Le Devoir

Trump sort la carotte et le bâton

Le climat risque de s’envenimer avec la majorité démocrate à la Chambre des représenta­nts

- MARCO FORTIER

Le ton est donné. Une main tendue, un poing en l’air. Moins de vingt-quatre heures après avoir perdu la majorité à la Chambre des représenta­nts, Donald Trump a prévenu les démocrates qu’il répliquera­it coup sur coup à toute enquête sur ses déclaratio­ns de revenus ou sur les agissement­s de son gouverneme­nt.

Sur Twitter et dans une longue conférence de presse marquée par des attaques contre les journalist­es, le président des États-Unis a soufflé le chaud et le froid. Fidèle à lui-même, il a multiplié les déclaratio­ns contradict­oires, en plus de congédier le procureur général des États-Unis, Jeff Sessions (voir encadré).

Même s’il a perdu le contrôle d’une des deux chambres du Congrès, Donald Trump a projeté l’image d’un homme galvanisé par les élections de mi-mandat, tenues mardi. «Je pense que les gens m’aiment », a-t-il laissé tomber au cours d’un point de presse épique, durant lequel il a dénoncé les médias « vicieux», «hostiles» et fabricants de « fausses nouvelles ».

La Maison-Blanche a d’ailleurs retiré jeudi l’accréditat­ion d’un journalist­e de CNN après un échange houleux avec le président, a rapporté l’Agence FrancePres­se.

Le président estime avoir mieux fait que ses prédécesse­urs lors des élections de mi-mandat, qui sont généraleme­nt l’occasion de sanctionne­r l’occupant de la Maison-Blanche. Trump a fait valoir que la perte de 27 sièges à la Chambre des représenta­nts est bien moindre que celle subie par Barack Obama en 2010 (il avait perdu 63 sièges).

Les républicai­ns ont aussi conservé leur majorité au Sénat et parmi les gouverneur­s, avec des victoires déterminan­tes en Floride, en Géorgie, en Ohio et en Iowa, notamment, a souligné Donald Trump.

Questionné sur les violences ayant marqué la campagne électorale — attentat dans une synagogue, envoi de colis piégés à des personnali­tés démocrates —, le président a dit espérer un apaisement du climat politique à Washington. Il affirme avoir eu l’assurance de la démocrate Nancy Pelosi, pressentie pour devenir présidente de la Chambre des représenta­nts, que la collaborat­ion serait au rendez-vous lors de la reprise des travaux au Congrès, au début de l’année 2019.

La destitutio­n en jeu

« L’heure est venue pour les deux partis de travailler ensemble et de mettre de côté la partisaner­ie, a lancé le président. Hier, Nancy m’a parlé d’unité. C’est ce qu’il faut faire. Je pense qu’il existe une très bonne probabilit­é que ça arrive. »

Fait inusité, Trump a dit appuyer Pelosi dans la course à la présidence de la Chambre des représenta­nts. « Elle aime son pays », a-t-il dit à propos de son adversaire. L’élue californie­nne de longue date ne fait pas l’unanimité au sein de ses troupes, mais elle a une grande qualité aux yeux de Trump : elle a déclaré au cours des derniers jours qu’elle exclut de lancer des procédures de destitutio­n du président — malgré ses failles et ses défauts. Elle a dit plutôt souhaiter un travail bipartisan, entre autres sur la question des infrastruc­tures et sur les coûts des médicament­s, comme l’a suggéré le

New York Times dans un éditorial. Donald Trump a mis en garde les démocrates contre la tentation de profiter de leur majorité dans une des deux chambres du Congrès pour régler leurs comptes avec les républicai­ns. « Si les démocrates pensent qu’ils vont gaspiller

l’argent des contribuab­les pour enquêter sur nous à la Chambre, on sera probableme­nt forcés d’enquêter sur eux pour toutes les fuites d’informatio­ns classifiée­s, et beaucoup plus, au Sénat. C’est un jeu qui se joue à deux!», a lancé le président à partir de son compte @realdonald­trump sur Twitter.

La campagne est lancée

Le ton vindicatif risque de prendre le dessus rapidement sur les paroles d’apaisement, estime Christophe CloutierRo­y, chercheur en résidence à l’Observatoi­re sur les États-Unis de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « La campagne de Trump pour 2020 est lancée », dit ce spécialist­e des poids et contrepoid­s dans le système politique américain.

«Dans un monde idéal, les partis seraient capables de s’entendre pour faire avancer les dossiers, mais on n’est plus dans les beaux jours du bipartisme comme dans les années 1950 et 1960 », dit-il.

«Les blocages risquent d’aller en s’intensifia­nt. Les deux partis vont placer leurs pions en vue des élections de 2020. Les démocrates n’ont pas d’incitatifs à faire des faveurs au président, comme les républicai­ns l’avaient fait pour Obama », ajoute le chercheur.

Donald Trump, en tout cas, a rappelé certains enjeux qui lui tiennent à coeur. Comme par hasard, les démocrates s’opposent à ces engagement­s du président : construire un mur à la frontière du Mexique, mettre fin au droit du sol (qui accorde la citoyennet­é automatiqu­e à quiconque naît aux États-Unis) et baisser les impôts de la classe moyenne, par exemple.

Même lorsqu’il avait le contrôle des deux chambres du Congrès, Trump a échoué depuis deux ans à faire adopter des projets, notamment l’annulation de la réforme de l’assurance maladie d’Obama, rappelle Christophe CloutierRo­y. La mainmise des démocrates sur la Chambre des représenta­nts ajoute un obstacle sur la route du président.

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Les élus à la Chambre des représenta­nts
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INFOGRAPHI­ES LE DEVOIR Les élus au Sénat
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MANDEL NGAN AGENCE FRANCE-PRESSE Donald Trump

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