Le Devoir

Le patron d’Élections Canada prêt à vivre avec les limites de C-76

- HÉLÈNE BUZZETTI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Le nouveau patron d’Élections Canada trouve dommage qu’Ottawa ait resserré les règles sur la désinforma­tion visant un candidat en campagne électorale. Stéphane Perrault estime que la nouvelle mouture de la Loi, qui dressera une liste très spécifique d’interdits, est trop étroite.

À l’heure actuelle, la Loi électorale du Canada interdit le fait de « faire ou de publier sciemment une fausse déclaratio­n concernant la réputation ou la conduite personnell­e d’un candidat » dans le but d’influencer l’élection.

Le projet de loi C-76 qu’Ottawa est sur le point d’adopter remplacera ce passage par une énumératio­n des fausses allégation­s interdites : prétendre qu’un candidat a enfreint une loi ou a été accusé d’une infraction, ou alors mettre en doute sa citoyennet­é, son lieu de naissance, ses études, ses qualificat­ions profession­nelles ou son appartenan­ce à une associatio­n.

Selon M. Perrault, l’ancienne version de la Loi était peut-être « un peu vague et pas facile d’applicatio­n», mais la nouvelle ne l’est pas suffisamme­nt. « J’aime mieux que ça aille moins loin et que ce soit clair », admet-il en entrevue avec Le Devoir.

Mais le législateu­r est peut-être allé un peu trop loin. « C’est une liste très fermée. Le danger est qu’on puisse passer à côté de scénarios qui ne sont pas envisagés. […] Je pense qu’on pourrait l’élargir un petit peu plus, mais c’est un choix qui est très difficile à faire. Il faut trouver un équilibre entre la liberté d’expression et l’intégrité de l’élection. »

Celui qui occupe officielle­ment le poste de Directeur général des élections depuis juin dernier est toutefois prêt à se contenter du projet de loi tel quel, car le temps presse. Le Canada s’en va aux urnes dans onze mois et le C-76 doit rapidement être adopté pour qu’Élections Canada puisse le mettre en applicatio­n.

M. Perrault reconnaît d’ailleurs qu’il sera trop tard pour profiter pleinement de la nouvelle flexibilit­é que lui accorde C-76. Le projet de loi lui permettrai­t par exemple de ne pas nécessaire­ment tenir quatre jours de vote par anticipati­on en région éloignée. M. Perrault aurait plutôt voulu organiser des bureaux de vote itinérants, mais il dit qu’il n’aura pas le temps de mettre en place les structures nécessaire­s pour ce changement. « C’est clair qu’on aurait souhaité que ce le soit [adopté] plus tôt. »

Contrer l’influence étrangère

Le projet de loi C-76 aspire aussi à prévenir l’influence étrangère dans l’élection canadienne. M. Perrault se réjouit du nouveau pouvoir octroyé au commissair­e aux élections fédérales de contraindr­e à témoigner pour mener ses enquêtes.

Certes, reconnaît-il, il sera difficile de mener jusqu’à des condamnati­ons des enquêtes internatio­nales sur une éventuelle ingérence électorale. Mais « ce n’est pas inutile » pour autant, assure-til. « On pousse les enquêtes, ça permet de faire la lumière et la diplomatie peut éventuelle­ment jouer aussi son rôle. »

Pour sa part, Élections Canada tiendra des veilles médiatique­s pour s’assurer qu’aucune désinforma­tion n’est véhiculée à propos des adresses des bureaux de scrutin ou de la mécanique de votation.

 ?? SEAN KILPATRICK LA PRESSE CANADIENNE ?? Directeur général des élections, Stéphane Perreault a comparu en commission parlementa­ire le 6 novembre pour l’étude du projet de loi C-76.
SEAN KILPATRICK LA PRESSE CANADIENNE Directeur général des élections, Stéphane Perreault a comparu en commission parlementa­ire le 6 novembre pour l’étude du projet de loi C-76.

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