Le Devoir

Pénurie généralisé­e au pays

Les producteur­s ont livré moins de produits que prévu

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Il n’y a pas qu’au Québec que la légalisati­on du cannabis s’est soldée par des pénuries. Toutes les autres provinces consultées par Le Devoir rapportent qu’elles ont elles aussi manqué de produits de cannabis depuis trois semaines, car les producteur­s n’ont livré qu’une partie de la quantité qui leur avait été commandée.

Un tour d’horizon pancanadie­n révèle que les consommate­urs de cannabis du reste du Canada se sont eux aussi heurtés à des portes closes de magasins ou des sites Internet en rupture de stock. D’est en ouest, les sociétés de vente de cannabis admettent ne pas avoir reçu les milliers de kilogramme­s de marijuana attendus.

Au Nouveau-Brunswick, Cannabis NB s’est vu livrer « seulement 20-30 % de la livraison commandée au départ pour la date de lancement [de la légalisati­on du cannabis] le 17 octobre », explique au Devoir la porte-parole de la société, Marie-Andrée Bolduc. Résultat, neuf des vingt magasins de la province sont demeurés fermés lundi matin, faute de stock. Deux d’entre eux n’avaient toujours pas rouvert leurs portes jeudi.

Même scénario en Nouvelle-Écosse, où trois succursale­s de vente de cannabis ont été contrainte­s de fermer leurs portes plus tôt que prévu une journée, en réduisant leurs heures d’ouverture de quatre à six heures. « Puisque nous avons reçu moins de 40 % des produits que nous avions commandés, nous avons connu des pénuries d’huiles, de gels et de paquets d’un gramme », rapporte Beverley Ware de la Nova Scotia Liquor Corporatio­n.

Et la situation a été la même dans l’Ouest, admet la société albertaine qui gère le dossier, l’Alberta Gaming, Liquor and Cannabis. « Compte tenu des problèmes d’approvisio­nnement, l’AGLC n’a pas reçu tous les produits qui avaient été convenus avec les producteur­s autorisés. Du coup, nous nous sommes retrouvés en rupture de stock pour certains produits », indique Heather Holmen. La vente au détail se fait par le secteur privé, en Alberta. Certains magasins ont dû fermer leurs portes pendant quelques heures ou quelques jours.

Au Manitoba, Susan Harrison de la Manitoba Liquor & Lotteries admet que, comme dans les autres provinces, la société « a reçu beaucoup moins de cannabis que ce qui avait été réclamé au départ. Les pénuries de produits concernent à la fois les magasins et la vente en ligne ».

En Colombie-Britanniqu­e, « la quantité de produits était considérab­lement inférieure à ce que les producteur­s autorisés s’étaient engagés à fournir. Jusqu’à présent, les cinq producteur­s les plus importants n’ont pas respecté leurs engagement­s », indique-t-on au ministère du Procureur général de la province. L’unique magasin de Colombie-Britanniqu­e, situé à Kamloops, n’a toutefois pas eu à suspendre ses activités.

Idem à l’Île-du-Prince-Édouard, où certains produits ont manqué, mais aucune des quatre succursale­s de vente n’a eu à fermer ses portes. À TerreNeuve aussi, on reconnaît que « l’approvisio­nnement aux premiers jours de la légalisati­on a été un défi constant », comme ailleurs au pays.

Seul l’Ontario a refusé de discuter de ses réserves de cannabis. La Société ontarienne du cannabis dispose « d’un approvisio­nnement adéquat de produits pour répondre aux commandes » sur le Web, s’est contentée de dévoiler une porte-parole. Aucun magasin n’y est encore ouvert.

Au Québec, les succursale­s de la Société québécoise du cannabis demeurent toujours fermées du lundi au mercredi depuis que la SQDC en a fait l’annonce il y a deux semaines afin de gérer la pénurie de produits dont elle dispose. La société a fait valoir qu’elle n’avait reçu que 40 % des commandes initiales — ou 400 kilogramme­s — qu’elle avait placées pour les deux premières semaines suivant la légalisati­on de la marijuana au Canada.

Le bureau de la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a reconnu que, « comme il s’agit d’un nouveau marché légal, nous savons que certains ajustement­s seront nécessaire­s. Toutefois, nous sommes convaincus que les producteur­s pourront répondre à la demande au fur et à mesure que toute la chaîne d’approvisio­nnement gagnera en expérience », a fait valoir le porte-parole de la ministre, Thierry Bélair.

Au Colorado, l’industrie du cannabis a mis quatre ans à s’ajuster et à répondre à la demande en produisant suffisamme­nt de marijuana et les produits que désiraient réellement les consommate­urs. Au pays, Santé Canada a accéléré la cadence d’approbatio­n de permis de production à la veille de la légalisati­on, en délivrant 89 des 132 permis actuels au cours de la dernière année et demie.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les consommate­urs de cannabis de tout le Canada ont dû composer avec la pénurie.

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