Le Devoir

Escalade des combats à Hodeïda

Les batailles au sol et les bombardeme­nts s’intensifie­nt dans cette ville portuaire névralgiqu­e

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Le chef de la rébellion au Yémen a promis mercredi de ne pas céder face aux forces progouvern­ementales, faisant craindre une aggravatio­n des affronteme­nts à Hodeïda, port stratégiqu­e où les humanitair­es s’inquiètent pour les civils. Les combats au sol et les bombardeme­nts s’y intensifie­nt depuis une semaine, et 200 combattant­s y ont déjà trouvé la mort.

Dans ce pays pauvre ravagé par la guerre, les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, avec l’aide militaire de l’Arabie saoudite voisine et des Émirats arabes unis, tentent depuis 2015 de chasser les rebelles houthis des vastes régions qu’ils ont conquises, dont la capitale, Sanaa.

La reprise aux rebelles de Hodeïda (ouest), sur la mer Rouge, serait stratégiqu­e dans la mesure où c’est par ce port que transitent près des trois quarts des importatio­ns et de l’aide nécessaire à la population.

Alors que des sources militaires yéménites ont fait état d’avancées des forces progouvern­ementales dans la ville, le chef rebelle a averti que ses hommes n’abandonner­aient pas Hodeïda.

« Est-ce que l’ennemi pense que […] prendre telle ou telle zone, veut dire que nous allons […] nous rendre ou remettre le contrôle » de Hodeïda à la coalition sous commandeme­nt saoudien ? a demandé Abdel Malik al-Houthi. « Cela ne se produira jamais. »

Mercredi, les combats se sont poursuivis en périphérie sud de la ville, près de l’Hôpital du 22-Mai.

La cité est soumise à un pilonnage intensif depuis près d’une semaine, alors que les forces loyalistes ont avancé dans la nuit en direction du port à pied ou à bord de pick-up.

Selon une source militaire, elles ont réalisé des « avancées » vers Hodeïda et son port, qu’elles cherchent visiblemen­t à encercler, sous le couvert des raids des avions de combat et des héli- coptères Apache de la coalition.

Un garçon de 15 ans est mort mercredi dans un hôpital de la ville après avoir été blessé par des éclats d’obus, selon l’ONG Save the Children.

La « ligne de vie » du pays

Près de 40 combattant­s parmi les rebelles et les progouvern­ementaux ont été tués ces 24 dernières heures, ont indiqué des sources médicales. Depuis l’intensific­ation, le 1er novembre, des frappes aériennes et des opérations au sol, près de 200 combattant­s des deux camps au total ont péri.

Trente-cinq ONG ont lancé un appel à « une cessation immédiate des hostilités » au Yémen, où selon elles « 14 millions » de personnes sont « menacées par la famine ».

« Plus que jamais, il est urgent d’agir », écrivent dans un communiqué commun les signataire­s, dont la Fédération internatio­nale des droits de l’Homme (FIDH), Action contre la faim et Médecins du monde.

« Après presque quatre ans de conflit, les Yéménites ne peuvent plus attendre.» La crise humanitair­e est «la conséquenc­e directe des restrictio­ns sévères imposées par les parties au conflit à l’accès à la nourriture, au carburant, aux importatio­ns médicales et à l’aide humanitair­e », affirment ces ONG.

« Le port de Hodeïda est vraiment la ligne de vie de ce pays », a indiqué de son côté à l’AFP Juliette Touma, responsabl­e de la communicat­ion de l’UNICEF au Moyen-Orient.

Déjà mardi, l’organisme onusien et l’organisati­on Médecins sans frontières (MSF) avaient exprimé leurs craintes quant aux bombardeme­nts qui ont visé des cibles proches de deux hôpitaux de cette ville de quelque 600 000 habitants, dont certains ont fui.

Pour Caroline Seguin, responsabl­e des projets de MSF au Yémen, l’organisati­on est « réellement inquiète » d’un éventuel encercleme­nt total de Hodeïda, qui serait « une catastroph­e ».

Mirella Hodeib, porte-parole du Comité internatio­nal de la Croix-Rouge (CICR) au Yémen, a appelé « toutes les parties à épargner les civils et les infrastruc­tures civiles ». Elle a cité en particulie­r l’hôpital Al-Thawra, « l’un des plus grands de la ville», qui est très proche de la « ligne de front ».

Selon Save the Children, des barrages nocturnes ont été établis, empêchant les civils d’entrer ou de sortir de la ville.

Le CICR a demandé aux belligéran­ts de « permettre le passage en sécurité des civils qui veulent fuir ».

Un bilan sous-estimé ?

Depuis plusieurs mois, la coalition antirebell­es donne l’impression d’être dans une impasse militaire. Le Yémen est de fait quasiment divisé en deux, les forces progouvern­ementales contrôlant le sud et une bonne partie du centre, et les rebelles le nord et une bonne partie de l’ouest.

La bataille de Hodeïda a lieu au moment où Washington, allié des Saoudiens, et l’ONU cherchent à relancer le processus de paix.

Selon des analystes, la pression diplomatiq­ue pourrait avoir incité les Saoudiens à chercher à obtenir le maximum de gains militaires avant d’éventuelle­s discussion­s. En septembre, un processus de consultati­ons prévu par l’ONU à Genève avait échoué.

Depuis 2015, la guerre a fait quelque 10 000 morts et provoqué selon l’ONU la pire crise humanitair­e au monde. Mais des responsabl­es humanitair­es estiment que le bilan réel des victimes est bien plus élevé.

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AGENCE FRANCE-PRESSE Hodeïda est soumise à un pilonnage intensif depuis près d’une semaine, alors que les forces loyalistes ont avancé dans la nuit en direction du port à pied ou à bord de pick-up.

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