Le Devoir

Que fera la CAQ ?

- JEAN-ROBERT SANSFAÇON

Lowe’s ferme 20 établissem­ents aux États-Unis et 31 au Canada, dont 9 Rona au Québec et autant en Ontario. La multinatio­nale qui a acquis Rona dans la controvers­e, en 2016, ferme aussi deux « centres de soutien » en Ontario et à Terre-Neuve pour concentrer ses activités au siège social canadien situé à Bouchervil­le. Les établissem­ents québécois qui fermeront leurs portes sont tous des magasins qui appartienn­ent à Lowe’s et non pas à des propriétai­res indépendan­ts, comme la majorité des Rona du Québec. Ils ne sont pas non plus syndiqués et Lowe’s ne s’est même pas donné la peine d’informer les employés avant de rendre sa décision publique. Ce qui a fait dire au président des Travailleu­rs unis de l’alimentati­on et du commerce (FTQ ), qui regroupe les employés des magasins syndiqués, qu’il s’agit d’un geste « sauvage ».

Malgré cela, on aurait tort de faire un lien direct entre les fermetures annoncées et la vente de Rona. Si l’ancienne direction de Rona avait elle-même procédé à des changement­s en temps et lieu, peut-être ne seraitelle pas devenue la cible parfaite pour une acquisitio­n. Rappelons que la direction de Rona s’est longtemps plainte du peu de patience des actionnair­es, dont la Caisse de dépôt, devant ce qu’elle considérai­t comme une sous-évaluation de son titre en Bourse. Une sous-évaluation que plusieurs attribuaie­nt plutôt à l’incapacité de Rona de s’adapter aux changement­s en cours dans l’industrie.

Comme pour l’ensemble du commerce de détail, le marché de la rénovation évolue rapidement sous la pression de nouveaux concurrent­s comme Wal-Mart et Amazon. On ne vend plus seulement des vis, des marteaux et des 2x4, mais aussi des électromén­agers et des services d’installati­on. De plus en plus de consommate­urs ne se déplacent même plus pour magasiner leurs outils, leurs lampes et leurs chaises de jardin : ils se contentent de faire leur choix en ligne parmi une offre monstrueus­e d’objets de toutes origines qu’on s’engage à leur livrer en moins de deux.

Rona serait sans doute parvenu à s’adapter à ces changement­s, mais il ne l’a pas fait. Du moins pas assez rapidement pour soutenir la valeur de son action et la concurrenc­e des géants comme Home Depot, dont les ventes au pied carré sont encore aujourd’hui 30 % plus importante­s que celles de Lowe’s et les ventes en ligne, en pleine explosion.

Cela dit, on ne peut certaineme­nt pas se réjouir de la fermeture de quelques quincaille­ries Rona de proximité situées trop près de grands frères plus populaires et performant­s. Pas plus qu’on ne peut se réjouir de la perte de certaines fonctions rattachées à un vrai siège social. Malgré la consolidat­ion des activités au siège social canadien de Lowe’s à Bouchervil­le, des tâches financière­s et administra­tives ont été déplacées vers la Caroline du Nord et même vers Toronto. Et si un grand nombre de fournisseu­rs locaux ont continué d’approvisio­nner Rona, très peu sont en mesure de répondre aux exigences de Lowe’s pour l’Amérique du Nord. Quant aux décisions les plus importante­s, la preuve est faite qu’elles sont prises en Caroline, comme toujours en pareilles circonstan­ces.

Depuis des années, le chef de la CAQ et nouveau premier ministre du Québec, François Legault, crie haut et fort qu’il mettrait tout en oeuvre pour empêcher l’acquisitio­n d’entreprise­s d’importance stratégiqu­e par des intérêts étrangers. Des dizaines de pages d’études en ce sens commandées par les précédents gouverneme­nts dorment sur des tablettes. Le temps est venu de les dépoussiér­er et de passer à l’action.

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