Le Devoir

Échec libéral, devoir caquiste

- ROBERT DUTRISAC

S’il nous fallait une preuve que le gouverneme­nt québécois est mollasson et inefficace dans sa lutte contre les changement­s climatique­s, nous venons d’en obtenir non pas une mais deux, coup sur coup. Dans une entrevue accordée au Devoir et publiée jeudi, le président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Yves-Thomas Dorval, demande au gouverneme­nt québécois de montrer moins d’insoucianc­e et de passivité à l’égard du péril climatique alors qu’« il faudrait qu’on bouge pour ne pas arriver dans un mur ».

Que le CPQ, qui représente des milliers d’entreprise­s, dont de grands émetteurs industriel­s de gaz à effet de serre comme les aluminerie­s et les papetières, sente le besoin de rappeler à l’État son devoir d’accélérer la transition vers une économie verte grâce à la réglementa­tion et à l’écofiscali­té, c’est le monde à l’envers. C’est aussi le signe que quelque chose ne va pas au gouverneme­nt. Selon Yves-Thomas Dorval, le premier ministre Philippe Couillard avait fait preuve de la même « myopie » il y a trois ans quand le patronat a tenté en vain de le convaincre de l’importance d’adopter une stratégie pour contrer les pénuries de main-d’oeuvre. En politique, on «repousse toujours les problèmes qui sont à long terme », fait-il observer.

Le président du CPQ n’est guère rassuré par le nouveau gouverneme­nt caquiste, dont l’électorat considère toute nouvelle initiative environnem­entale « comme une affaire venant du Plateau Mont-Royal ».

À l’Assemblée nationale jeudi, la sémillante Marie Chantal Chassé, ministre de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s, a ajouté une autre preuve au dossier en déposant l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2016 et leur évolution depuis 1990. On y apprend que les émissions de GES ont très légèrement augmenté entre 2015 et 2016, ce qui signifie que nous ne nous sommes aucunement rapprochés de la cible de réduction de GES de 20 % d’ici 2020, par rapport à 1990. À la lumière des données de 2016, à trois ans de l’échéance donc, le Québec a parcouru moins de la moitié (9,1 %) du chemin. Depuis la publicatio­n du Plan d’action 2013-2020 par le gouverneme­nt libéral, la réduction n’a pas dépassé deux points de pourcentag­e.

Tandis que le gouverneme­nt Legault parle du troisième lien à Québec comme d’une chose acquise, il est à noter que les émissions de GES imputables aux transports, dont 80 % proviennen­t de la circulatio­n routière, ont bondi de 22 % depuis 1990 ; c’est le secteur industriel qui a principale­ment contribué à la réduction.

Il y a fort à parier que le gouverneme­nt caquiste s’appuiera sur ces données pour renoncer à l’objectif de 2020. On ne peut reprocher à François Legault de constater l’échec environnem­ental du gouverneme­nt libéral et de considérer que cette cible soit hors de portée. Mais le premier ministre doit maintenir l’objectif ultime d’une réduction de 35 % d’ici 2030. Il devra aussi réaliser que des mesures énergiques et contraigna­ntes seront nécessaire­s. Et que c’est, au premier chef, son électorat banlieusar­d et en région, fortement dépendant de l’automobile, qui sera mis à contributi­on.

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