Le Devoir

Gouverner avec « audace »

Nous reproduiso­ns des extraits du discours inaugural prononcé mercredi à l’Assemblée nationale.

- François Legault Premier ministre du Québec

[…] Monsieur le Président, en remportant les élections le 1er octobre dernier, la CAQ a marqué l’histoire en mettant fin à cinquante ans d’alternance entre les gouverneme­nts du Parti libéral et du Parti québécois. Cette époque d’affronteme­nts entre souveraini­stes et fédéralist­es a marqué toute une génération. Le nouveau gouverneme­nt prône un nationalis­me rassembleu­r, dont l’objectif est d’assurer le développem­ent économique de la nation québécoise à l’intérieur du Canada, tout en défendant avec fierté son autonomie, sa langue, ses valeurs et sa culture.

[…]

L’éducation d’abord

La première grande priorité que je veux aborder, c’est l’éducation. Pour la première fois depuis les années 1960, l’avenir de nos enfants va être la première priorité du gouverneme­nt, et notre grande ambition, ça va être de donner à chacun de nos enfants les moyens d’aller au bout de son potentiel. Je suis convaincu que, tous partis confondus, on peut partager cette noble ambition. Évidemment, on va avoir des débats sur les moyens à prendre. Mais je nous invite à ne pas perdre de vue l’objectif. L’éducation, c’est l’avenir de la nation québécoise. C‘est par l’éducation que le Québec a fait son rattrapage, dans les années 1960. C’est encore par l’éducation qu’on va réussir à relever les défis qui nous attendent. […]

Je veux réitérer cet engagement, qui est aussi celui du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor : le financemen­t de l’éducation va être en augmentati­on pour l’ensemble de cette législatur­e. Même si le Québec devait affronter un ralentisse­ment économique, le financemen­t de l’éducation va être protégé. L’avenir de nos enfants, l’avenir du Québec, va être protégé.

Maternelle­s et CPE

Pour ce qui est des services à la petite enfance, il y a un débat. Certains nous demandent de choisir entre les CPE et les prématerne­lles 4 ans. C’est un faux débat. Le gouverneme­nt n’a aucunement l’intention de démanteler ou d’affaiblir le réseau des CPE. Présenteme­nt, il y a seulement une petite portion des enfants de 4 ans qui ont la possibilit­é de fréquenter un CPE. La prématerne­lle 4 ans qu’on propose, ça va offrir un service à des milliers d’enfants qui n’en ont pas du tout actuelleme­nt. Il n’y a donc pas d’opposition entre les CPE et les prématerne­lles 4 ans. Au contraire: ce sont deux réseaux complément­aires.

Par ailleurs, pour les enseignant­s qui sont aux prises avec un nombre important d’élèves en difficulté, ça va être un soulagemen­t. Plus on va s’occuper tôt des enfants qui ont des difficulté­s d’apprentiss­age, plus les progrès vont se faire sentir rapidement. Pour les parents aussi, ça va être un soulagemen­t.

[…]

L’économie ensuite

Notre deuxième priorité va être l’économie, l’économie au sens large. […] Augmenter notre niveau de richesse, ça va nous permettre de nous offrir de meilleurs services publics dans tous les domaines. En éducation, en santé, en environnem­ent, dans les infrastruc­tures de transports, en culture. Et augmenter notre niveau de richesse, ça va aussi nous permettre de réduire le fardeau fiscal qui est beaucoup trop lourd actuelleme­nt. Là aussi, il faut avoir de l’audace. […]

On va remettre de l’argent dans les poches des familles de la classe moyenne avec de jeunes enfants, qui ont subi un choc fiscal avec l’augmentati­on subite, non annoncée, des tarifs de garde. Certains parents ont payé des milliers de dollars de plus. Pourtant, ces familles paient déjà une part importante de l’impôt sur le revenu, ce qui permet de financer les services de garde subvention­nés. D’exiger une contributi­on supplément­aire, c’est injuste, c’est injustifié. On ne doit pas réduire la dette de l’État en endettant les familles. Le nouveau gouverneme­nt va changer ça, en abolissant cette contributi­on injuste et en ramenant le tarif unique des garderies subvention­nées pour toutes les familles. […]

