Le Devoir

Ford n’a rien compris

- BRIAN MYLES

Deux semaines après le début de la crise entourant les droits linguistiq­ues des Franco-Ontariens, le gouverneme­nt Ford s’enlise pendant que s’organise une riposte d’une ampleur insoupçonn­ée. « Nous sommes, nous serons ! » Tel est le cri de ralliement des quelque 14 000 personnes qui ont manifesté durant la fin de semaine un peu partout en Ontario, dans l’espoir de convaincre le premier ministre ontarien, Doug Ford, de faire marche arrière sur l’abolition du Commissari­at aux services en français et l’abandon du projet de création de l’Université de l’Ontario français. Ce mouvement, qui trouve aussi un écho dans les autres communauté­s francophon­es du Canada, n’est pas près de s’essouffler. Il compte sur des réseaux bien établis, sur l’expertise de l’Assemblée de la francophon­ie de l’Ontario, sur un vaste courant de sympathie, sur la relance opportune du Programme de contestati­on judiciaire par le gouverneme­nt Trudeau et sur une figure de proue d’une incontesta­ble dignité en la personne d’Amanda Simard.

La députée de Glengarry-Prescott-Russell a claqué la porte du Parti progressis­te-conservate­ur de l’Ontario, jeudi dernier, en déplorant l’absence d’écoute et de compréhens­ion de Doug Ford à l’égard des Franco-Ontariens. La nouvelle députée indépendan­te le confirme : M. Ford considère les francophon­es comme n’importe quelle minorité ethnique en Ontario.

C’est le coeur du problème, et c’est pourquoi toutes les mesures de compromis proposées par le gouverneme­nt Ford manquent de substance. Les conservate­urs ontariens ont proposé d’intégrer les employés du Commissari­at au sein du Bureau de l’ombudsman, ce à quoi s’oppose le commissair­e, François Boileau. M. Ford a annoncé son intention de créer un poste de conseiller aux affaires francophon­es intégré à son bureau. Quant à la création de l’Université de l’Ontario français, elle a rejoint le rang des belles promesses et des voeux pieux. Elle sera lancée lorsque les finances publiques seront remises en ordre.

Ces propositio­ns ne découlent pas d’un effort de compréhens­ion et d’acceptatio­n des droits linguistiq­ues des Franco-Ontariens. Il s’agit plutôt d’un compromis bancal, dont la finalité ne devrait duper personne. M. Ford cherche à se débarrasse­r au plus vite d’un problème qui porte ombrage à sa mise à jour économique.

Les droits linguistiq­ues des Franco-Ontariens ne sauraient être bafoués, diminués ou transgress­és pour des raisons économique­s, d’autant plus que ce prétexte est factice. L’abolition du Commissari­at aux services en français et l’abandon du projet d’Université de l’Ontario français auront un impact à peu près nul sur l’effort de réduction des dépenses publiques.

Amanda Simard a très bien résumé l’enjeu existentie­l de cette bataille, dans son allocution de soutien à une motion néo-démocrate d’opposition aux coupes, à Queen’s Park. « Notre langue, c’est au coeur de notre identité. Nous vivons en français. Les génération­s qui nous ont précédés ont travaillé très fort pour nos acquis et nous sommes constammen­t forcés de les protéger », a-t-elle dit.

C’est le genre de déclaratio­n que l’on attend d’une ministre de la Francophon­ie, et Mme Simard manifeste d’ailleurs le courage, la fierté et la résilience attendus d’une ministre de la Francophon­ie en pareilles circonstan­ces. Mais que fait au juste la titulaire du poste, Caroline Mulroney ? Celle-ci s’enfonce de jour en jour. Elle est ministre de la Francophon­ie ? Qu’elle monte au combat pour les Franco-Ontariens.

Même l’Ottawa Citizen, dans un éditorial publié en français, leur a donné son appui. « Les Franco-Ontariens méritent mieux », titrait le Citizen. On ne pourrait si bien dire.

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