui » pensent comme ça PATRICIA RIVEST

vie et dans toutes leurs batailles », insiste la FFQ. « Nous refusons la vision selon laquelle ces femmes seraient seulement des victimes. »

« Les luttes contre les rapports inégalitai­res entre les hommes et les femmes ne seront jamais incompatib­les avec les luttes pour les droits humains de toutes les femmes », résume la FFQ.

D’autres défections ?

Au moins deux autres organismes membres de la FFQ ont entamé un processus de réflexion à la lumière de cette nouvelle position sur la prostituti­on. La Concertati­on des luttes contre l’exploitati­on sexuelle (CLES) a annoncé, la semaine dernière, qu’elle réévaluait son adhésion à la FFQ. Une consultati­on auprès de ses membres est en cours.

Le Regroupeme­nt québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) présentera la nouvelle position à ses membres en janvier. Il n’a pas précisé, pour l’instant, s’il remet ou non son adhésion à la FFQ en question.

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