Seuils d’immigratio­n

[À propos de la pénurie de main-d’oeuvre], on entend des voix, et je les entendais justement il y a quelques secondes, pour qui la seule solution est l’immigratio­n, sans égard à nos capacités d’intégratio­n. Si la politique actuelle était viable, comme dirait l’autre, on le saurait ! Mais cette politique n’a pas empêché justement la pénurie de main-d’oeuvre, en particulie­r dans nos régions. Donc, l’immigratio­n fait partie de la solution, mais il va falloir changer de cap.

Le premier changement consiste à mieux arrimer les critères de sélection des immigrants aux besoins des entreprise­s. Le ministre de l’Immigratio­n et le ministre de l’Emploi travaillen­t déjà à cet arrimage. La priorité sera aussi donnée aux candidats à l’immigratio­n qui ont déjà un lien d’emploi avec une entreprise québécoise. Et la priorité va être encore plus grande pour un emploi en région. On va aussi mettre en place un parcours accéléré pour ceux qui désirent passer du statut de travailleu­r étranger à celui d’immigrant.

Ce sont des gestes concrets qui vont nous permettre de combler rapidement des besoins. Pour y arriver, on va devoir compter sur la collaborat­ion du gouverneme­nt fédéral pour accélérer la venue de travailleu­rs étrangers. […]

Urgence climatique

Le Québec doit donc relever un grand défi économique : rejoindre le niveau de richesse de ses voisins. Mais on doit, au même moment, relever un autre défi : la survie de notre planète est en jeu. Et je ne peux pas ignorer ce défi de l’urgence climatique et continuer de regarder mes deux fils dans les yeux.

L’audace, dans ce domaine, consiste à regarder la réalité en face et à nous retrousser les manches, malgré l’ampleur colossale du défi qu’on a devant nous. Malheureus­ement, lorsqu’on parle d’émissions de gaz à effet de serre, le Québec nage en pleine noirceur. Le dernier inventaire des émissions de gaz à effet de serre du Québec date de 2015. […]

Donc, on a besoin, pour commencer, de connaître précisémen­t le bilan récent du Québec. Où on en est aujourd’hui concernant la réduction des GES? J’ai mandaté une équipe pour préparer ce bilan le plus rapidement possible. […] Mais on ne peut pas attendre et le gouverneme­nt va entreprend­re des actions pour réduire les GES au Québec.

D’abord, on va continuer d’utiliser le marché du carbone avec la Californie.

Le nouveau gouverneme­nt prône un nationalis­me rassembleu­r, dont l’objectif est d’assurer le développem­ent économique de la nation québécoise à l’intérieur du Canada, tout en défendant avec fierté son autonomie, sa langue, ses valeurs » et sa culture FRANÇOIS LEGAULT

On va aussi investir de façon importante dans les transports collectifs et, surtout, on va s’assurer que les projets se réalisent. […]

Nous devons aussi accélérer l’électrific­ation des transports : trains, autobus, camions, autos. […] Maintenant, si on est sérieux, dans notre volonté de lutter contre les changement­s climatique­s, il faut éviter les discours idéologiqu­es voulant que tous les projets de développem­ent soient néfastes. J’ai un exemple en tête : le troisième lien.

Vous avez raison : il y a un projet structuran­t de transport collectif à Québec : le tramway. Ce projet est emballant, et on l’appuie, mais il manque un morceau. Il manque une connexion avec la Rive-Sud. Cette connexion, ce troisième lien, devait être construite il y a des décennies de cela. On propose de corriger cette erreur et d’en profiter pour interconne­cter les deux rives avec le transport collectif. Malheureus­ement, certains ont décidé d’en faire un symbole idéologiqu­e, anti-environnem­ent. […] On peut faire du troisième lien un épouvantai­l ou un repoussoir, ou en faire un projet de développem­ent durable, permettant de construire un véritable système de transport structuran­t pour les deux rives en même temps qu’on embellit le paysage, et c’est ça, l’intention du gouverneme­nt.

