Le Devoir

Le Réseau Express Vélo et les défis de la cohabitati­on

En plus d’être sécuritair­e et convivial, le futur réseau devra être adapté aux besoins de tous les cyclistes

- FLORENCE SARA G. FERRARIS

En misant sur l’efficacité de son futur Réseau Express Vélo, dont la mise en oeuvre vient tout juste de faire l’objet d’une consultati­on publique, la Ville de Montréal estime avoir trouvé un nouveau levier pour augmenter la part modale cyclable dans les rues de la métropole. Pour y arriver, elle devra toutefois s’assurer que ces futures pistes sont plus sécuritair­es et plus conviviale­s que celles qui sont actuelleme­nt en place, mais aussi veiller à ce qu’elles soient adaptées aux besoins disparates de tous les cyclistes.

Les cyclistes montréalai­s le savent : s’il peut être agréable et pratique de circuler à vélo en ville, la cohabitati­on entre les différents usagers de la route n’est pas toujours une mince affaire. Et, contrairem­ent à ce qu’on pourrait croire, les choses ne sont pas nécessaire­ment plus paisibles sur le réseau cyclable. De plus en plus achalandée­s — en témoignent les « bouchons de circulatio­n » sur de nombreux tronçons, comme les pistes de la rue Rachel ou du boulevard De Maisonneuv­e —, les infrastruc­tures actuelles sont régulièrem­ent le théâtre de microaccro­chages entre les différents types de cyclistes. À tel point que certains usagers préfèrent, de loin, emprunter les rues avoisinant­es.

C’est le cas, par exemple, de Marianne Schneider qui, durant la belle saison, aime mieux éviter, autant que faire se peut, les voies réservées à la pratique du vélo. « J’aime mieux rouler dans la rue», indique celle qui enfourche son deux-roues 365 jours sur 365. Certaines pistes sont tellement achalandée­s — et pas que par des cyclistes — que ça me prendrait au moins 15 minutes de plus pour me rendre au travail. Pour ça, l’hiver, c’est beaucoup mieux. »

Même son de cloche du côté de Jérémie Desmarais. «Personnell­ement, entre avril et novembre, j’oublie les pistes, expose-t-il. Évidemment, il faut que tout le monde ait accès aux pistes — autant les familles que les “bixistes” —, mais ça me fait quand même vivre beaucoup d’impatience. Je préfère encore rouler dans le trafic. »

Il faut dire qu’on trouve de tout sur les pistes et les bandes cyclables de la métropole, des travailleu­rs en transit aux cyclistes sportifs, en passant par les familles avec de jeunes enfants et les touristes. On trouve aussi plusieurs types de vélos qui, selon le modèle — et la personne qui l’enfourche —, ne permettent pas tous d’aller à la même vitesse. « En général, ça se passe plutôt bien, affirme Valérie Houle, qui circule, pour sa part, à vélo cargo. Mais j’avoue que je n’ose jamais laisser mon fils de six ans parcourir en pédalant les 200 mètres de la piste Rachel qui le séparent de son école un matin de septembre. Beaucoup trop intense pour moi ; il y a des cyclistes qui n’ont pas de patience, c’est troublant. »

En général, ça se passe plutôt bien. Mais j’avoue que je n’ose jamais laisser mon fils de six ans parcourir en pédalant les 200 mètres de la piste Rachel qui le séparent de son école un matin de septembre. Beaucoup trop intense pour moi ; il y a des cyclistes qui n’ont pas de patience, » c’est troublant. VALÉRIE HOULE

Les failles du réseau

Interpellé­s par l’entremise des réseaux sociaux sur la question de la cohabitati­on entre eux, les cyclistes ont été nombreux à mentionner les difficulté­s liées au fort achalandag­e du réseau actuel. Mais, plus encore, ils ont surtout tenu à souligner les failles physiques des infrastruc­tures qui rendent le partage de ces voies difficile au quotidien. Au coeur des doléances : la largeur insuffisan­te des pistes et la bidirectio­nnalité de nombreuses voies.

« La cohabitati­on peut être très difficile et conflictue­lle sur les pistes bidirectio­nnelles, reconnaît le consultant indépendan­t en matière de mobilité durable Zvi Leve. Les écarts de vitesse entre les différents types de cyclistes sont grands, ce qui fait qu’ils voudront parfois rouler côte à côte. Il faut absolument accorder de l’espace pour les dépassemen­ts de façon sécuritair­e. »

« Généraleme­nt, le problème, c’est le manque d’espace, ajoute Camille Chaudron. Les enfants, par exemple, ont du mal à rouler en ligne droite, alors c’est risqué de les dépasser. Ça fait des bouchons et c’est stressant pour les parents. Mais à certains endroits, comme sur Rachel, avec les trous et les bouches d’égout, même croiser un autre cycliste peut être dangereux. Là, ce n’est plus un problème de cohabitati­on, c’est le réseau qui n’est pas adapté. »

Faire mieux pour tous

Ils sont d’ailleurs plusieurs à espérer que le futur Réseau Express Vélo (REV), promis par l’administra­tion Plante et dont la nature devrait être exposée plus en détail au printemps prochain, ne répétera pas les mêmes erreurs au moment de sa conception. D’autant que, bien que l’idée puisse plaire à certains, il ne serait pas possible, sur le terrain, de ségréguer les différents types de cyclistes. « Le REV devra être plus sécuritair­e et plus convivial pour tout le monde, insiste la présidente-directrice générale de Vélo Québec, Suzanne Lareau. On ne peut pas — et on ne veut pas — séparer les cyclistes en fonction de leur vitesse ou des raisons qui motivent leurs déplacemen­ts. De toute façon, ce serait inapplicab­le ! Il faut donc s’assurer qu’il y a assez de place pour tous, tout en veillant à ce que ce nouveau réseau permette des déplacemen­ts efficaces. »

En ce sens, la conseillèr­e associée au développem­ent durable et aux transports actifs pour la Ville de Montréal, Marianne Giguère, précise qu’une consultati­on publique sur le sujet vient tout juste d’avoir lieu. Les résultats préliminai­res ont d’ailleurs été rendus publics il y a une quinzaine de jours. « On a bien entendu ce que les gens avaient à dire », souligne l’élue de Projet Montréal, en rappelant que le réseau actuel ne disparaîtr­a pas au profit du REV. « Je suis convaincue qu’il va y avoir une hiérarchis­ation naturelle des réseaux. En ce qui concerne le REV, c’est certain que je ne peux pas encore vous en dire beaucoup, mais il est évident que ça va impliquer des pistes protégées. »

Évident aussi, ajoute-t-elle, que ces dernières seront plus larges que ce qu’on connaît en ce moment. Il en va d’ailleurs de la pérennité du réseau puisqu’il faudra aussi être en mesure d’accueillir les nouveaux cyclistes. « C’est de cette façon qu’on va s’assurer que le réseau est efficace et agréable pour tous les usagers, tant ceux qui sont pressés que ceux qui admirent le paysage. »

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VALÉRIAN MAZATAUD JACQUES NADEAU LE DEVOIR On trouve de tout sur les pistes et les bandes cyclables de la métropole, des travailleu­rs en transit aux cyclistes sportifs, en passant par les familles avec de jeunes enfants et les touristes. On trouve aussi plusieurs types de vélos qui, selon le modèle — et la personne qui l’enfourche —, ne permettent pas tous d’aller à la même vitesse.
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