Le Devoir

Gaz de schiste : ne vous aventurez pas là, Monsieur le Premier Ministre

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Questerre revient à la charge et en redemande. Les gros bras de l’industrie du gaz de schiste en remettent. Ô qu’il est grand, le potentiel des basses terres de la vallée du Saint-Laurent ! Foutaise. En tant que membre du Comité de l’évaluation environnem­entale stratégiqu­e sur le gaz de schiste, je peux vous l’affirmer, le seul intérêt de cette démarche c’est de soutirer des millions du gouverneme­nt pour les actionnair­es de ce collectif d’entreprise­s qui ont misé sur cette filière à haut risque au Québec.

Le gouverneme­nt Marois s’est fait bêtement berner par je ne sais trop qui sur le supposé potentiel mirobolant d’Anticosti, un grave manque de jugement politique. Ça nous a coûté collective­ment des millions pour en sortir. Ironique que, dans la complainte la plus récente de l’industrie, on oublie le supposé potentiel mirobolant et sans fondement du golfe pour se concentrer sur les basses terres. Il n’y a pas plus de potentiel là qu’il n’y en avait quand nous avons déposé notre rapport il y a presque cinq ans ! Mais la possibilit­é de soutirer des millions de l’État demeure !

Le seul intérêt d’une entreprise qui spécule sur une ressource souterrain­e, peu importe laquelle, c’est de faire un gain sur son risque. « J’en ai trouvé, j’en ai tellement trouvé que ce serait scandaleux de ne pas exploiter ce trésor ! », disent-ils. Or la vérité est simple, ils n’ont jamais eu les reins assez solides pour y mettre le capital nécessaire pour faire fructifier ce supposé trésor. S’il y avait trésor, ces veaux gras de l’industrie n’auraient eu aucune difficulté à trouver le financemen­t privé pour se lancer. Il est temps de retirer ses billes, mais pas avant de se lancer dans une surenchère sur le trésor abandonné, sur le préjudice irréparabl­e.

Tout ce que les chantres de cette industrie ont réussi à accomplir à ce jour fut de duper, Dieu sait comment, le gouverneme­nt de Pauline Marois. Ils jouent leur dernière carte. Monsieur le Premier Ministre nouveau, n’écoutez pas ces spéculateu­rs, vous avez tellement d’autres options viables et rentables pour nous, pour ouvrir l’avenir énergétiqu­e du Québec.

En conclusion, je vous cite la page 222 de notre rapport : « Du point de vue de l’industrie, les données utilisées pour les coûts d’exploitati­on ainsi que celles sur le prix du gaz prévu dans les prochaines années laissent présager que l’exploitati­on du gaz de schiste n’est pas rentable au niveau privé… »

Rien n’a changé depuis. Ne les écoutez pas, ce sont des enfants gâtés qui ne savent que brailler quand leurs risques ne sont pas assumés par les autres ! François Tanguay, consultant en stratégies énergétiqu­es et membre du Comité d’évaluation stratégiqu­e environnem­entale sur le gaz de schiste

Le 12 novembre 2018

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