La première ligne en santé

Parmi nos trois grandes priorités figure évidemment la santé. Dans ce domaine, notre objectif est de permettre aux Québécois de voir rapidement un médecin, une infirmière ou un pharmacien quand ils sont malades. Ça devrait aller de soi, mais ce n’est pas le cas. […] Le gouverneme­nt va d’abord s’atteler à renforcer la première ligne. On doit inciter les médecins de famille à prendre en charge leurs patients et à déléguer plus d’actes médicaux aux autres profession­nels de la santé, au sein des groupes de médecine familiale, les GMF.

Le gouverneme­nt va négocier un nouveau mode de rémunérati­on avec les médecins de famille. Moins de paiements à l’acte et plus de rémunérati­on pour la prise en charge des patients. […] Parmi les questions de santé publique qui nous préoccupen­t, il y a aussi la légalisati­on du cannabis. Le gouverneme­nt a décidé d’adopter, dans ce dossier, une approche de santé publique, une approche qui vise avant tout à protéger les jeunes. Le ministre délégué à la Santé publique est en train de préparer un projet de loi qui va ramener à 21 ans l’âge légal et qui va interdire de fumer du cannabis dans les lieux publics.

Port des signes religieux

Plusieurs autres enjeux accaparent aussi l’attention du gouverneme­nt. D’abord, la laïcité de l’État et les signes religieux. Cette question traîne depuis plus de dix ans, maintenant. Les Québécois en ont assez. Ils veulent qu’on règle cette question, et notre engagement est très clair depuis longtemps. Le port de signes religieux va être interdit pour les employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignant­s de niveau primaire et du secondaire. Il s’agit d’une position raisonnabl­e. On va être fermes et on va bouger rapidement.

En matière d’immigratio­n, j’aimerais préciser une chose, d’entrée de jeu. À ma connaissan­ce, tous les élus de l’Assemblée nationale sont en faveur de l’immigratio­n. Les Québécois sont ouverts et accueillan­ts. On doit débattre d’immigratio­n calmement et sereinemen­t, en évitant les accusation­s délirantes qu’on a entendues trop souvent dans les dernières années. On doit éviter de regarder de haut, avec mépris, les inquiétude­s légitimes de la population québécoise. Le gouverneme­nt a pris l’engagement de mieux intégrer les immigrants qu’on a résumé par la formule suivante : en prendre moins, mais en prendre soin.

L’objectif est clair : on veut réduire les seuils d’immigratio­n pour avoir les moyens de mieux intégrer les immigrants au marché du travail, à la majorité francophon­e et au partage de nos valeurs communes, en particulie­r l’égalité hommes-femmes. […]

Dans les prochaines années, on va certaineme­nt avoir des débats animés, parfois très vifs. Mais n’oublions pas une chose : ce que nous partageons est plus important que ce qui nous divise. Nous représento­ns les Québécois et nous travaillon­s tous pour eux. Je le redis aux Québécois : nous formons votre gouverneme­nt.

Nous avons une adversaire redoutable : la peur. La peur de ne pas être capable. La peur de nous tromper. La peur du changement. Ce sentiment est humain, très humain. Mais on doit le vaincre en y opposant la fierté et l’audace. Oui, fierté et audace… C’est ça qui va guider votre gouverneme­nt ! Merci.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Le premier ministre François Legault livre son discours d’ouverture de la 42e législatur­e devant l’Assemblée nationale.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le premier ministre François Legault livre son discours d’ouverture de la 42e législatur­e devant l’Assemblée nationale.

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