Ford n’a rien compris
Deux semaines après le début de la crise entourant les droits linguistiques des Franco-Ontariens, le gouvernement Ford s’enlise pendant que s’organise une riposte d’une ampleur insoupçonnée. « Nous sommes, nous serons ! » Tel est le cri de ralliement des quelque 14 000 personnes qui ont manifesté durant la fin de semaine un peu partout en Ontario, dans l’espoir de convaincre le premier ministre ontarien, Doug Ford, de faire marche arrière sur l’abolition du Commissariat aux services en français et l’abandon du projet de création de l’Université de l’Ontario français. Ce mouvement, qui trouve aussi un écho dans les autres communautés francophones du Canada, n’est pas près de s’essouffler. Il compte sur des réseaux bien établis, sur l’expertise de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, sur un vaste courant de sympathie, sur la relance opportune du Programme de contestation judiciaire par le gouvernement Trudeau et sur une figure de proue d’une incontestable dignité en la personne d’Amanda Simard.
La députée de Glengarry-Prescott-Russell a claqué la porte du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, jeudi dernier, en déplorant l’absence d’écoute et de compréhension de Doug Ford à l’égard des Franco-Ontariens. La nouvelle députée indépendante le confirme : M. Ford considère les francophones comme n’importe quelle minorité ethnique en Ontario.
C’est le coeur du problème, et c’est pourquoi toutes les mesures de compromis proposées par le gouvernement Ford manquent de substance. Les conservateurs ontariens ont proposé d’intégrer les employés du Commissariat au sein du Bureau de l’ombudsman, ce à quoi s’oppose le commissaire, François Boileau. M. Ford a annoncé son intention de créer un poste de conseiller aux affaires francophones intégré à son bureau. Quant à la création de l’Université de l’Ontario français, elle a rejoint le rang des belles promesses et des voeux pieux. Elle sera lancée lorsque les finances publiques seront remises en ordre.
Ces propositions ne découlent pas d’un effort de compréhension et d’acceptation des droits linguistiques des Franco-Ontariens. Il s’agit plutôt d’un compromis bancal, dont la finalité ne devrait duper personne. M. Ford cherche à se débarrasser au plus vite d’un problème qui porte ombrage à sa mise à jour économique.
Les droits linguistiques des Franco-Ontariens ne sauraient être bafoués, diminués ou transgressés pour des raisons économiques, d’autant plus que ce prétexte est factice. L’abolition du Commissariat aux services en français et l’abandon du projet d’Université de l’Ontario français auront un impact à peu près nul sur l’effort de réduction des dépenses publiques.
Amanda Simard a très bien résumé l’enjeu existentiel de cette bataille, dans son allocution de soutien à une motion néo-démocrate d’opposition aux coupes, à Queen’s Park. « Notre langue, c’est au coeur de notre identité. Nous vivons en français. Les générations qui nous ont précédés ont travaillé très fort pour nos acquis et nous sommes constamment forcés de les protéger », a-t-elle dit.
C’est le genre de déclaration que l’on attend d’une ministre de la Francophonie, et Mme Simard manifeste d’ailleurs le courage, la fierté et la résilience attendus d’une ministre de la Francophonie en pareilles circonstances. Mais que fait au juste la titulaire du poste, Caroline Mulroney ? Celle-ci s’enfonce de jour en jour. Elle est ministre de la Francophonie ? Qu’elle monte au combat pour les Franco-Ontariens.
Même l’Ottawa Citizen, dans un éditorial publié en français, leur a donné son appui. « Les Franco-Ontariens méritent mieux », titrait le Citizen. On ne pourrait si bien dire.