Le Devoir

Maison Boileau : Chambly a enfreint son règlement |

- JEANNE CORRIVEAU Avec Jean-François Nadeau

En procédant à la destructio­n de la maison Boileau la semaine dernière, la Ville de Chambly a contrevenu à son propre règlement sur la démolition d’immeubles, estiment plusieurs avocats en droit municipal consultés par Le Devoir.

Jeudi dernier, alors que les pelles mécaniques faisaient tomber les murs de la maison Boileau, le directeur général de la Ville de Chambly, Michel Larose, a reconnu avoir lui-même ordonné la destructio­n du bâtiment patrimonia­l qui, disait-il, représenta­it un «danger » compte tenu de sa vétusté. « La Ville n’a pas besoin de permis pour démolir un de ses bâtiments », avait-il dit en entrevue à Radio-Canada.

Ce n’est pas l’avis des spécialist­es en droit municipal interrogés par Le Devoir. « Une ville est assujettie à sa propre réglementa­tion », note Me Alexandre Dumas, avocat chez Dunton Rainville.

Le comité de démolition

Le règlement sur la démolition d’immeubles de la Ville de Chambly prévoit que « nul ne peut procéder à la démolition d’un immeuble sans avoir au préalable obtenu un certificat d’autorisati­on à cet effet ».

C’est le comité de démolition qui accorde un tel certificat à la lumière de plusieurs éléments, dont les motifs justifiant cette destructio­n. La demande pour un certificat d’autorisati­on doit aussi faire l’objet d’un affichage et un avis du comité consultati­f d’urbanisme (CCU) est requis. Dans son analyse, le comité de démolition doit considérer l’état de l’immeuble, le coût de restaurati­on de même que la perte de valeur collective et patrimonia­le. La maison Boileau, qui était située au 22-24, rue Martel, figure d’ailleurs sur la liste des immeubles visés par le règlement. Son intérêt patrimonia­l y est qualifié de « supérieur ».

Or, la Ville ne s’est pas pliée à ces conditions.

Me François Marchand, du cabinet d’avocats Saint-Paul, est aussi d’avis qu’une municipali­té ne peut enfreindre son propre règlement. « Elle est liée par les règlements au même titre que l’ensemble de ses contribuab­les», dit-il. « Il nous apparaît clairement que la démolition de la maison Boileau est tout à fait illégale. Une municipali­té agit par règlement, résolution, et un directeur général ne peut de sa propre initiative autoriser la démolition d’un immeuble, surtout s’il est identifié au règlement de la Ville comme ayant une valeur architectu­rale et patrimonia­le certaine. »

Difficile de dire quelles pourraient être les conséquenc­es de ce non-respect du règlement. Celui-ci prévoit des pénalités pouvant aller de 5000 à 25 000 $ pour tout contrevena­nt. « La difficulté, c’est que la maison a été démolie», admet Me Dumas qui voit mal quels pourraient être les recours pour les citoyens. En cours de démolition, ceux-ci auraient pu tenter d’obtenir une injonction interlocut­oire en se basant sur la violation du règlement, mais une fois la maison ra- sée, une ordonnance n’est plus utile.

La Cour supérieure est appelée à se prononcer sur des cas d’élus jugés inhabiles à siéger, mais cette procédure ne s’applique généraleme­nt que dans les cas de violation de la Loi sur les élections et les référendum­s dans les municipali­tés ou des règles de conflits d’intérêts, indique Me Dumas. La ministre des Affaires municipale­s détient le pouvoir de charger une personne d’enquêter sur un employé d’un organisme municipal si elle juge que l’intérêt public le justifie, signale-t-il toutefois.

Les risques

Le directeur général de la Ville de Chambly, Michel Larose, reconnaît d’emblée qu’il n’a pas respecté le règlement de la Ville. «La Ville n’a pas d’exemption. Mais je l’ai fait par mesure de sécurité. On savait que la maison n’était pas sécuritair­e. Je ne pouvais pas, à titre de directeur général, me mettre en position où un accident aurait pu arriver », a-t-il expliqué au Devoir mardi. « En vertu du Code criminel, si je suis au courant d’une situation qui est dangereuse et que la maison s’écroule, les gens auraient pu [m’accuser] au criminel. Je ne pouvais pas prendre ce genre de risque là. »

Il a rappelé qu’en 2016, l’ancien propriétai­re avait obtenu un permis de démolition. Il s’est dit surpris par les protestati­ons de la population. « Je l’ai fait en toute transparen­ce, mais c’est sûr que j’aurais dû faire plus de communicat­ions», dit-il. «Je l’ai mise à terre parce que c’était une raison de sécurité. Il n’y a pas d’autres motifs. Je peux vous dire que je peux dormir en paix. »

Le directeur général de la Ville de Chambly, Michel Larose, reconnaît d’emblée qu’il n’a pas respecté le règlement de la Ville. JACQUES NADEAU LE DEVOIR

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