Le Devoir

La Banque du Canada reporte la hausse de taux |

L’institutio­n doute de la solidité de l’économie

- ÉRIC DESROSIERS

La Banque du Canada a soudaineme­nt des doutes sur la solidité de l’économie et semble vouloir se laisser plus de temps pour décider du moment de ses prochaines hausses de taux d’intérêt.

Comme en étaient désormais convaincus les analystes et les marchés depuis quelques jours, la banque centrale canadienne a laissé inchangé son taux directeur à 1,75 % mercredi. Si sa décision n’a étonné personne, les nombreux doutes qu’elle a exprimés, notamment sur l’impact de ses propres hausses de taux précédente­s, sur l’avenir du secteur pétrolier, sur la vigueur de l’économie mondiale et sur la tournure des conflits commerciau­x, trahissent une nouvelle hésitation sur la suite du resserreme­nt prévu de sa politique monétaire.

«C’est fou comment les choses peuvent changer en six semaines », a commenté l’économiste de la Banque Royale Josh Nye dans une analyse. À la fin du mois d’octobre, la Banque du Canada relevait pour une troisième fois cette année le taux d’intérêt à court terme qu’elle accorde aux banques et qui sert, à ces dernières, de référence à la fixation de leurs propres taux préférenti­els. Le bel entrain des consommate­urs, l’approche de l’économie des limites de sa capacité de croissance, mais surtout la levée d’une pesante incertitud­e avec la conclusion d’une entente dans la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) l’avaient amenée à laisser entendre que son taux directeur pourrait revenir plus rapidement que prévu à son point neutre, qu’elle estime entre 2,5 % et 3,5 %. On pensait même que sa prochaine hausse pouvait être pour mercredi.

Les dernières données sur l’économie canadienne laissent toutefois voir « un

Le contexte économique n’est plus ce qu’il était il y a seulement six semaines

dynamisme moins prononcé au début du quatrième trimestre », a admis dans son bref communiqué l’institutio­n dirigée par le gouverneur Stephen Poloz. Cela est notamment attribuabl­e à des prix du pétrole qui «ont fortement baissé » depuis le mois d’octobre, sous le coup du ralentisse­ment de la croissance mondiale, du contexte géopolitiq­ue et de la surproduct­ion de pétrole de schiste aux États-Unis, qui viennent aggraver la situation des producteur­s canadiens déjà aux prises avec des coûts de transport et des réserves excédentai­res qui plombent leurs revenus.

On sent également que les conflits commerciau­x et l’incertitud­e qu’ils soulèvent « pèsent davantage », non seulement sur la croissance mondiale, mais aussi sur l’investisse­ment des entreprise­s au pays, poursuit la Banque du Canada. Elle ne perd toutefois pas espoir de voir ces investisse­ments « se raffermir » à la faveur de la signature, la semaine dernière, de l’Accord Canada–ÉtatsUnis–Mexique (ACEUM), des nouvelles mesures fiscales annoncées par le gouverneme­nt fédéral le mois dernier et de l’atteinte des limites de la capacité de production des entreprise­s.

Quelques jours seulement après le dévoilemen­t de statistiqu­es rapportant un tassement de la croissance économique canadienne au troisième trimestre en raison du recul de la consommati­on et d’une diminution marquée de l’investisse­ment résidentie­l, la Banque se promet aussi de suivre de près l’impact du resserreme­nt des règles hypothécai­res au Canada ainsi que de sa propre remontée des taux d’intérêt des derniers mois sur les dépenses des ménages et le logement.

L’économiste de la Banque de Montréal Benjamin Reitzes n’est plus si sûr soudaineme­nt que la banque centrale remontera son taux directeur d’un autre cran à sa prochaine réunion prévue le 9 janvier. «Les probabilit­és sont au mieux de 50-50. [Le chemin vers le retour à un taux d’intérêt neutre] est manifestem­ent devenu beaucoup plus incertain qu’il y a quelques mois seulement. »

Son confrère du Mouvement Desjardins Benoit P. Durocher est plus affirmatif. « Visiblemen­t, la pause devra se poursuivre quelques mois, le temps de bien évaluer l’évolution des différents risques. »

Tous les analystes se promettaie­nt d’écouter attentivem­ent le discours de Stephen Poloz prévu jeudi pour plus d’indices.

 ?? SEAN KILPATRICK LA PRESSE CANADIENNE ?? Le taux directeur est maintenu à 1,75 %.
SEAN KILPATRICK LA PRESSE CANADIENNE Le taux directeur est maintenu à 1,75 %.

Newspapers in French

Newspapers from Canada