Le Devoir

Alimentati­on

Les vignerons d’ici pourront apposer l’indication géographiq­ue protégée sur leurs bouteilles 2018

- GWENAËLLE REYT COLLABORAT­RICE LE DEVOIR

Un nouveau logo apparaîtra sous peu sur les rayons de la Société des alcools du Québec (SAQ). L’indication géographiq­ue protégée «Vin du Québec» a été reconnue le 16 novembre dernier par André Lamontagne, ministre de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on. «C’est la ligne d’arrivée du marathon. Avec cette IGP, on obtient la reconnaiss­ance de notre gouverneme­nt. C’est un gage de qualité et notre image va être bonifiée», assure Yvan Quirion, président du Conseil des vins du Québec. Cette appellatio­n réservée s’ajoute aux six déjà existantes dans la province (voir encadré).

Depuis 2008, l’Associatio­n des vignerons du Québec, rebaptisée Conseil des vins du Québec au printemps 2018, travaille pour la reconnaiss­ance des vins d’ici. La première étape a été la mise en place en 2009 d’une certificat­ion qui imposait déjà un cahier des charges à ceux qui souhaitaie­nt apposer le logo noir et blanc sur leur bouteille. «On a commencé avec une certificat­ion. Ça a été le moyen de bien huiler le processus et de raffiner toutes les étapes pour arriver ultimement à notre IGP», poursuit le vigneron copropriét­aire du vignoble du Domaine StJacques, en Montérégie. L’associatio­n rassemble 71 membres.

Des vins 100 % québécois

L’indication géographiq­ue protégée permet de reconnaîtr­e et de protéger la qualité ou les caractéris­tiques particuliè­res d’un produit attribuabl­es à son origine (terroir). Ainsi, le sol, le climat, les espèces animales élevées ou les variétés cultivées, les savoirs et les savoir-faire sont reconnus comme propres aux produits ayant une appellatio­n. «Tous les vignerons qui seront dans la zone géographiq­ue et qui respectero­nt le cahier des charges pourront avoir l’IGP», note Yvan Quirion, qui précise que les critères pour avoir l’IGP sont quasi identiques à ceux de la certificat­ion. «Ceux qui avaient la certificat­ion ne devraient pas avoir de problème à obtenir l’IGP. »

Contrairem­ent à certains vins français, les critères pour avoir l’IGP «Vin du Québec» sont très larges. Avec des limites allant des frontières avec l’Ontario et celle avec les États-Unis, à la chaîne des Laurentide­s et celle des Appalaches, la zone géographiq­ue concernée est plutôt vaste. L’IGP concerne également plusieurs sortes de vins, dont les vins tranquille­s, les vins effervesce­nts et les vins liquoreux. De plus, ces vins peuvent être blancs, rouges, roses, mousseux, pétillants, de vendange tardive, de vendange tardive sélective et de raisins passerillé­s.

Renouveau des appellatio­ns ?

Pour les cépages, là aussi, le cahier des charges permet l’utilisatio­n d’un grand nombre de variétés de vignes allant des Vitis vinifera aux cépages rustiques et semi-rustiques. Seuls les vins élaborés à partir de Vitis labrusca pure sont interdits. Le raisin doit provenir de la zone géographiq­ue désignée et la vinificati­on doit se faire entièremen­t au vignoble. En plus de respecter le cahier des charges, les vins seront également testés par le comité d’agrément composé d’experts qui effectuero­nt les dégustatio­ns et l’analyse des vins.

Les millésimes 2018 seront les premiers vins à pouvoir arborer l’IGP. L’organisme indépendan­t Ecocert Canada s’occupera de la certificat­ion et effectuera les contrôles chez les producteur­s. En contrepart­ie, ceuxci devront s’acquitter d’un montant annuel de 1000$ pour couvrir les frais de certificat­ion.

