Le Devoir

Un road-trip islandais

Une histoire de vengeance teintée de sorcelleri­e sur fond de paysages hallucinan­ts

- MICHEL BÉLAIR COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Ceux qui ne savaient pas encore que Ian Manook — le plus connu des nombreux pseudonyme­s de Patrick Manoukian — rédigeait des guides de voyage avant de se mettre à écrire des romans seront ici comblés. Yeruldelgg­er et les plaines de la Mongolie sont déjà bien loin et cette nouvelle histoire prend plutôt la forme d’un véritable road-trip se déroulant dans des paysages à couper le souffle, au beau milieu de l’Atlantique.

Elle met en scène une sorte d’ancien hippie français, Jacques Soulniz; milieu de la cinquantai­ne plutôt désinvolte, il souhaite reconstrui­re des liens avec son adolescent­e de dix-huit ans en lui payant un voyage en Islande sur les traces des découverte­s qu’il y a faites dans les années 1970. Résultat : sa fille, Rebecca, est enlevée une fois le voyage à peine amorcé.

Le récit se complexifi­e du fait que le policier islandais chargé de l’enquête — un magnifique personnage du nom de Kornélius — est sur la piste d’une petite frappe ayant dérobé deux kilos de cocaïne à un caïd lituanien: comme par hasard, le petit voyou s’amourache de la fille de Soulniz avant qu’elle disparaiss­e. Rien n’est vraiment simple dans le monde de Ian Manook…

Détail important: il se trouve aussi que Soulniz était en Islande en 1973 à la tête d’une poignée de volontaire­s internatio­naux accourus à la suite de l’irruption d’un volcan près de Heimaey. Et que depuis, certaines personnes n’attendaien­t que l’occasion de se venger.

Le lecteur se voit donc forcé de suivre en même temps trois pistes entremêlée­s sans savoir laquelle privilégie­r. Celle de la disparitio­n volontaire, celle des gangsters et celle qui prend de plus en plus de place à mesure que l’intrigue se noue sur fond de sorcelleri­e et de paysages absolument somptueux: la vengeance.

L’enquête de Kornélius et de son équipe révèle une série de faits troublants faisant appel à de vieux rituels de magie noire, comme la pratique du nécropant, ou même à une étrange complicité avec les corbeaux. À mesure que les cadavres se multiplien­t, on devine que la vengeance, cruelle ici, irraisonné­e même, semble se servir à toutes les températur­es en Islande; comme si elle prenait la forme et l’intensité des paysages déchiqueté­s et sulfureux que traverse Soulniz à la recherche de sa fille.

Dans cette écriture débridée qui semble se lancer à elle-même, devant nous, les défis les plus fous, Ian Manook nous fait visiter ici une Islande que personne n’a décrite de cette façon dans la génération des écrivains ayant rendu célèbre la petite île volcanique depuis une quinzaine d’années. Une Islande moins intime et moins vécue de l’intérieur que chez Indridason par exemple ; mais une Islande par ailleurs plus spectacula­ire, plus attrayante malgré les forces qui la déchirent.

Par moments, on aura effectivem­ent l’impression de lire un guide touristiqu­e et on sera même porté à aller voir sur Internet les photos illustrant Gunnuhver, Grindavik, Hvitserkur ou encore Vestmannae­yjar. Méfiez-vous: vous pourriez sortir de cette histoire incroyable avec l’envie de sauter dans un vol pour Reykjavik…

Dans cette écriture débridée qui semble se lancer à elle-même, devant nous, les défis les plus fous, Ian Manook nous fait visiter ici une Islande que personne n’a décrite de cette façon dans la génération des écrivains ayant rendu célèbre la petite île volcanique depuis une quinzaine d’années

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RICHARD DUMAS Ian Manook, le plus connu des nombreux pseudonyme­s de Patrick Manoukian
 ??  ?? Heimaey★★★ 1/2Ian Manook, Albin Michel, Paris, 2018, 461 pages
Heimaey★★★ 1/2Ian Manook, Albin Michel, Paris, 2018, 461 pages

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