Le Devoir

L’ex-prof attendu de pied ferme par le réseau

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Quand il était dans l’opposition, JeanFranço­is Roberge a fait des chaînes humaines pour protéger les écoles publiques et partagé sa vision de l’éducation dans ses « Chroniques d’un prof idéaliste ». Parents, professeur­s et autres acteurs du réseau mettent donc la barre très haut pour ce nouveau ministre, qui devra faire des miracles pour satisfaire tout un chacun.

« Jean-François Roberge endossait les revendicat­ions de Je protège mon école publique (JPMEP), revendicat­ions qui sont toujours les mêmes aujourd’hui : avoir des moyens dans les écoles, des profs qui peuvent se concentrer sur les enfants, des bâtiments en bon état et adaptés aux besoins et une vision de l’éducation, explique Pascale Grignon, porte-parole du mouvement. Le nouveau ministre est déjà sensibilis­é à cette réalité-là. Et le fait que la CAQ fasse de l’éducation une priorité, c’est conséquent avec sa participat­ion aux chaînes humaines. Reste à voir comment ça se traduira, parce qu’au-delà des beaux principes, c’est généraleme­nt quand vient le temps de mettre les sous que ça se corse… »

Les nombreuses critiques du réseau et des décisions prises par son prédécesse­ur risquent aujourd’hui de le rattraper, prévient-elle. « Contrairem­ent à quelqu’un qui sortirait du champ gauche sans expérience en éducation, il ne pourra se dédouaner en disant, par exemple : “Je n’avais pas bien compris l’impact que les compressio­ns ont pu avoir dans le passé…” »

Un prof au gouverneme­nt

De tous, les enseignant­s sont sans doute ceux qui ont les attentes les plus grandes. Car contrairem­ent au milieu de la santé, qui a hérité de plusieurs médecins devenus ministres, JeanFranço­is Roberge est l’un des premiers ministres de l’Éducation à avoir été professeur.

« Les profs seront exigeants envers l’un des leurs », a déclaré la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE) qui, au lendemain de sa nomination, l’invitait à «ne pas oublier d’où il vient ».

À la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE), on espère aussi que le « prof idéaliste », qui posait avec une pomme à la main, sera celui qui trouvera enfin le moyen de «valoriser la profession enseignant­e ». Et cela devra notamment passer par le salaire, rappelle la présidente, Josée Scalabrini. « Son grand défi sera d’être à l’écoute du personnel enseignant tout au long de son mandat, surtout pendant la période très délicate des négociatio­ns, qui débutent l’automne prochain. C’est là qu’on verra si on a un porte-parole pour les enseignant­s au gouverneme­nt ou un défenseur du gouverneme­nt auprès des enseignant­s. »

Groupes de défense de l’école publique ou de l’éducation aux adultes, syndicats de profs, comités de parents, commission­s scolaires, directions d’établissem­ents postsecond­aires et étudiants de cégeps et d’université en grève : tous ont une longue liste de demandes à présenter au nouveau ministre avant Noël. Des requêtes qui sont toutes prioritair­es et urgentes, jugent-ils.

Priorités divergente­s

Or, exception faite du dépistage précoce, ces enjeux ciblés comme des priorités ne correspond­ent pas nécessaire­ment à celles verbalisée­s ces dernières semaines par le nouveau ministre.

« Dans tous les discours, le premier ministre et Jean-François Roberge ont dit que l’éducation serait au coeur de tout. Mais la réduction de la taxe scolaire ne va pas améliorer la situation pour nos enfants. Les parents veulent de réels changement­s, des services pour leurs enfants. Pas perdre deux ans à débattre des structures des commission­s scolaires», dit Corinne Payne, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec.

Autre source d’inquiétude: depuis son entrée en fonction, le ministre Roberge est moins disponible et le « canal de communicat­ion » avec son équipe n’est plus aussi efficace, juge-t-elle. « C’est difficile d’avoir un retour. On était habitués à travailler autrement avec le ministre précédent, tout comme avec M. Roberge quand il était dans l’opposition », résume-t-elle.

Les priorités du ministre

La session sera courte et le nouveau ministre convient qu’il ne pourra tout amorcer avant le congé des Fêtes. « On travaille sur un paquet de dossiers, des projets de règlements, des projets de décrets, des projets de loi… Je ne peux vous dire [lesquels] pourront être déposés dans les deux prochaines semaines. On y met tous les efforts. Les fonctionna­ires trouvent qu’on est pressés pas mal… » Sa priorité ? Ce sera le dépistage pour les 0 à 5 ans, un projet mené par son collègue responsabl­e de la Santé publique, Lionel Carmant, de concert avec le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe. Le ministre veut aussi faire des commission­s scolaires des centres de services, dans la foulée d’un projet de loi prévu « au printemps ou à l’automne prochain ».

Quant aux maternelle­s 4 ans, il a réclamé à toutes les commission­s scolaires un inventaire de tous les locaux disponible­s pour avoir un portrait à l’échelle du Québec des classes libres à très court terme. Le ministre dit être « déjà au travail » sur plusieurs sujets qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines — grève des étudiants, révision de l’indice de défavorisa­tion ou agrandisse­ment de certaines écoles.

Mais des solutions ne sont pas attendues demain matin. Dans plusieurs cas, notamment pour implanter un seuil de services profession­nels minimal dans les écoles, le ministre dit être déjà à l’oeuvre, même si les résultats ne se concrétise­ront que dans quatre ans. « C’est [l’équilibre à trouver] entre agir promptemen­t et agir correcteme­nt », résume le nouveau ministre.

Les profs seront exigeants envers l’un des leurs et invitent le ministre à ne pas oublier d’où il vient FÉDÉRATION AUTONOME DE L’ENSEIGNEME­NT

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Parents, professeur­s et autres acteurs du réseau mettent la barre très haut pour le nouveau ministre Roberge.

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