Aimer en toutes lettres
Un nouvel hommage senti à Pauline et Gérald dans Je ne te savais pas poète
Vingt-quatre ans que Gérald Godin nous a quittés. Vingt ans que Pauline Julien est allée le rejoindre. Cette saison, pour notre plus grand bonheur, quelques créateurs de théâtre ont choisi de s’emparer de ce que le couple a laissé en héritage, de rendre hommage à leur amour, à leur talent et à leur engagement. Après Je cherche une maison qui vous ressemble de Marie-Christine LêHuu et Benoît Vermeulen, et avant ColoniséEs d’Annick Lefebvre et René Richard Cyr, on peut assister en ce moment même, dans l’intime studio d’Espace libre, à Je ne te savais pas poète.
André-Luc Tessier a créé son (premier) spectacle pour deux comédiens (Rose-Anne Déry et Laury Huard) et deux musiciens (Yves Morin au piano et Étienne Thibeault à la guitare) à partir de la correspondance du célèbre couple, partiellement publiée dans un ouvrage paru chez Leméac en 2009, La renarde et le mal peigné. Le metteur en scène a aussi puisé avec parcimonie du côté des chansons de Pauline, des poèmes de Gérald et des archives audio. Sur le plateau, une table et deux chaises, mais surtout, des murs recouverts de mots tracés à la craie par les deux personnages, ces êtres séparés par les kilomètres, souvent même par un océan.
De la Révolution tranquille aux années 1990, du coup de foudre jusqu’à ce que la mort les désunisse, Pauline et Gérald n’ont cessé de s’écrire. Leurs échanges sont passionnés, imagés et vigoureux, tour à tour tendres et cruels, parfois carrément orageux. Soyons clairs: il ne s’agit pas ici d’un spectacle documentaire, ou même biographique à proprement parler. Il y a bien dans les passages retenus par Tessier deux ou trois allusions à la situation politique, certainement quelques références à leur carrière respective, mais c’est d’abord et avant tout d’un amour qu’il est question, des doutes et des angoisses que celui-ci comporte, des risques qu’il implique, à commencer par l’absence, temporaire ou définitive, mais aussi des émerveillements qu’il procure.
Dans le rôle de Pauline Julien, RoseAnne Déry est irrésistible. Elle rappelle la renarde, son énergie, sa fougue, mais sans jamais l’imiter. Les quelques chansons qu’elle entonne sont magnifiques ; on en aurait pris davantage. Dans la peau de Gérald Godin, Laury Huard est moins convaincant. Son physique évoque celui du mal peigné, mais il manque au personnage un peu de charisme. Quant à Yves Morin et Étienne Thibeault, ils baignent la représentation de notes et de sons, escortent délicatement l’action à coups de mélodies et de bruissements. En somme, de ce spectacle qui s’apparente à un cocon d’amour on s’arrache à regret.
Je ne te savais pas poète
Texte: Gérald Godin et Pauline Julien. Mise en scène: André-Luc Tessier. Une production de Tableau Noir. Dans le studio d’Espace libre jusqu’au 22 décembre.
Dans le rôle de Pauline Julien, Rose-Anne Déry est irrésistible. Elle rappelle la renarde, son énergie, sa fougue, mais sans jamais l’imiter.