L’AEUMC complique les négociations Canada-Chine
L’ambassadeur de la Chine au Canada, Lu Shaye, montre du doigt une clause qui semble viser son pays
La signature de l’Accord États-Unis– Mexique–Canada (AEUMC) complique la négociation d’une entente de libreéchange entre le Canada et la Chine souhaitée par le gouvernement Trudeau, estime l’ambassadeur de la Chine au Canada, Lu Shaye.
Interrogé au sujet de l’impact du nouvel accord de libre-échange nord-américain sur les pourparlers entre le Canada et la Chine, M. Lu s’est montré catégorique mardi, en marge d’une conférence prononcée devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) : « C’est plus difficile. »
L’ambassadeur chinois a justifié sa position en montrant du doigt la clause de l’AEUCM qui permet aux signataires de se retirer de l’accord si l’un des partenaires conclut une entente de libre-échange avec un pays qui n’a pas une «économie de marché». Cette clause semble viser la Chine, avec laquelle le président américain, Donald Trump, s’est engagé dans une guerre commerciale.
Après des débuts difficiles, le gouvernement Trudeau a tenté de relancer les discussions au sujet d’un accord de libre-échange Canada-Chine il y a deux semaines. Le ministre de la Diversification du commerce international, Jim Carr, a alors indiqué que le Canada aimerait conclure un accord en bonne et due forme, mais qu’il pourrait également signer des ententes sectorielles.
« Tout est possible », a acquiescé l’ambassadeur Lu, mardi. Devant l’auditoire montréalais, il a indiqué que les quatre rondes de discussions « exploratoires » impliquant le Canada et la Chine ont donné des «résultats très encourageants », tout en admettant qu’il reste du travail à faire.
Accusations « infondées »
Le discours prononcé mardi par l’ambassadeur Lu Shaye devait en principe porter sur les relations entre le Canada et la Chine, mais le conférencier du jour a surtout profité de son passage sur scène pour parler des États-Unis et tenter de démonter la vision selon lui erronée que les Occidentaux ont de la Chine.
«Si un Chinois et un Canadien se rencontraient, ils trouveraient tout de suite un sujet d’intérêt commun: se plaindre des États-Unis », a-t-il lancé à la blague au début de son allocution, provoquant rires et regards étonnés.
« Certains pays, comme les États-Unis, accusent la Chine d’ouverture insuffisante de son marché, de vol des droits de propriété intellectuelle, de transferts technologiques forcés et de concurrence déloyale des entreprises d’État. En fait, toutes ces accusations sont infondées et déforment la réalité », a-t-il déclaré dans un français impeccable.
Au sujet des transferts technologiques, qui font l’objet de virulentes critiques de la part des États-Unis et de l’Union européenne, M. Lu a fait valoir qu’« aucune loi et aucun règlement ou document politique chinois ne contient de clause qui force les entreprises étrangères à transférer leur technologie aux entreprises chinoises ». S’il y a transfert, celui-ci est volontaire, a-t-il dit.
Pour ce qui est des entreprises d’État accusées d’obéir au gouvernement chinois, d’être corrompues ou d’instaurer une concurrence déloyale, l’ambassadeur a parlé d’affirmations « irresponsables et calomnieuses » qui « visent à affaiblir la compétitivité commerciale de la Chine ».
« Beaucoup d’incompréhension »
«De nombreux grands médias occidentaux publient des histoires absurdes et totalement falsifiées pour salir la Chine. Cela constitue une grande injustice à l’égard de ce pays », a laissé tomber l’ambassadeur chinois, en lisant méticuleusement son texte.
Après environ deux ans passés au Canada, il constate par ailleurs qu’« il reste encore entre les deux pays beaucoup d’incompréhension et de malentendus ».
La sortie publique de Lu Shaye s’est déroulée à quelques jours du sommet du G20 organisé cette fin de semaine en Argentine, lors duquel les présidents américain et chinois doivent se rencontrer. L’ambassadeur chinois espère que ce face-à-face permettra d’apaiser les tensions entre les deux pays.
« La Chine et les États-Unis sont respectivement les deuxième et première économies mondiales, a-t-il souligné devant les médias. Si les deux pays tombent dans une guerre mondiale, c’est le monde entier qui sera victime. »