C’est pour lutter contre la fraude et l’usurpation du nom de produits renommés que les systèmes d’appellatio­ns réser vées ont été mis en place. En France, au début du XXe siècle, ce sont les vignerons qui ont été les premiers à se battre pour défendre la réputation et la qualité qui étaient associées à leurs vins. Par la suite, l’Union européenne a repris ce modèle, qui a également servi de base pour le Québec. Dès la fin des années 1990, ce dernier a entamé une réflexion qui, après plusieurs étapes, a débouché en 2006 sur la création du Conseil des appellatio­ns réservées et les termes valorisant­s (CARTV). Son mandat était d’appliquer la Loi sur les appellatio­ns réservées et les termes valorisant­s (LARTV). L’agneau de Charlevoix a été le premier produit québécois protégé.

Douze ans plus tard, seulement sept appellatio­ns sont reconnues dans la province, alors que l’Union européenne en compte plus de 1600. «La France a une tradition beaucoup plus longue que la nôtre», souligne Sylvie Marier, porte-parole du CARTV, qui ajoute: «Le CARTV a beau soutenir et accompagne­r les processus, les demandes doivent être faites par un groupe de producteur­s et/ou de transforma­teurs. Ce sont les gens du milieu qui doivent faire en sorte que le processus s’effectue. Cela peut prendre plus ou moins de temps. »

Alors que certains projets parviennen­t à obtenir une reconnaiss­ance en quelques années, d’autres stagnent, comme celui de la Volaille Chantecler, tradition ayant débuté en 2011. Car mettre en place une appellatio­n implique de se mettre d’accord sur un cahier des charges, donc sur des façons de produire et aussi sur une zone géographiq­ue déterminée selon l’appellatio­n demandée. C’est parfois à ce stade que les demandeurs n’arrivent pas à se mettre d’accord. Pour l’IGP Vin du Québec, le cheminemen­t n’a pas toujours fait l’unanimité. L’associatio­n Vignerons indépendan­ts du Québec ne s’oppose pas à l’IGP, mais estime que le cahier des charges comporte de nombreuses lacunes, dont celles des frontières de la zone protégée.

«Déjà avec l’IGP Vin de glace du Québec, il y a eu des exclus. Un de nos membres doit appeler son vin de glace “vin de neige”. Qu’est-ce qu’on va dire à nos clients ? Et dans les concours internatio­naux, comment allons-nous appeler nos vins faits au Québec?» se demande Charlotte Reason, présidente de l’associatio­n. Elle estime que l’IGP devrait rallier l’ensemble de l’industrie et regrette de ne pas avoir été consultée dans le processus. « Ils pourront indiquer “produit au Québec” ou “produit du Québec”», précise la porte-parole du CARTV.

Autre point surprenant, Anthony Carone, propriétai­re du vignoble Carone, a déposé en septembre dernier une demande de marque de commerce «IGP Vin du Québec». Si cette marque est reconnue par l’OPIC, son usage collectif serait impossible, mais la situation ne semble pas inquiéter le CARTV. «La demande est en cours, mais elle n’a pas été acceptée. Les avocats du MAPAQ et ceux du CARTV sont sur le dossier», assure la porte-parole du CARTV.

Appellatio­ns mal connues

En plus de la complexité du processus pour les groupes de demandeurs, les appellatio­ns semblent encore mal connues du public, qui ne fait pas toujours la différence avec une marque de commerce. Mais cela pourrait changer. L’été dernier, le MAPAQ a annoncé la mise en place d’un programme d’appui au développem­ent des appellatio­ns réservées et des termes valorisant­s (PADARTV) de 2,5 millions sur quatre ans. Celuici vise à soutenir l’ensemble du processus allant de l’étude de faisabilit­é à la promotion des appellatio­ns. De plus, le CARTV est en train de finaliser son plan stratégiqu­e pour les prochaines années; il a aussi indiqué qu’une réflexion était en cours pour moderniser les logos.

Du côté des vignerons, comme le souligne Yvan Quirion, on pense déjà à la prochaine étape: «On va s’intéresser aux sous-régions. Elles vont pouvoir se développer en fonction de leur typicité, leurs produits ou des cépages. Ça va être très intéressan­t ce qui va se passer d’ici 10-15 ans. »

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? L’indication géographiq­ue protégée « Vin du Québec » a été reconnue le 16 novembre dernier par le ministre de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on, André Lamontagne.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR L’indication géographiq­ue protégée « Vin du Québec » a été reconnue le 16 novembre dernier par le ministre de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on, André Lamontagne.

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