Trump sort la carotte et le bâton
Le climat risque de s’envenimer avec la majorité démocrate à la Chambre des représentants
Le ton est donné. Une main tendue, un poing en l’air. Moins de vingt-quatre heures après avoir perdu la majorité à la Chambre des représentants, Donald Trump a prévenu les démocrates qu’il répliquerait coup sur coup à toute enquête sur ses déclarations de revenus ou sur les agissements de son gouvernement.
Sur Twitter et dans une longue conférence de presse marquée par des attaques contre les journalistes, le président des États-Unis a soufflé le chaud et le froid. Fidèle à lui-même, il a multiplié les déclarations contradictoires, en plus de congédier le procureur général des États-Unis, Jeff Sessions (voir encadré).
Même s’il a perdu le contrôle d’une des deux chambres du Congrès, Donald Trump a projeté l’image d’un homme galvanisé par les élections de mi-mandat, tenues mardi. «Je pense que les gens m’aiment », a-t-il laissé tomber au cours d’un point de presse épique, durant lequel il a dénoncé les médias « vicieux», «hostiles» et fabricants de « fausses nouvelles ».
La Maison-Blanche a d’ailleurs retiré jeudi l’accréditation d’un journaliste de CNN après un échange houleux avec le président, a rapporté l’Agence FrancePresse.
Le président estime avoir mieux fait que ses prédécesseurs lors des élections de mi-mandat, qui sont généralement l’occasion de sanctionner l’occupant de la Maison-Blanche. Trump a fait valoir que la perte de 27 sièges à la Chambre des représentants est bien moindre que celle subie par Barack Obama en 2010 (il avait perdu 63 sièges).
Les républicains ont aussi conservé leur majorité au Sénat et parmi les gouverneurs, avec des victoires déterminantes en Floride, en Géorgie, en Ohio et en Iowa, notamment, a souligné Donald Trump.
Questionné sur les violences ayant marqué la campagne électorale — attentat dans une synagogue, envoi de colis piégés à des personnalités démocrates —, le président a dit espérer un apaisement du climat politique à Washington. Il affirme avoir eu l’assurance de la démocrate Nancy Pelosi, pressentie pour devenir présidente de la Chambre des représentants, que la collaboration serait au rendez-vous lors de la reprise des travaux au Congrès, au début de l’année 2019.
La destitution en jeu
« L’heure est venue pour les deux partis de travailler ensemble et de mettre de côté la partisanerie, a lancé le président. Hier, Nancy m’a parlé d’unité. C’est ce qu’il faut faire. Je pense qu’il existe une très bonne probabilité que ça arrive. »
Fait inusité, Trump a dit appuyer Pelosi dans la course à la présidence de la Chambre des représentants. « Elle aime son pays », a-t-il dit à propos de son adversaire. L’élue californienne de longue date ne fait pas l’unanimité au sein de ses troupes, mais elle a une grande qualité aux yeux de Trump : elle a déclaré au cours des derniers jours qu’elle exclut de lancer des procédures de destitution du président — malgré ses failles et ses défauts. Elle a dit plutôt souhaiter un travail bipartisan, entre autres sur la question des infrastructures et sur les coûts des médicaments, comme l’a suggéré le
New York Times dans un éditorial. Donald Trump a mis en garde les démocrates contre la tentation de profiter de leur majorité dans une des deux chambres du Congrès pour régler leurs comptes avec les républicains. « Si les démocrates pensent qu’ils vont gaspiller
l’argent des contribuables pour enquêter sur nous à la Chambre, on sera probablement forcés d’enquêter sur eux pour toutes les fuites d’informations classifiées, et beaucoup plus, au Sénat. C’est un jeu qui se joue à deux!», a lancé le président à partir de son compte @realdonaldtrump sur Twitter.
La campagne est lancée
Le ton vindicatif risque de prendre le dessus rapidement sur les paroles d’apaisement, estime Christophe CloutierRoy, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « La campagne de Trump pour 2020 est lancée », dit ce spécialiste des poids et contrepoids dans le système politique américain.
«Dans un monde idéal, les partis seraient capables de s’entendre pour faire avancer les dossiers, mais on n’est plus dans les beaux jours du bipartisme comme dans les années 1950 et 1960 », dit-il.
«Les blocages risquent d’aller en s’intensifiant. Les deux partis vont placer leurs pions en vue des élections de 2020. Les démocrates n’ont pas d’incitatifs à faire des faveurs au président, comme les républicains l’avaient fait pour Obama », ajoute le chercheur.
Donald Trump, en tout cas, a rappelé certains enjeux qui lui tiennent à coeur. Comme par hasard, les démocrates s’opposent à ces engagements du président : construire un mur à la frontière du Mexique, mettre fin au droit du sol (qui accorde la citoyenneté automatique à quiconque naît aux États-Unis) et baisser les impôts de la classe moyenne, par exemple.
Même lorsqu’il avait le contrôle des deux chambres du Congrès, Trump a échoué depuis deux ans à faire adopter des projets, notamment l’annulation de la réforme de l’assurance maladie d’Obama, rappelle Christophe CloutierRoy. La mainmise des démocrates sur la Chambre des représentants ajoute un obstacle sur la route du président.