Le Devoir

Les musées font appel du jugement Manson

Ils contestent la décision qui diminue les avantages fiscaux consentis aux mécènes faisant don d’oeuvres étrangères exceptionn­elles

- CAROLINE MONTPETIT

Huit musées canadiens et une bibliothèq­ue d’université ont décidé de porter en appel la décision de la Cour fédérale réduisant le critère d’intérêt national aux seules oeuvres canadienne­s. Cette décision a été rendue cet été par le juge Manson, en faveur de la galerie Heffel. Heffel contestait l’interdicti­on, qui lui était faite par la Commission canadienne d’examen des exportatio­ns de biens culturels, d’exporter la toile Iris bleus, jardin du petit Gennevilli­ers, de Gustave Caillebott­e, sous prétexte que c’était une oeuvre d’intérêt national.

Or, cette décision a un impact sur les dons faits aux musées, et donc sur les collection­s offertes au public, explique la directrice du MBAM, Nathalie Bondil. C’est pourquoi les musées demandent à être entendus en appel. «Ce sont des dommages collatérau­x », dit Mme Bondil. C’est que le don d’une oeuvre considérée comme étant « d’intérêt national » à un musée entraîne une déduction d’impôt plus importante pour les donateurs, qui sont maintenant tentés de faire leurs dons en dehors du Canada. Et c’est sur la base du don que l’essentiel des collection­s muséales canadienne­s est construit, les musées ne disposant pas de gros budgets pour acheter des toiles. D’ailleurs, les dons faits au MBAM sont en chute libre depuis cette décision du tribunal, dit Mme Bondil. « On a été obligés d’annuler un comité d’acquisitio­n à l’internatio­nal », explique-t-elle.

Selon elle, les collection­neurs qui souhaitera­ient faire des dons sont présenteme­nt dans l’incertitud­e quant au contexte dans lequel ces dons pourraient avoir lieu. La décision du juge Manson pourrait aussi nuire aux dons de livres rares. C’est pourquoi la Thomas Fisher Rare Book Library, de l’Université de Toronto, fait également partie du recours en justice. Les autres participan­ts sont le Musée d’art contempora­in (MAC), la Vancouver Art Gallery, le Royal Ontario Museum, la Winnipeg Art Gallery, le Remai Modern de Saskatoon, la Art Gallery of Ontario et la Beaverbroo­k Art Gallery du Nouveau-Brunswick. Chacune de ces institutio­ns a déposé un affidavit pour être entendue en appel. «Nous souhaitons faire entendre la voix des musées, parce qu’ils n’ont pas été entendus la première fois », dit Mme Bondil. « En tant que profession­nels, nous voulons que l’impact des dommages, sur nos collection­s et sur nos publics, soit porté à la connaissan­ce du juge. » Selon Mme Bondil, la grande majorité des oeuvres du MBAM ont été acquises par don plutôt que par achat. La désaffecti­on de ce canal d’acquisitio­n pourrait donc être catastroph­ique pour la croissance des collection­s. La décision du juge Manson a également pour impact que les oeuvres internatio­nales ne sont plus obligatoir­ement retenues au pays avant d’être exportées. Auparavant, les musées pouvaient profiter de cette période pour faire une offre sur un tableau avant qu’il quitte le pays.

La cause des musées et de l’université a été prise en charge par le cabinet d’avocats Claude Sarrazin. Nathalie Bondil espère que, si la requête en appel est acceptée, les parties pourront être entendues au mois de janvier 2019.

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