Le Devoir

Le procès du baron des narcos est lancé

- LAURA BONILLA CAL À NEW YORK AGENCE FRANCE-PRESSE

Le procès du narcotrafi­quant mexicain Joaquín « El Chapo » Guzmán, connu pour ses évasions rocamboles­ques et pour avoir dirigé 25 ans durant l’un des cartels les plus puissants au monde, s’est ouvert lundi à New York sous haute sécurité.

Près de deux ans après son extraditio­n aux États-Unis en janvier 2017, « El Chapo » — « Le Courtaud », en référence à sa petite taille — est arrivé au tribunal de Brooklyn vêtu d’un complet bleu marine, sur une chemise blanche au large col style années 1970.

Assisté d’un traducteur, l’homme que la justice américaine présente comme le plus puissant narcotrafi­quant depuis Pablo Escobar, mort en 1993, a semblé détendu et attentif.

M. Guzmán, 61 ans, est accusé d’avoir dirigé de 1989 à 2014 le cartel de Sinaloa, du nom de la région du nord-ouest du Mexique dont il est originaire.

Selon l’accusation, le cartel a expédié aux États-Unis d’énormes quantités de drogue, pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars américains.

Le procès a débuté par la sélection des douze jurés et six suppléants, qui doivent être choisis d’ici vendredi parmi une centaine de personnes. Elle se déroule à huis clos, une mesure réservée aux accusés jugés dangereux. Lundi, les avocats ont interrogé 45 jurés potentiels, en écartant 17, dont deux femmes inquiètes d’éventuelle­s représaill­es des associés d’« El Chapo ».

Pour protéger les jurés, leurs noms resteront secrets, et ils seront escortés chaque jour au tribunal, à la sécurité renforcée, avec plus d’une vingtaine d’hommes en armes et chiens renifleurs visibles lundi.

Des centaines de milliers de documents

M. Guzmán s’est échappé par deux fois de prisons mexicaines et, même s’il n’est pas jugé pour meurtre, il aurait, selon l’accusation, commandité quelque 37 assassinat­s.

Au terme d’environ quatre mois d’audiences, les jurés devront décider si les preuves sont suffisante­s pour déclarer « El Chapo » coupable des onze chefs d’accusation contre lui, dont trafic et distributi­on de drogues, possession d’armes à feu, blanchimen­t d’argent, pour lesquels il plaide non coupable.

Les procureurs affirment avoir une montagne de documents à charge : quelque 300 000 pages de documents, 117 000 enregistre­ments audio et quantité de photos et de vidéos. Beaucoup de documents restent confidenti­els, comme la liste des anciens associés, des employés ou des rivaux de Joaquín Guzmán appelés à témoigner. Certains bénéficien­t de la protection du gouverneme­nt américain. D’autres sont détenus dans des prisons spéciales pour empêcher toutes représaill­es.

« El Chapo » lui-même est maintenu en isolement depuis son extraditio­n aux États-Unis, en janvier 2017, dans une cellule sans fenêtre, 23 heures sur 24. Les seules personnes autorisées à lui rendre visite, à travers une vitre, sont ses avocats et ses jumelles de sept ans.

Sa femme, Emma Coronel Aispuro, une reine de beauté de 29 ans qu’il a épousée quand elle en avait 17, est interdite de visite. Depuis 2017, elle a assisté à de nombreuses audiences, et devrait être présente pour les plaidoirie­s d’ouverture attendues le 13 novembre. Arrêté une première fois au Guatemala en 1993, « El Chapo » s’était échappé en 2001 d’une prison mexicaine, caché dans un bac à linge sale.

Interpellé en février 2014, il avait réussi à s’enfuir quatorze mois plus tard, via un tunnel de 1,5 kilomètre de longueur creusé sous la douche de sa cellule.

Il avait été repris en janvier 2016. Les autorités avaient retrouvé sa trace après qu’il eut reçu dans la jungle l’acteur américain Sean Penn et l’actrice américano-mexicaine Kate del Castillo, venus l’interviewe­r pour faire un film sur sa vie.

Même sans M. Guzmán, le cartel de Sinaloa reste puissant. Son associé présumé Ismael « El Mayo » Zambada court toujours et le Mexique souffre plus que jamais de l’emprise des narcotrafi­quants, avec un record d’environ 29 000 homicides en 2017.

La seule tenue de ce procès est néanmoins un succès pour la justice américaine, qui n’avait jamais pu juger Pablo Escobar, abattu lors d’une opération policière à Medellín en 1993.

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