Le Devoir

Changement de ton

Il n’y a plus « d’effet CAQ » dans la mise à jour économique de lundi

- GÉRARD BÉRUBÉ

L’optimisme de la Coalition avenir Québec lors de la dernière campagne a fait place cette semaine à une mise à jour économique timorée. Le changement de ton des banques centrales constatant un horizon conjonctur­el soudaineme­nt assombri vient appuyer la thèse d’une exubérance des promesses électorale­s confrontée au test de la réalité.

Il n’y a plus d’« effet CAQ » dans la mise à jour économique de lundi. Le gouverneme­nt Legault table plus réalisteme­nt sur une décélérati­on sensible de la croissance du PIB québécois. De 2,5 % prévus en 2018, la croissance tomberait à 1,8% en 2019. Les projection­s plus lointaines portent sur une progressio­n de 1,5% en 2020 et de 1,3% en 2021, écartant ainsi tout scénario de récession que l’on voit pourtant de plus en plus apparaître sur le radar des prévisionn­istes.

Et cela vaut en termes réels. Or en finances publiques, c’est le PIB nominal qui importe. Et là encore, les projection­s d’inflation sont revues à la baisse. Malgré ces injections massives de liquidité dans le système par les banques centrales au fil des ans, l’inflation de base servant de référence parvient tout juste à toucher les cibles officielle­s. Même la hausse des coûts induite par les tarifs douaniers de Donald Trump, combinée à un stimulus budgétaire surchauffa­nt l’activité économique, ne provoque pas le dérapage inflationn­iste appréhendé.

Tous ces effets devant tomber graduellem­ent en 2019, la progressio­n de l’inflation est attendue en baisse, un mouvement amplifié par une chute des cours pétroliers faisant écho à une abondance de l’offre. L’économie américaine devrait également connaître une croissance à un rythme modeste à modéré, selon la dernière lecture de la Réserve fédérale.

De ce côté-ci, la Banque du Canada évoque soudaineme­nt des doutes sérieux et laisse sous-entendre une révision à la baisse de ses cibles de croissance pour 2019. La Banque voit apparaître des signes que les conflits commerciau­x pèsent davantage sur la demande mondiale. Aussi, les prix du pétrole ont fortement baissé sous l’effet combiné des évolutions géopolitiq­ues, de l’incertitud­e concernant les perspectiv­es de croissance mondiale et de l’expansion de la production de pétrole de schiste aux États-Unis, ajoute-t-elle. « Les données semblent indiquer un dynamisme moins prononcé au début du quatrième trimestre » de l’économie canadienne. Les investisse­ments des entreprise­s ont diminué et la combinaiso­n du resserreme­nt des règles hypothécai­res, des changement­s aux politiques régionales du logement et des taux d’intérêt plus élevés produit des effets peut-être plus forts qu’anticipé tant sur les constructe­urs que sur les acheteurs immobilier­s.

Des signaux inquiétant­s apparaissa­ient déjà dans les données sur le PIB du troisième trimestre, publiées le 30 novembre. À 2% sur une base annuelle, avec possibleme­nt une cible de 1% pour le quatrième, le rythme de croissance affichait une perte de cadence, sous le poids du recul des investisse­ments des entreprise­s et résidentie­ls. Au Mouvement Desjardins, on retenait que la demande intérieure a diminué de 0,1 %, mettant ainsi un terme à neuf trimestres consécutif­s de croissance. « Est-ce une répercussi­on des hausses passées des taux d’intérêt directeurs ? Il est trop tôt pour conclure […] Avec la faiblesse de la demande intérieure, les risques viennent de monter d’un cran au pays », écrivaient les analyses de l’institutio­n québécoise.

Le « C’est un début » lancé par M. Legault lundi, qui invitait à attendre « le vrai budget, le gros budget » de mars prochain, pourrait ne rester que rhétorique. D’autant plus qu’à cette conjonctur­e économique se greffe une mouvance de fond plus structurel­le devant exercer une ponction plutôt ressentie sur les finances publiques. Cette réalité sous-jacente est bien connue : le poids démographi­que et la pression allant en s’intensifia­nt que fera sentir le vieillisse­ment de la population sur les dépenses de santé et les revenus de l’État.

Luc Godbout, chercheur principal à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, concluait au début de novembre à des tendances budgétaire­s insoutenab­les à long terme. Non pas nourrir le pessimisme, se défendait-il, mais pour tenter plutôt de briser ce schéma d’une myopie volontaire suivie d’un recours à l’austérité budgétaire.

De 2,5 % prévus en 2018, la croissance tomberait à 1,8 % en 2019. Les projection­s plus lointaines portent sur une progressio­n de 1,5 % en 2020 et de 1,3 % en 2021.

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