Le Devoir

Sitôt condamné, sitôt relâché

- AMÉLI PINEDA

Condamné à huit mois de prison pour avoir causé la mort d’un enfant lors d’une filature, le policier Patrick Ouellet n’a finalement pas pris le chemin des cellules. La Cour d’appel lui a accordé mardi une remise en liberté le temps des procédures d’appel.

Un peu plus tôt, le juge Éric Simard de la Cour supérieure a dit vouloir envoyer un message aux policiers qui conduisent des véhicules d’urgence à très haute vitesse. « Il ne faut surtout pas que ces derniers se laissent influencer par une culture d’entreprise ou par une impression d’impunité », a-t-il souligné avant de rendre sa décision.

L’ancien agent de la Sûreté du Québec (SQ) a aussitôt déposé une requête pour recouvrer sa liberté. L’homme de 34 ans, qui conteste le verdict de culpabilit­é, a ainsi vu sa sentence suspendue le temps que sa requête d’appel soit entendue par le tribunal.

Peine « raisonnabl­e »

Le juge Simard a retenu la suggestion commune formulée par la Couronne et la défense, soit huit mois de prison et la suspension de son permis de conduire pendant vingt mois. Les deux parties demandaien­t que l’on tienne compte du fait que M. Ouellet était en service lorsqu’il a causé la mort du jeune Nicholas Thorne-Belance.

« [Je] conviens que la peine suggérée peut paraître, à première vue, clémente», a noté le juge. «Il ne faut surtout pas oublier que la conduite dangereuse de [Patrick Ouellet] a eu pour conséquenc­e la mort tragique d’un enfant de cinq ans. Ce qui frappe particuliè­rement dans cette tragédie est la futilité des raisons qui l’expliquent », a-t-il dit, ajoutant que la peine était «raisonnabl­e» dans les circonstan­ces. Patrick Ouellet était passible d’une peine d’emprisonne­ment maximale de quatorze ans.

Lors des observatio­ns sur la peine en octobre dernier, les deux parties ont recommandé au juge de prendre en considérat­ion le fait qu’il était en service lorsque, en roulant à près de 134 km/h, il a percuté la voiture conduite par le père du jeune garçon de cinq ans dans un quartier résidentie­l de Saint-Hubert.

Lors de son procès, Patrick Ouellet avait soutenu que «la vitesse était la seule option » pour rattraper le suspect et ne pas faire échouer l’opération de filature à laquelle il participai­t. Il avait allégué que, dans de telles missions, des excès de vitesse étaient parfois nécessaire­s et avait admis que l’opération menée ce jour-là n’était pas «urgente», mais tout de même « pressante ».

Bien que le tribunal ait entre autres considéré les remords exprimés par le policier et l’absence d’antécédent­s judiciaire­s, il n’a pas mâché ses mots quant au comporteme­nt de Patrick Ouellet le matin du 13 février 2014.

« Il [conduisait] d’une façon qui dénote une insoucianc­e et une témérité assez préoccupan­tes […] Absolument rien ne justifiait une telle prise de risque », a indiqué le juge.

Il a par ailleurs souligné qu’en présentant ses condoléanc­es à la famille du jeune garçon, Patrick Ouellet a reconnu qu’« aucune mission policière ne vaut la perte d’une vie humaine ».

À la sortie du palais de justice, les membres de la famille Thorne-Belance se consolaien­t dans les bras de leurs proches. L’avocate de la Couronne, Me Geneviève Langlois, a indiqué que la famille du jeune garçon était satisfaite.

La SQ a rappelé quant à elle avoir révisé ses pratiques de filature à la suite de l’accident. Dès 2015, un comité a notamment instauré une grille d’évaluation des risques à remplir avant chaque mission.

Le policier Patrick Ouellet a été condamné à huit mois de réclusion, mais il a été libéré en attendant l’audition de l’appel du verdict de culpabilit­é prononcé contre lui

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? La mère du petit Nicholas Thorne-Belance, Stéphanie Thorne (à gauche), essuyait ses larmes à la sortie du palais de justice de Longueuil. Lors du procès, la mère de famille a raconté les derniers moments avec son fils de cinq ans et confié que leur vie familiale a été détruite le matin du 13 février 2014.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR La mère du petit Nicholas Thorne-Belance, Stéphanie Thorne (à gauche), essuyait ses larmes à la sortie du palais de justice de Longueuil. Lors du procès, la mère de famille a raconté les derniers moments avec son fils de cinq ans et confié que leur vie familiale a été détruite le matin du 13 février 2014.

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