Le Devoir

Les caquistes seront-ils à la hauteur de leurs promesses?

Les bénéficiai­res espèrent que leur parole sera entendue

- ISABELLE PORTER ISABELLE PARÉ

Des parents d’enfant handicapé aux aidants naturels, la CAQ s’est souvent fait le porte-voix des oubliés du réseau de la santé et des services sociaux. Or, à partir de la semaine prochaine, elle hérite du rôle ingrat de gouverneme­nt qui n’agit jamais assez vite. En mai 2016, François Marcotte, résident de CHSLD de 43 ans atteint de sclérose en plaques, avait ému tout le Québec avec sa campagne de sociofinan­cement pour se payer plus d’un bain par semaine. Les partis d’opposition avaient tous vivement attaqué le gouverneme­nt dans ce dossier, mais la CAQ avait été particuliè­rement virulente.

« Revoyons l’offre, donnons une chance à nos préposés, faisons en sorte qu’on puisse enfin adresser la situation puis arrêter de la traiter au cas par cas […]. Je pense que, quand on est humain, fondamenta­lement humain, ce n’est pas comme ça qu’on doit réagir », disait alors le député de Lévis, François Paradis.

Deux ans plus tard, M. Paradis est désormais du côté du gouverneme­nt et se prépare à devenir le président de l’Assemblée nationale. François Marcotte, lui, est toujours au centre d’hébergemen­t du Boisé, à Québec. Six mois après sa sortie, le CISSS lui a accordé trois bains par semaine. « Ils avaient envoyé un responsabl­e qui avait évalué que, dans ma condition, je pouvais en avoir plus. »

Mais il a encore « beaucoup » d’attentes envers le gouverneme­nt. « On parle toujours des infirmière­s, avec raison, mais dans les CHSLD, ce qui urge, c’est les conditions des préposés », dit-il. Depuis janvier, tous les résidents de son CHSLD ont droit à deux bains par semaine, mais les préposés n’ont pas assez de temps pour les donner, déplore-t-il.

Un avis que partage le président du Conseil pour la protection des malades, Paul G. Brunet. Si le CHSLD de François Marcotte offre désormais un minimum de deux bains par semaine, « ça ne se passe pas comme ça partout, dit-il. Ce que j’entends, c’est que là où on a réussi à en donner deux, on a coupé sur autre chose. »

En plus, la solution préconisée par la CAQ pour remplacer les CHSLD ne tient pas compte des gens comme François Marcotte. «Ils ont annoncé qu’ils voulaient abolir les CHSLD pour en faire des maisons des aînés. Bien, ce serait peut-être le moment de créer aussi des trucs pour les plus jeunes. Moi, je rêve d’avoir mon petit studio avec ma salle de bain privée. Juste ça. »

« Rien n’a bougé »

À Montréal, Robert Rathier et son fils mènent un combat similaire et attendent beaucoup du changement de gouverneme­nt. En avril 2017, M. Rathier s’était rendu à l’Assemblée nationale, aux côtés du député Paradis, pour dénoncer la situation de son fils handicapé de 26 ans, forcé de vivre dans un CHSLD destiné aux aînés faute de ressources intermédia­ires adéquates disponible­s dans sa région.

Un an et ami plus tard, la situation de son fils Charles-Olivier est toujours la même. « Le ministre Barrette nous avait promis de le sortir de là, mais rien n’a bougé. Il vit toujours en CHSLD, mais au moins, nous avons trouvé un centre de jour pour lui pendant la journée. »

Depuis l’arrivée de la CAQ au pouvoir, Robert Rathier a recontacté François Paradis et interpellé la nouvelle ministre de la Santé, Danielle McCann, tous deux restés cois pour l’instant. Silence radio.

« J’espère qu’ils vont bouger, car les CHSLD ne sont pas adaptés à de jeunes adultes handicapés, et ça fait cinq ans que je me bats pour ça.» Selon M. Rathier, 3000 autres jeunes adultes handicapés se trouveraie­nt dans la même situation que son fils au Québec, vivant dans des résidences pour aînés pas du tout adaptées à leur âge et à leurs besoins.

Marguerite Blais : la barre haute

En faisant sien le slogan « Prendre soin de nos aînés », le parti de François Legault et sa ministre toute dévouée à cette cause, Marguerite Blais, ont aussi suscité beaucoup d’attentes chez les personnes âgées et les proches aidants. Après avoir promis de doubler le crédit d’impôt aux proches aidants (en le portant à 2500 $), d’injecter 15 millions dans un fonds destiné à ces aidants naturels, 22 millions dans un autre voué à l’aide de parents d’enfants lourdement handicapés, en plus de créer une vingtaine de maisons similaires à la Maison Gilles-Carle, la ministre Blais a quelque peu dégonflé les espoirs du milieu cette semaine en affirmant que les projets de « maison de répit » devront d’abord provenir des communauté­s.

« Les organismes communauta­ires n’ont pas les moyens financiers ni humains de développer de tels projets. On en met beaucoup sur leurs épaules», déplore Mélanie Perroux, coordonnat­rice du Regroupeme­nt des aidants naturels du Québec. Le RANQ mise plutôt sur la politique sur la proche aidance promise par la ministre Blais pour trouver des solutions globales et concertées aux problèmes vécus par toutes les personnes qui soutiennen­t un proche malade ou handicapé.

«Le crédit d’impôt promis pour l’instant, c’est une goutte d’eau dans l’océan. Il faut des actions beaucoup plus larges pour lutter contre l’appauvriss­ement et le besoin de répit de toutes les personnes qui prennent soin de leurs proches. »

Chose certaine, la ministre Blais sera sur la sellette dès la mi-décembre lors du Forum sur les proches aidants prévu le 11, où l’ensemble du milieu sera présent pour voir si elle s’engagera à passer de la parole au geste.

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FRANCIS VACHON LE DEVOIR En 2016, François Marcotte, résident d’un CHSLD atteint de sclérose en plaques, avait réclamé plus d’un bain par semaine.

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