Le Devoir

Nicolas Mathieu remporte le Goncourt avec Leurs enfants après eux

Le jury du prix Renaudot crée la surprise en récompensa­nt Valérie Manteau

- ALAIN JEAN-ROBERT À PARIS

« C’est un auteur nouveau, c’est un auteur jeune et c’est surtout un auteur qui parle de la France d’aujourd’hui », a salué Bernard Pivot, patron du Goncourt, le plus prestigieu­x des prix littéraire­s du monde francophon­e, remporté mercredi par Nicolas Mathieu pour Leurs enfants après eux, fresque politique et sociale autant que roman d’apprentiss­age sur l’adolescenc­e.

Le plus convoité des prix littéraire­s du monde francophon­e a été attribué au romancier âgé de 40 ans au quatrième tour de scrutin par six voix contre quatre à Paul Greveillac pour Maîtres et esclaves (Gallimard), grand récit sur l’histoire de la Chine rouge.

Grand perdant de la loterie que sont les prix littéraire­s, David Diop, seul romancier finaliste de tous les grands prix d’automne (Femina, Médicis, Goncourt et Renaudot) pour son émouvant Frère d’âme (Seuil), repart bredouille.

«J’ai passé dix-huit mois enfermé dans une pièce seul et là je suis tout d’un coup comme un lapin devant les phares d’une voiture», a commenté Nicolas Mathieu, venu recevoir son prix (doté de 10 euros symbolique­s) devant une nuée de micros au restaurant Drouant à Paris.

« Ce prix va changer forcément ma vie. Je pense à mon fils, Oscar, âgé de 5 ans. Dans ces cas-là, on revient aux fondamenta­ux. Je pense à ma famille, mes parents, la ville où je suis né [Épi- nal], aux gens dont je parle dans le livre. Tout ça, ça remonte », a-t-il déclaré.

Leurs enfants après eux (Actes Sud) est seulement le deuxième livre de Nicolas Mathieu.

Ce roman suit une bande d’adolescent­s dans la région de la Lorraine en déshérence au cours de quatre étés. Tous ces gamins rêvent « de foutre le camp», mais malgré leurs rêves, ils semblent condamnés à vivre la vie étriquée de leurs parents. Les désirs demeurent inassouvis, même la rage de vivre s’étiole.

« J’ai voulu raconter le monde d’où je viens. C’est une tentative littéraire et politique. Dès qu’on parle des gens, de la façon dont ils vivent, dont ils s’aiment, c’est un acte politique. Il y a un peu de moi, forcément. Mon effort a été de restituer le temps présent, comprendre comment marchent nos vies. Ça passe par des détails, un ancrage maximum dans le réel. Le réel, c’est mon souci », a expliqué Nicolas Mathieu.

Changement

Le jury du Renaudot, qui ne cachait pas son désir de couronner Le lambeau (Gallimard) de Philippe Lançon et était assez mécontent que le jury du Femina lui ait décerné son prix dès lundi, a changé son fusil d’épaule de façon cavalière.

À la surprise générale, Louis Gardel, qui préside cette année le jury, a annoncé que le prix revenait à Valérie Manteau pour Le sillon (Le Tripode), roman magnifique qui fait le portrait d’un Istanbul en plein bouleverse­ment entre l’assassinat en 2007 du journalist­e d’origine arménienne Hrant Dink et les espoirs déçus de la révolte de la place Taksim.

Le livre, deuxième roman de Valérie Manteau, mérite assurément un grand prix, mais ne comptait pas parmi les romans finalistes du Renaudot. Les cinq écrivains toujours en lice (David Diop, Gilles Martin-Chauffier, Philippe Lançon, Diane Mazloum et Pierre Notte) n’auront fait malgré eux que de la figuration.

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Nicolas Mathieu et Valérie Manteau
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