Le Devoir

Ottawa sous-estime le taux de récidive de ses détenus

- HÉLÈNE BUZZETTI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Les détenus fédéraux libérés à la fin de leur peine récidivent-ils? Pas trop, clame le Service correction­nel du Canada. Mais le vérificate­ur général révèle que cette affirmatio­n rassurante est surtout trompeuse. Car la récidive est définie de manière si étroite par les autorités fédérales qu’elle n’englobe pas tout le monde. Le taux réel demeure inconnu, déplore Michael Ferguson.

Dans son rapport publié mardi dont un des chapitres porte sur la surveillan­ce des détenus remis en liberté, le vérificate­ur général note que le Service correction­nel (SCC) a écrit sur les réseaux sociaux que le taux de réincarcér­ation de ses délinquant­s, cinq ans après leur libération, était de 15%. Dans ses rapports au Parlement, le SCC a même parlé d’un taux de 7,2 %.

Or l’audit du vérificate­ur général révèle que, pour arriver à ces taux, le SCC ne prend en compte que les délinquant­s ayant été réincarcér­és dans une prison fédérale moins de cinq ans après leur libération. Ceux qui ont été pincés pour un crime moins grave et qui se retrouvent dans une prison provincial­e ou territoria­le ne sont pas comptabili­sés comme des récidivist­es. De plus, pour affirmer au Parlement que le taux est de 7,2 %, le SCC n’a pris en compte que le sous-groupe des délinquant­s ayant reçu des soins en santé mentale et qui ont été réincarcér­és deux ans après leur libération.

Le vérificate­ur général conclut qu’on ignore donc le véritable taux de récidive. Tout au plus note-t-on qu’en 2003, une étude de Sécurité publique Canada prenant en compte les réincarcér­ations provincial­es était parvenue à un taux de récidive de 25 %. M. Ferguson recommande à SCC d’élargir ses indicateur­s, ce que le SCC s’engage à faire.

Le vérificate­ur général note par ailleurs que les agents de libération conditionn­elle ne s’acquittent pas toujours de leurs responsabi­lités de la manière prévue. Après analyse de 50 cas représenta­tifs, l’équipe d’audit a constaté que, dans 28 % de ceux-ci, l’agent de libération n’avait pas rencontré le délinquant libéré selon la fréquence minimale exigée. Dans 18 % des cas, l’agent avait rencontré le délinquant plusieurs fois en peu de temps, ce qui est contraire à l’objectif de ces rencontres, soit d’évaluer le progrès réalisé par le délinquant. Et dans 6 % des cas, l’agent de libération n’avait pas vérifié si le délinquant respectait ses conditions de remise en liberté.

Le taux de récidive des détenus fédéraux n’est pas de 15 % et encore moins de 7,2 %, comme l’a déjà indiqué le Service correction­nel du Canada. Au mieux, il est d’au moins 25 %, selon le vérificate­ur général.

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