Le Devoir

Le journalist­e Philippe Lançon, Prix Femina |

Le journalist­e raconte dans Le lambeau l’attentat de Charlie Hebdo et les mois suivants

- AGENCE FRANCE-PRESSE À PARIS

Le journalist­e et écrivain Philippe Lançon a reçu lundi le prix Femina pour Le lambeau (Gallimard), qui revient de façon poignante sur l’attentat de Charlie Hebdo et raconte sa lente reconstruc­tion après sa grave blessure au visage.

Snobé par le Goncourt, Le lambeau demeure en lice pour le Renaudot — qui sera décerné mercredi — et le prix Interallié, proclamé le 14 novembre. Pour de nombreux critiques, ce roman est le meilleur livre de l’année.

Le 7 janvier 2015, Philippe Lançon n’est pas mort après que des tueurs criant « Allah Akbar » ont fait irruption dans les locaux de Charlie Hebdo, massacrant au total douze personnes. Une balle lui a arraché le bas du visage.

« À partir du 7 janvier, tous les mondes dans lesquels j’avais vécu, toutes les personnes que j’avais aimées se mirent à cohabiter en moi sans préséance ni bienséance, avec une intensité folle, proportion­nelle à la sensation qui dominait : j’allais les perdre, je les avais déjà perdus. »

Témoignage bouleversa­nt

Le récit commence la veille de l’attentat. Chroniqueu­r culturel à Libération, Philippe Lançon est au théâtre, pour voir La nuit des rois, de Shakespear­e. Dans cette pièce, le personnage de Malvolio le puritain, rappelle Philippe Lançon, « veut punir les hommes de leurs plaisirs et de leurs sentiments au nom du bien qu’il croit porter, au nom d’un dieu, [et il] se croit autorisé à faire tout le mal possible pour y parvenir ». Mais cette pièce, nous dit Shakespear­e, est juste un songe. Le 7 janvier fut au-delà du cauchemar.

Philippe Lançon raconte l’attentat dans une soixantain­e de pages parfois insoutenab­les. « J’ai tourné ma langue dans ma bouche et j’ai senti des morceaux de dents qui flottaient un peu partout », se souvient-il.

« J’ai su plus tard que la salle de rédaction était une mare de sang, mais [...] si je baignais dedans, je ne le voyais presque pas. »

Mais le plus difficile est encore à venir. Philippe Lançon nous fait le récit du lent et douloureux travail de reconstruc­tion de son corps détruit.

Sa plume est portée par la grâce quand il évoque les infirmière­s qui veillent sur lui, les médecins, notamment « Chloé », qui se relaient à son chevet, les policiers qui le protègent, son frère qui ne le quitte pas.

Le livre s’achève le 13 novembre, jour de l’attaque de plusieurs restaurant­s et de la salle de concert du Bataclan à Paris. Philippe Lançon est à New York.

« C’était de nouveau, comme au réveil après l’attentat, un décollemen­t de conscience, et j’ai senti que tout recommença­it, ou plus exactement continuait, en moi et autour de moi… »

Femina étranger et essai

La romancière américaine Alice McDermott a reçu le Femina étranger pour La neuvième heure (La table ronde) et Élisabeth de Fontenay a été récompensé­e par le Femina essai pour Gaspard la nuit (Stock). Pierre Guyotat, en compétitio­n avec son roman Idiotie (Grasset), a reçu un « prix spécial pour l’ensemble de son oeuvre ».

L’an dernier, le prix Femina avait récompensé Philippe Jaenada pour La serpe (Julliard) tandis que le prix Femina étranger avait été attribué à l’Américain John Edgar Wideman pour Écrire pour sauver une vie, le dossier Louis Till (Gallimard). Le prix Femina essai avait récompensé Jean-Luc Coatalem pour Mes pas vont ailleurs (Stock).

 ?? CHRISTOPHE ARCHAMBAUL­T AGENCE FRANCE-PRESSE ?? L’écrivain a été gravement touché à la mâchoire par une balle tirée par les tueurs ayant fait irruption dans la rédaction de Charlie Hebdole 7 janvier 2015, en France.
CHRISTOPHE ARCHAMBAUL­T AGENCE FRANCE-PRESSE L’écrivain a été gravement touché à la mâchoire par une balle tirée par les tueurs ayant fait irruption dans la rédaction de Charlie Hebdole 7 janvier 2015, en France.

Newspapers in French

Newspapers from Canada