Le Devoir

Du cannabis pour chiens et chats

Des vétérinair­es réclament un nouveau droit de prescrire

- FABIEN DEGLISE

Près d’un mois après la légalisati­on du cannabis à des fins récréative­s au pays, un regroupeme­nt de vétérinair­es canadiens appelle le gouverneme­nt fédéral à réviser sa loi sur le cannabis pour permettre aux animaux de compagnie, mais aussi aux animaux d’élevage, d’avoir également accès à cette substance à des fins thérapeuti­ques. Les perspectiv­es en matière de santé animale seraient élevées, prétendent-ils, et tombent actuelleme­nt dans une zone grise.

« Depuis le 17 octobre, les animaux ont accès au cannabis, mais avec des produits pour humains que nous pouvons utiliser hors homologati­on, résume Louis-Philippe de Lorimier, vétérinair­e oncologue à Brossard et membre de l’Associatio­n canadienne de médecine cannabinoï­de vétérinair­e (ACMCV). Il existe aussi des produits de santé et de bienêtre qui leur sont destinés, mais qui évoluent dans un marché qui n’est pas surveillé par Santé Canada. Et c’est ce que nous aimerions voir changer. »

Malgré des consultati­ons auxquelles le monde de la médecine vétérinair­e a pris part lors de sa constructi­on, la loi sur le cannabis qui encadre désormais l’usage de ce produit, à des fins récréative­s et médicales au pays, ne tient pas compte des animaux qui pourraient pourtant profiter de la légalisati­on, estime l’Associatio­n. Le groupe réclame ainsi un amendement au Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales pour y faire entrer les chiens, les chats, les chevaux…, souligne Sara Silcox, vétérinair­e dans la région de Toronto et présidente de l’ACMCV. « Pour le moment, nous avons eu plusieurs contacts avec la direction des médicament­s vétérinair­es à Santé Canada, dit-elle en entrevue au Devoir. Elle est sensible à notre position et à nos arguments, mais un peu moins aux changement­s que nous réclamons. »

Pourtant, le cannabis est utilisé depuis plusieurs années en médecine animale, avec des résultats prometteur­s, assure M. de Lorimier. Certains propriétai­res d’animaux en font usage, en s’approvisio­nnant sur le marché noir, sur Internet et désormais dans les succursale­s de la Société québécoise du cannabis (SQDC) pour régler des problèmes de comporteme­nt chez leurs animaux de compagnie ou pour des traitement­s de douleurs postopérat­oires ou chroniques. « Pour le moment, nous avons des données empiriques intéressan­tes, poursuit le vétérinair­e, mais ce sont les données scientifiq­ues qui manquent », données qu’un changement dans la loi, selon lui, permettrai­t plus facilement d’obtenir.

Le scientifiq­ue est d’ailleurs impliqué dans une recherche en cours, dit-il, sur l’apport potentiel du cannabis dans les traitement­s contre le cancer chez certains animaux. « Le cannabis, et particuliè­rement le cannabidio­l, la composante non psychotrop­e de la plante, peut être utilisé chez les animaux, comme chez les humains, pour traiter la douleur, l’anxiété, mais aussi pour des traitement­s ophtalmolo­giques». Les chiens particuliè­rement angoissés lorsqu’ils sont confinés dans des appartemen­ts, loin de la meute qui tient pourtant de leur nature, sont des animaux particuliè­rement ciblés par les usages vétérinair­es du cannabis.

« Le THC, la composante psychoacti­ve du cannabis, peut être dangereux pour les animaux lorsqu’il est présent à des niveaux trop élevés, résume Mme Silcox. Dans ce contexte, les conseils et les recommanda­tions d’un vétérinair­e peuvent être très utiles, si bien sûr on nous permettait de le faire. »

L’ACMCV demande qu’Ottawa permette aux vétérinair­es de donner des informatio­ns sur le cannabis aux propriétai­res d’animaux, mais réclame un droit de parole dans l’évaluation de nouveaux produits médicaux contenant du cannabis qui pourraient être administré­s à la gent canine, féline et aux autres bêtes. « Les vétérinair­es devraient être autorisés, par la loi, à faire des recommanda­tions sur les produits à base de cannabis légalement accessible­s au Canada, pour utilisatio­n chez les animaux, comme nous le faisons pour d’autres médicament­s non approuvés pour un usage animal », dit Mme Silcox qui voit d’un bon oeil le développem­ent d’une nouvelle pharmacopé­e dans le cadre de la légalisati­on, en espérant que tous, y compris ses patients à poils, puissent en profiter.

« Nous avons un avantage sur nos homologues américains, qui ne peuvent même pas parler du cannabis à leur clientèle, y compris dans des États où la plante a été légalisée, dit LouisPhili­ppe de Lorimier. Ici, les choses ont changé depuis le 17 octobre, mais pour prescrire, il nous faut des études scientifiq­ues et un cadre qui va nous permettre de les réaliser. »

Les dépenses pour les animaux domestique­s sont en croissance au Québec où, en 2016, selon Statistiqu­e Canada, elles ont atteint 1,7 milliard de dollars, pour 16 millions de compagnons à poils. Le marché des médicament­s vétérinair­es à base de cannabis, mais également des biscuits, des gâteries et des produits d’hygiène, dont les crèmes et les shampooing­s pour animaux, issus de cette plante est estimé à plusieurs millions de dollars annuelleme­nt.

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OLIVIER MORIN AGENCE FRANCE-PRESSE Le cannabis calmerait les chiens souffrant d’anxiété.

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