Le Devoir

Le Canada est-il vraiment de retour sur la scène internatio­nale ?

- Mario Renaud, Robert Letendre, Nicole Saint-Martin, Nigel Martin, Yves Pétillon et Pierre Véronneau Membres du Groupe de réflexion en développem­ent internatio­nal et coopératio­n, formé d’anciens directeurs généraux d’organismes de coopératio­n internatio­nal

L’accord de libre-échange États-Unis– Mexique–Canada étant maintenant réglé, le gouverneme­nt Trudeau reviendra-t-il enfin aux engagement­s pris sur la lutte contre la pauvreté et les changement­s climatique­s ? Le Canada a ratifié en novembre 2015 l’Agenda 2030 des Nations unies visant une croissance économique pour tous et l’éliminatio­n de la faim et de la pauvreté extrême, une plus grande justice sociale ainsi que la protection de l’environnem­ent partout sur la planète, y compris au Canada. Peu après, en décembre 2015, le Canada se joignait à l’Accord de Paris sur la lutte contre les changement­s climatique­s pour limiter le réchauffem­ent de la planète à moins de 2 degrés.

Mais en avril dernier, le Vérificate­ur général du Canada produisait un rapport dévastateu­r qui dénonçait le manque flagrant de leadership du gouverneme­nt fédéral et l’absence de plan concret pour la mise en oeuvre de l’Agenda 2030, en particulie­r le manque de coordinati­on et de suivi des divers ministères. Peu après, la société civile canadienne, par la voix du Conseil de coopératio­n internatio­nale de la Colombie-Britanniqu­e, énonçait le même verdict de manque de coordinati­on et de suivi de l’engagement du Canada, en particulie­r avec les partenaire­s de la société civile.

Pourtant, en juin 2017, la ministre Bibeau lançait la nouvelle politique d’aide internatio­nale féministe qui présente la promotion de l’égalité des sexes et le renforceme­nt du pouvoir des femmes et des filles comme le moyen le plus efficace pour réduire la pauvreté et favoriser une croissance économique pour tous. Cela représente un défi particulie­r en Afrique subsaharie­nne, dont un tiers des pays ont enregistré une baisse de revenus de 40 % des population­s les plus pauvres, la seule région au monde dans cette situation selon un récent rapport de la Banque mondiale. Les femmes africaines peuvent aider à améliorer cette situation, mais elles ont besoin d’appuis financiers beaucoup plus importants pour soutenir leurs efforts dans les domaines sociaux, économique­s et environnem­entaux, ainsi que pour la reconnaiss­ance de leurs droits. Une promotion théorique du principe d’égalité n’est pas suffisante.

L’Afrique comme priorité

Le gouverneme­nt Trudeau devrait mettre l’Afrique comme priorité centrale de son programme d’aide internatio­nale et exercer un leadership fort auprès des pays de la région et de la communauté internatio­nale pour que des mesures concrètes soient prises en vue d’améliorer la situation des plus pauvres et des plus vulnérable­s, dans l’immédiat et à plus long terme. Il pourrait aussi appuyer des partenaria­ts efficaces entre les sociétés civiles locales et celles du Canada pour des actions visant un développem­ent local durable, équitable et juste.

Le Canada a déjà été reconnu comme un leader dans ce domaine. Pourtant, nous sommes maintenant parmi les derniers des pays de l’OCDE, n’y accordant que 0,28 % de notre PIB. Le gouverneme­nt Trudeau a-t-il vraiment l’intention de reprendre ce leadership en y mettant les ressources qui auront vraiment un effet concret ?

Sur les changement­s climatique­s, on peut se demander si effectivem­ent le Canada peut se présenter en modèle internatio­nal en construisa­nt plus de pipelines pour les sables bitumineux. La commissair­e fédérale à l’environnem­ent et au développem­ent durable et ses collègues des provinces ont d’ailleurs noté en mars dernier la piètre performanc­e du Canada à atteindre nos objectifs de limiter la production des gaz à effet de serre. Même si notre premier ministre nous dit que la protection de l’environnem­ent et le développem­ent de l’économie vont de pair, nous pouvons rester incrédules devant l’évidence actuelle des effets du réchauffem­ent du climat. Et les experts le disent, ce sont les population­s les plus pauvres qui souffrent les premières des changement­s climatique­s et qui tentent de migrer vers l’Europe ou l’Amérique du Nord.

On est malheureus­ement obligé de conclure que le Canada « n’est pas de retour » sur la scène internatio­nale. Face à la montée des populismes, le monde a besoin d’un leadership fort du Canada pour promouvoir un plus grand humanisme et faire face aux défis de la protection de l’environnem­ent et de l’adaptation aux changement­s climatique­s.

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