Le Devoir

Un juge américain suspend Keystone XL

TransCanad­a se dit malgré tout toujours engagée envers le projet de pipeline

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Le promoteur canadien de l’oléoduc Keystone XL, un projet d’une valeur de 10 milliards, a indiqué vendredi qu’il restait attaché au projet, malgré la décision d’un juge du Montana de lui imposer un nouvel examen environnem­ental.

Un porte-parole de TransCanad­a, Terry Cunha, a déclaré que la société avait reçu la décision du juge et qu’elle l’examinait. Le juge de district américain Brian Morris a mis le projet en suspens, estimant que son impact potentiel n’avait pas été pris en compte comme l’exige la loi fédérale. Les écologiste­s et les groupes amérindien­s ont intenté un procès contre le projet, invoquant des droits de propriété et de potentiels déversemen­ts de pétrole.

Une pénurie de capacité du réseau de pipelines pour exporter la production pétrolière croissante en Alberta est à l’origine des fortes réductions de prix imposées au brut lourd canadien, par rapport au cours de référence négocié à New York. Keystone XL, un oléoduc de 1897 kilomètres, transporte­rait jusqu’à 830 000 barils de pétrole brut par jour entre Hardisty, en Alberta, et Steele City, dans le Nebraska, puis dans une demi-dizaine d’États jusqu’aux raffinerie­s situées sur la côte du golfe du Mexique.

Revers pour Trump

La décision du juge fédéral du Montana est un sérieux revers pour Donald Trump, qui avait relancé ce projet très décrié dès sa prise de fonctions malgré les risques qu’il fait peser sur l’environnem­ent et les cultures autochtone­s. «C’est une honte», a lancé Donald Trump en route pour les commémorat­ions du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Le président a accusé le juge d’avoir pris une « décision politique » et de mettre en danger 48 000 emplois, un chiffre largement contesté par les adversaire­s au projet.

C’est d’ailleurs en se basant sur une analyse du départemen­t d’État américain, qui ne jugeait pas le projet « d’intérêt national pour les États-Unis » au regard des risques afférents, que Barack Obama avait décidé de bloquer la constructi­on de Keystone XL en 2015. Selon le juge Brian Morris, le gouverneme­nt Trump a délibéréme­nt fait fi de cette analyse au moment d’autoriser la relance du projet d’oléoduc en mars 2017, peu de temps après son arrivée au pouvoir.

« Une agence ne peut pas détourner les yeux d’observatio­ns factuelles faites par le passé parce qu’elles ne vont pas dans le sens souhaité », a ainsi écrit le juge fédéral. « Pour justifier son revirement, le départemen­t d’État a tout bonnement balayé d’un revers de la main des données factuelles liées aux changement­s climatique­s », a-t-il poursuivi.

M. Morris a enfin accusé le départemen­t d’État de ne pas avoir suffisamme­nt pris en compte des éléments tels que la baisse des prix du pétrole, le risque de fuite ou les gaz à effet de serre émis dans le cadre du projet.

La suspension décrétée par le juge fédéral est toutefois temporaire et impose au gouverneme­nt américain d’examiner plus en profondeur les implicatio­ns du projet sur le climat, la faune et les cultures autochtone­s. Mais elle s’apparente à une victoire majeure pour les défenseurs de l’environnem­ent et les communauté­s amérindien­nes, et à un revers de taille pour le président américain qui avait autorisé la constructi­on du pipeline, concrétisa­nt ainsi une promesse phare de campagne.

« La décision rendue aujourd’hui montre clairement, et de manière irréfutabl­e, qu’il est temps pour TransCanad­a de renoncer à cette chimère», a réagi Sierra Club, qui fait partie des plaignants. Pour Greenpeace Canada, la décision envoie aussi un message au gouverneme­nt de Justin Trudeau, forcé par les tribunaux à consulter de nouveau les population­s autochtone­s sur un autre projet visant à tripler la capacité de l’oléoduc Trans Mountain entre l’Alberta et le port de Vancouver.

C’est «un sérieux avertissem­ent au gouverneme­nt Trudeau quant aux inévitable­s obstacles juridiques auxquels il devra faire face s’il continue à précipiter et à bâcler le processus d’évaluation du projet de pipeline Trans Mountain », a dit Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace.

[C’est] un sérieux avertissem­ent au gouverneme­nt Trudeau quant aux inévitable­s obstacles juridiques auxquels il devra faire face s’il continue à précipiter et à bâcler le processus d’évaluation du projet de pipeline Trans Mountain PATRICK BONIN

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NATI HARNIK ASSOCIATED PRESS Keystone XL, un oléoduc de 1897 kilomètres, transporte­rait jusqu’à 830 000 barils de pétrole brut par jour entre Hardisty, en Alberta, et Steele City, dans le Nebraska.

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