Un gazouillis coûteux
Le député conservateur Pierre Paul-Hus a peut-être versé dans l’amalgame cette semaine lorsqu’il a mis l’ensemble des coûts additionnels reliés au traitement des dossiers des demandeurs d’asile sur le compte d’un seul gazouillis de Justin Trudeau. Mais il n’en demeure pas moins que l’intervention sur Twitter du premier ministre en janvier 2017 — par laquelle il affirmait que tous ceux qui « fuient la persécution, la terreur et la guerre » seraient accueillis au Canada — risque de coûter cher au premier ministre lors des élections fédérales de 2019.
Il est fort probable que l’élection de Donald Trump en 2016 aurait entraîné une hausse des demandeurs d’asile en provenance des États-Unis sans même que M. Trudeau ait à tirer avantage de la situation pour promouvoir sa propre image. La signature par M. Trump, peu après son assermentation, d’un décret interdisant l’entrée aux États-Unis de ressortissants de sept pays musulmans a confirmé l’intention du nouveau président républicain de faire fi du vers inscrit au pied de la statue de la Liberté à New York en fermant autant que possible les frontières américaines. Le Canada devait s’attendre à en subir les conséquences.
Or, le gouvernement Trudeau semble s’être bercé dans l’illusion que l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis allait protéger ce pays de l’arrivée de migrants économiques à la frontière américaine. Rappelons que cette entente prévoit que les autorités canadiennes peuvent refuser l’entrée au Canada à tout demandeur d’asile d’un tiers pays qui arrive à un poste frontalier officiel en provenance des États-Unis, puisque les lois américaines en matière de réfugiés respectent les conventions internationales, quoi qu’en disent les critiques.
Le Directeur parlementaire du budget a prévu, dans un rapport publié cette semaine, que la hausse de la migration irrégulière pourrait coûter plus de 1,1 milliard de dollars aux contribuables canadiens d’ici 2020
Mais la forte augmentation de la migration irrégulière, dès l’été de 2017, a mis en évidence les failles dans l’Entente sur les tiers pays sûrs. Les Québécois se sont alors habitués aux images des demandeurs d’asile qui traversaient la frontière de façon irrégulière par le chemin Roxham pour être ensuite interceptés par la GRC. Il y a eu presque 24 000 interceptions de la sorte dans l’année fiscale 2017-2018 et on s’attend à autant, sinon plus, pour l’année en cours. Idem pour l’année 2019-2020. C’est ainsi que le Directeur parlementaire du budget (DPB) a prévu, dans un rapport publié cette semaine, que la hausse de la migration irrégulière pourrait coûter plus de 1,1 milliard de dollars aux contribuables canadiens d’ici 2020. Et cette somme n’inclut pas les centaines de millions de dollars dépensés par les gouvernements provinciaux — surtout ceux de l’Ontario et du Québec — qui doivent couvrir les frais de logement, d’assistance sociale et d’éducation pour ces demandeurs d’asile.
Dans le dernier budget fédéral, Ottawa a octroyé 173 millions de dollars sur deux ans « pour gérer la migration irrégulière en assurant la sécurité à la frontière et en accélérant le traitement des demandeurs d’asile ». Cette somme est nettement insuffisante. La Commission de l’immigration et du statut de réfugiés du Canada (CISR) dénombre environ 65 000 demandeurs d’asile dont les dossiers n’ont pas encore été traités. Le retard dans le traitement de chaque dossier va en augmentant, ce qui fait en sorte que le coût moyen associé au traitement de chaque demande ira de 14 321 $ en 2017-2018 à 16 666 $ en 2019-2020, selon le DPB.
Qui plus est, le coût lié à un demandeur d’asile à qui la CISR reconnaît un statut de réfugié dès sa première audience est de seulement 9915 $, alors qu’un demandeur d’asile dont la demande est refusée par la CISR, mais qui porte sa cause en appel, monte à presque 34 000 $, selon le DPB. Or, la CISR a affirmé en septembre que seulement 45 % des demandeurs d’asile qui avaient eu une première audience jusque-là avaient été reconnus comme de véritables réfugiés. Ceux qui se sont vu refuser le statut de réfugié sont surtout des migrants économiques d’origine haïtienne et, plus récemment, nigérienne. Le Canada peut les expulser. Mais, dans les faits, l’Agence des services frontaliers du Canada n’a pas les ressources pour le faire, devant se concentrer sur des expulsions prioritaires liées à la sécurité nationale.
C’est surtout là où le bât blesse. Alors que le gouvernement Trudeau se veut le champion de la diversité, la plupart des Canadiens issus de l’immigration, et qui sont arrivés au pays en suivant les procédures légales, ne sont pas du tout contents de voir ce qu’ils considèrent comme un abus flagrant de la générosité des Canadiens. « Les gens sont arrivés à la conclusion que ces [demandeurs d’asile] ne sont pas de vrais réfugiés et qu’ils devraient être retournés dans leur pays le plus tôt possible », a constaté en septembre le député libéral John McKay, dont la circonscription torontoise est surtout composée d’immigrants. « La chose équitable à faire, c’est de procéder rapidement, et c’est là que le gouvernement montre des faiblesses. »
S’il veut éviter que son fameux gazouillis ne revienne le hanter l’automne prochain, M. Trudeau devra montrer qu’il a compris le message.