Métro Média mise sur le contenu local pour faire sa marque
Contre les géants du Web, le propriétaire du quotidien Métro et d’une trentaine d’hebdomadaires mise sur un rapport humain avec les annonceurs
Il y a huit mois, Michael Raffoul et son partenaire Andrew Mulé faisaient l’acquisition des mains de Transcontinental du quotidien montréalais gratuit Métro et de 29 hebdomadaires de la métropole et de Québec. Si aujourd’hui l’aventure se révèle « difficile », l’entreprise espère prospérer en misant sur du contenu plus ancré dans les communautés et sur un rapport plus humain du côté des ventes.
« C’est un marché difficile, mais ce n’est pas une surprise pour nous non plus », lance le vice-président de Métro Media, Andrew Mulé. Depuis quelques années, il oeuvre aussi avec M. Raffoul chez Transmet Logistics & Metropolitan Media, qui s’occupe pour plusieurs publications imprimées de tout ce qui entoure la distribution. Mais avec la transaction d’avril, la compagnie ajoute un rôle d’éditeur à sa manche.
«Nous, on retourne à la base pour renforcer les liens, lance Andrew Mulé. Au bout du compte, c’est un peu un changement de direction par rapport à ce qui était fait avant. Je pense qu’une compagnie à la Bourse comme Transcontinental était dans une mauvaise position pour prendre des décisions locales et communautaires. C’est une compagnie nationale, avec des gros projets dans les centaines de milliers de dollars. »
« Plus de local »
Que ce soit pour ses hebdomadaires ou pour le journal Métro — qui compte quelque 1,2 million de lecteurs —, M. Mulé veut « moins de national, plus de local. Il y a un retour à ça, anyway, dans une culture environnementale d’achat local, par exemple, alors, nous, on suit cette direction-là, on est déjà des journaux communautaires majoritairement, so …»
Dans la branche distribution, par exemple, l’entreprise compte se concentrer sur ses marchés forts, comme les stations de métro — il reste deux ans au contrat avec la STM —, la communauté urbaine de Montréal et la ville de Québec. « Anciennement, on mettait beaucoup d’effort dans la distribution pour aller loin dans les Laurentides, jusqu’à la frontière. Ce n’est plus le cas. »
Les revenus restent le nerf de la guerre pour Métro Média, et il est difficile d’attirer dans leurs pages les gros annonceurs, « comme les banques et tout ça, qui ne croient plus dans la presse imprimée depuis longtemps, dit M. Mulé. Pourquoi on irait cogner à leur porte ? Mais dans le local, il y a beaucoup de magasins qui survivent avec la publicité locale, avec le bouche à oreille. C’est là qu’on peut conserver notre position et renforcer nos liens. »
Et aux géants du numérique qui siphonnent le marché publicitaire, M. Mulé veut opposer des personnes en chair et en os, à qui on peut serrer la main. « On veut voir ce qu’on peut faire dans le côté humain, on peut établir une relation avec nos clients, ce que Google et Facebook ne peuvent pas faire. J’espère que c’est l’avenir, sinon je ne sais pas ce que ça va devenir, honnêtement. »
Mandats plus précis
Cette stratégie de proximité va avoir des répercussions jusque dans le contenu journalistique, autant dans les hebdomadaires — où la chose est plus logique — que chez Métro. Il faut aux yeux de M. Mulé que le quotidien gratuit se lie davantage à la communauté montréalaise et devienne ainsi plus important aux yeux de la population.
Le vice-président parle de « mandats plus précis », ce qui ne veut pas dire toutefois qu’il ne sera pas question d’enjeux nationaux dans le Métro.
« On va le faire parce qu’on doit rester
On veut voir ce qu’on peut faire dans le côté humain, on peut établir une relation avec nos clients, ce que Google et Facebook » ne peuvent pas faire ANDREW MULÉ
pertinent, mais ce n’est pas là notre force; il y a de grands journaux généralistes comme La Presse ou comme Le Journal de Montréal, qui font une excellente job pour ça. Nous, si on doit être pertinents, on doit faire une autre job. »
Suspension des publications
Sur le terrain par contre, Métro Média a décidé dans les derniers mois de fusionner ou de fermer certains hebdomadaires, dont L’Express d’Outremont et L’Express de Mont-Royal. Nouvelles Hochelaga-Maisonneuve a aussi vu sa publication « suspendue » il y a deux semaines.
M. Mulé souligne la désertion des annonceurs dans certains arrondissements et quartiers, et ajoute que le lectorat évolue aussi, plusieurs ne voulant pas du sac publicitaire laissé aux portes et dans lequel on trouve bien souvent aussi l’hebdomadaire du coin.
«Il faut qu’on change de stratégie dans ces quartiers-là, affirme Andrew Mulé. J’ai certainement des idées, je ne suis pas là pour réduire mon territoire géographique, mais [le fait est qu’il faut] changer la façon dont on va rejoindre notre lectorat. Je ne peux pas en parler plus en ce moment, mais il y a des affaires à venir en 2019 en matière de distribution et de production. »