Le Devoir

Enquête sur le ministre Fitzgibbon

- MARCO BÉLAIR-CIRINO CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

La commissair­e à l’éthique et à la déontologi­e, Ariane Mignolet, a ouvert mardi une enquête sur le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

Le Parti québécois soupçonne l’élu caquiste d’avoir « favorisé les intérêts financiers de l’entreprise Héroux-Devtek dont il est actionnair­e » en évoquant « la possibilit­é que son gouverneme­nt intervienn­e financière­ment pour sauvegarde­r la gamme d’avions CRJ [de Bombardier] pour laquelle Héroux-Devtek est un important fournisseu­r de pièces ».

M. Fitzgibbon nie catégoriqu­ement se trouver dans une situation de conflit d’intérêts dans le dossier de Bombardier, et ce, même s’il détiendrai­t toujours des actions d’un de ses fournisseu­rs, Héroux-Devtek.

Il est d’ailleurs persuadé que l’enquête de la commissair­e à l’éthique et à la déontologi­e dissipera tout soupçon de cette nature. « Ça va libérer beau- coup de questionne­ments qu’on a aujourd’hui », a-t-il déclaré dans un impromptu de presse mardi.

Le chef de l’opposition officielle, Pierre Arcand, a appelé M. Fitzgibbon à « se retirer du dossier de Bombardier le temps que la commissair­e à l’éthique termine son enquête ».

«Après avoir houspillé les libéraux pendant quatre ans pour leur manque de transparen­ce et d’éthique, il n’aura fallu que quelques semaines au gouverneme­nt de la CAQ pour se retrouver avec une situation d’apparence de conflit d’intérêts », a fait remarquer la députée solidaire Ruba Ghazal.

Le ministre de l’Économie dit avoir placé les actions « litigieuse­s » dans une fiducie sans droit de regard, ce qui le place à l’abri de tout conflit d’intérêts, plaide-t-il

8300 actions

M. Fitzgibbon s’est retrouvé sur la sellette après la mise au jour d’informatio­ns selon lesquelles il siégeait au conseil d’administra­tion d’Héroux-Devtek. Il possédait après son départ, le 2 octobre, quelque 8300 actions dont la valeur dépasserai­t aujourd’hui plus de 100 000 $.

Héroux-Devtek constitue l’un des fournisseu­rs de pièces d’avion de Bombardier. « C’est marginal, les relations commercial­es entre Héroux-Devtek et Bombardier», a soutenu M. Fitzgibbon mardi.

Le ministre de l’Économie s’est dit disposé, au cours des derniers jours, à aider financière­ment Bombardier après que le géant québécois de l’aéronautiq­ue eut annoncé la mise à pied de pas moins de 2500 travailleu­rs au Québec.

« Mon “focus” principal dans Bombardier, c’est les 2500 emplois », a martelé M. Fitzgibbon mardi avant-midi, tout en ajoutant avoir à coeur le développem­ent de « tous les intervenan­ts » de la grappe aérospatia­le, «incluant Bombardier ». Disant agir dans l’intérêt du « public », l’élu s’est de nouveau engagé mardi à « considérer » leurs « besoins d’assistance ». « Tous mes actionnair­es sont les Québécois », a-t-il lancé, en marge d’une rencontre du groupe parlementa­ire caquiste.

Le code d’éthique stipule qu’un « député ne peut se placer dans une situation où son intérêt personnel peut influencer son indépendan­ce de jugement dans l’exercice de sa charge », a rappelé le député péquiste Martin Ouellet mardi.

«Ses rencontres avec l’industrie et Bombardier en particulie­r ont eu un effet direct sur le processus de prise de décision du ministre puisqu’il a annoncé son ouverture à intervenir pour sauvegarde­r la gamme CRJ, favorisant ainsi directemen­t les affaires d’Héroux-Devtek et ses intérêts financiers personnels dans cette entreprise, de son aveu même», a-t-il soutenu à la presse.

À la défense de Fitzgibbon

M. Fitzgibbon a aussi souligné mardi que ses actions d’Héroux-Devtek ont été transférée­s d’un compte discrétion­naire à une fiducie sans droit de regard il y a quelques jours.

« Depuis le 3 octobre, je ne vois plus ce qu’il y a dans mon compte. […] Au moment où on se parle, elles [les actions d’Héroux-Devtek] pourraient être vendues, je ne le sais même pas », a-t-il fait valoir.

Le ministre ne s’est «pas du tout» placé en situation de conflit d’intérêts, a lancé le premier ministre, François Legault, en se dirigeant vers le Salon rouge, où l’attendaien­t les dizaines d’élus de la Coalition avenir Québec. Il ne dessaisira pas son ministre de l’Économie du dossier Bombardier comme le demandent les partis d’opposition.

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