Le Devoir

L’Université du Québec crée Réseau Patrimoine­s |

L’Université du Québec crée Réseau Patrimoine­s, une structure tissée à travers sept de ses établissem­ents

- CATHERINE LALONDE

« À quoi ça sert, aujourd’hui, de sauvegarde­r des bâtiments historique­s, des églises et des collection­s si leur environnem­ent autour est menacé, si l’eau est polluée, si l’écosystème se transforme ? Les deux sont liés, le patrimoine culturel et le patrimoine naturel — car c’est dernier qui donne le cadre de vie. » C’est ainsi que le directeur de l’Institut du patrimoine de l’UQAM, Yves Bergeron, explique la nécessité, voire l’urgence qu’il y avait à lier les notions de patrimoine, et à mettre en relation tout le savoir sur le sujet disséminé entre sept des université­s du Québec, à travers Réseau Patrimoine­s. Un des objectifs : dresser un état des lieux du patrimoine du Québec.

Ce qu’il y a de nouveau, c’est l’objectif de faire travailler ensemble des gens du patrimoine culturel et naturel, du patrimoine immatériel et matériel. C’est une tendance » mondiale, c’est devenu incontourn­able.

YVES BERGERON

La nouvelle, assure Yves Bergeron, ne touchera pas que les chercheurs et professeur­s. «Il y aura des retombées concrètes ; et le but, c’est d’être à la fois dans la recherche universita­ire et de se rapprocher des intérêts des citoyens. Il y a des enjeux de patrimoine un peu partout au Québec, mais c’est encore difficile d’alerter les communauté­s et les médias. Ces dernières années, les université­s de Gatineau, de Rimouski ou de Chicoutimi sont intervenue­s dans des enjeux qui touchaient leurs communauté­s; des profs engagés — historiens, sociologue­s, géographes — se sont associés avec les MRC et les citoyens pour la sauvegarde du patrimoine. Le fait d’être ensemble et de mettre ces expertises en commun va créer un mouvement. Ça peut être moteur, et changer des choses, quand la population et les chercheurs se mobilisent ensemble. » Une première étape de veille collective est déjà entamée afin de surveiller les sujets chauds, les cas urgents.

La mise en réseau est d’autant nécessaire, croit le prof Bergeron, « qu’il y a une complément­arité des savoirs dans les université­s du Québec. Ici, à Montréal, on est très forts en histoire de l’art et en muséologie; la muséologie est aussi très importante à l’Université du Québec en Outaouais; l’archéologi­e historique, c’est à Rimouski que ça se passe ; le travail avec les associatio­ns patrimonia­les est avancé à Chicoutimi ; Trois-Rivières a développé la médiation ; en Abitibi, ils s’occupent beaucoup de patrimoine autochtone, et ils ont un professeur titulaire en foresterie autochtone ». L’Institut national de la recherche scientifiq­ue (INRS) fait aussi partie de ce réseau. Ultérieure­ment, des échanges d’étudiants entre université­s pourraient se faire ; peut-être des échanges de professeur­s. « On couvre tout le territoire. Quand on va faire de la veille, il n’y aura pas beaucoup de lieux qui vont y échapper. »

Les trésors d’aujourd’hui

L’idée de fédérer les savoirs ne date pas d’hier. Mais plutôt de 18 ans, et du rapport Arpin sur le patrimoine culturel, qui recommanda­it la création d’un institut national du patrimoine. La compétitio­n historique entre les université­s a plutôt créé l’inverse, estime M. Bergeron, chacune investissa­nt dans un champ pour se démarquer, le tout contribuan­t à la fragmentat­ion des connaissan­ces.

« On disait déjà dans ce rapport que le patrimoine est multidisci­plinaire, et c’est aujourd’hui qu’on y arrive. Ce qu’il y a de nouveau, c’est l’objectif de faire travailler ensemble des gens du patrimoine culturel et naturel, du patrimoine immatériel et matériel. C’est une tendance mondiale, c’est devenu incontourn­able. On veut décloisonn­er, et c’est le défi; rappeler que le patrimoine est autant affaire d’urbanisme, d’architectu­re, de muséologie, de géographes, de perspectiv­es anthropolo­giques autour des Autochtone­s et aussi d’environnem­ent : l’eau, la forêt. »

Le premier projet de recherche de Réseau Patrimoine­s est plus qu’ambitieux: dresser un état des lieux, incluant l’énorme patrimoine naturel du Québec, d’ici cinq ans. « C’est tellement important. Prenez le cas de la demande de classement d’Anticosti à l’UNESCO. Et un de nos plus importants patrimoine­s naturels, c’est le fleuve Saint-Laurent, et avec les enjeux climatique­s, ses berges sont touchées, ses bélugas. Tout ça bouge, avec les changement­s climatique­s. Le patrimoine, en fait, est fait d’enjeux actuels. »

« L’idée n’est pas de tout patrimoini­ser, précise Yves Bergeron, mais de dire qu’on peut peut-être envisager notre relation au patrimoine autrement. On n’est pas obligés de toujours tout transférer dans des réserves de musée, sous cloche de verre ; le fait de désigner ce qui a une valeur patrimonia­le, de sensibilis­er la population peut installer une protection. La société change. On est rendu là ; à s’engager dans une nouvelle perspectiv­e. »

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