Le Devoir

Point final pour Trois Points

Les propriétai­res de la galerie mettent fin à une aventure qui aura duré trois décennies

- CAROLINE MONTPETIT

La galerie d’art Trois Points fermera ses portes le 15 décembre prochain. Cette galerie, l’une des premières à avoir ouvert dans l’édifice du Belgo, rue Sainte-Catherine à Montréal, fêtait cette année ses trente ans d’existence.

Les propriétai­res de la galerie, Émilie Grandmont Bérubé et Jean-Michel Bourgeois, ont tous deux décidé de voler vers de nouveaux défis. Historienn­e de l’art, Émilie Grandmont Bérubé s’est démarquée dans le milieu des arts visuels, notamment en tant que présidente et membre du conseil d’administra­tion de l’Associatio­n des galeries d’art contempora­in (AGAC). « C’est quelqu’un qui prenait position publiqueme­nt sur les enjeux du milieu de l’art », dit Julie Lacroix, directrice de l’AGAC. À ce titre, Mme Grandmont Bérubé s’est impliquée notamment dans les dossiers du droit de suite et du contrat type, ainsi que dans la présentati­on d’un mémoire pour le renouvelle­ment de la politique culturelle québécoise.

Mme Grandmont Bérubé avait repris en 2008 la galerie de Jocelyne Aumont, ce qui est assez rare dans le milieu de l’art, où les galeries se bâtissent généraleme­nt autour de la personnali­té

En 2008, lorsque la foire Papier a vu le jour, il y avait 18 galeries participan­tes. En 2018, il y en avait 40, dont 27 galeries québécoise­s. » ÉMILIE GRANDMONT BÉRUBÉ

d’un seul propriétai­re.

La galerie Trois Points a été fondée en 1988 par Éric Devlin, Jocelyne Aumont et Elena Lee. En 1994, seule Jocelyne Aumont reste à sa tête, pour une dizaine d’années. En 2003, c’est au tour d’Émilie Grandmont Bérubé et de Jean-Michel Bourgeois d’en prendre les rênes. « On avait 24 ans. On était jeunes », dit Émilie Grandmont Bérubé qui en assumera également la direction. Après toutes ces années, Mme Grandmont Bérubé se dit « fatiguée » de pratiquer ce métier difficile. Il y a du « mécénat » dans le métier de galeriste, dit-elle. On donne de son temps, et de son argent, pour soutenir des artistes en lesquels on croit profondéme­nt. « Je laissais carte blanche aux artistes, pour les laisser exprimer leur vision de l’espace », dit-elle.

Et malgré les succès de la galerie Trois Points (qui représente notamment les artistes Olga Chagaoutdi­nova, Milutin Gubash, Richard Mill et Natalie Reis) au cours des dernières années, l’historienn­e de l’art ne se voit pas prendre la tête d’une autre galerie d’art dans l’avenir. « Les budgets d’acquisitio­n des institutio­ns fondent », dit-elle, ceux des grandes entreprise­s aussi.

Alors que le Canada s’est doté de bourses de création enviables pour les artistes, le soutien à la vente et à la représenta­tion est déficient, ajoute-telle. « Personne n’envie le marché de l’art canadien. »

Montréal a vu quelques galeries d’art fermer depuis deux ans. Cela a été le cas de la galerie Graff en juin 2017, et auparavant des galeries Donald Browne et Dominique Bouffard. Mais d’autres ouvrent aussi leurs portes, fait-elle remarquer. Dans l’édifice du Belgo, le Projet Pangée, la galerie Deux Poissons et L’Inconnue sont des nouveaux venus.

« En 2008, lorsque la foire Papier a vu le jour, il y avait 18 galeries participan­tes, rappelle Émilie Grandmont Bérubé. En 2018, il y en avait 40, dont 27 galeries québécoise­s. » Cela témoigne de la vitalité du milieu, insistet-elle.

Reste que le nombre de galeries participan­tes à la foire Papier stagne depuis quelques années, poursuit Julie Lacroix. Et qu’il n’est pas aisé d’y attirer des acheteurs de l’étranger. « Il est difficile de convertir quelqu’un qui aime bien l’art en acheteur », dit-elle.

Émilie Grandmont Bérubé précise que l’image du galeriste d’art qui roule sur l’or est un mythe. « Les galeristes ne font pas d’argent, confirme Mme Lacroix. Ils font ce qu’ils font parce qu’ils croient à la pratique de l’artiste. »

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? Émilie Grandmont Bérubé (notre photo) et Jean-Michel Bourgeois sont arrivés à la tête de la galerie d’art Trois Points en 2003.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Émilie Grandmont Bérubé (notre photo) et Jean-Michel Bourgeois sont arrivés à la tête de la galerie d’art Trois Points en 2003.

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