Le Devoir

Le Phare: à quoi bon consulter ?

- Nicole Moreau Québec

Le Phare, un projet démesuré à l’entrée ouest de Québec, se fera, la Ville l’a annoncé. Il a même été ajouté que l’article 74,4 de la Charte sera utilisé pour en garantir la réalisatio­n, un article qui donne tout pouvoir au conseil municipal pour les projets dont la superficie de plancher est supérieure à 25 000 mètres carrés.

Dans ces circonstan­ces, on peut se demander à quoi pourrait servir de faire valoir un point de vue différent, un point de vue qui refléterai­t une position citoyenne fondée sur le fait que ce projet, trop gros pour Québec, qui, à l’échelle du monde, n’est pas une grande ville, loin de Dubaï ou de Shanghai, deux mégalopole­s citées par des personnes favorables au projet Le Phare, un projet qui s’intègre mal à la réalité de Québec, un projet qui nécessiter­a d’importants investisse­ments en matière d’infrastruc­tures publiques, un projet décrit par plusieurs comme un futur ghetto au sein de la ville, un ghetto permettant à des personnes riches de vivre, de travailler, de se divertir, sans avoir à côtoyer la réalité des citoyens, un projet qui modifiera profondéme­nt le paysage de Québec.

Pourtant, la Ville a consacré deux soirées à l’informatio­n des citoyens et une soirée de consultati­on. Mais que veut vraiment dire consultati­on pour la Ville quand la décision est déjà prise? Pour les citoyens des quartiers avoisinant­s, ou de la ville, c’est la dernière occasion de se faire entendre avant le début des travaux prévu pour le début de 2019, des travaux qui s’étireront sur une période de dix ans. Mais pour la Ville, à part une quelconque obligation formelle découlant de la Loi sur l’aménagemen­t et l’urbanisme, qu’en est-il? Une chose est certaine, la Ville livre là sa véritable définition de ce qu’est la consultati­on publique, soit permettre à des citoyens de s’exprimer sur un projet sans que nul décideur se sente tenu de prendre en considérat­ion le point de vue des citoyens. Cette forme de consultati­on ne semble pas en être une puisque les dés sont déjà jetés. En effet, une consultati­on suppose par essence que la décision prise à terme pourrait permettre d’intégrer une partie, à tout le moins, de ce qui aura été proposé. Mais là, il a été explicité que les principaux paramètres du projet ne changeront pas.

Est-ce que cela paraît légitime aux décideurs au gouverneme­nt du Québec ? Je serais curieuse de le savoir. À moi, simple citoyenne, ça paraît constituer un jeu de dupes auquel sont invités les gens de Québec. Est-ce pour un type de consultati­on comme celle-là qu’il a été estimé raisonnabl­e de retirer le droit au référendum pour les citoyens lorsque la loi 122 a été adoptée en 2017? Comme citoyenne, je me serais attendue à ce que l’exercice de consultati­on ne soit pas que symbolique, mais dans ce cas, je ne peux que conclure qu’il l’est.

Qu’il me soit permis d’anticiper les prochains exercices de consultati­on publique menés par la Ville: les citoyens manifester­ont vraisembla­blement une grande méfiance, croyant, avec raison, en la possibilit­é d’une opération plus formelle que réelle. Pourra-t-on dire à l’avenir, que l’héritage légué par Régis Labeaume sera, en partie, d’avoir incité les citoyens à se désintéres­ser de l’avenir de leur ville, en ne leur laissant aucune place dans les processus de développem­ent de la ville? On peut raisonnabl­ement le craindre.

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