Le Devoir

Yourcenar intime

Un livre fait découvrir la femme derrière l’oeuvre

- CAROLINE MONTPETIT

Marguerite Yourcenar Portrait intime ★★★ 1/2 Achmy Halley, Flammarion, Paris, 2018, 208 pages

Son nom évoque le classicism­e et l’érudition. Mais Marguerite Yourcenar puisait aussi dans la magie, celle des voyages comme celle, plus prosaïque, de la cuisine, pour écrire ses romans.

C’est ce que dévoile le très beau Marguerite Yourcenar. Portrait intime, qu’Achmy Halley signe chez Flammarion.

Au fil des pages et des photos, on y découvre une femme proche de la vie, foncièreme­nt marginale et écologiste avant l’heure, notamment dans le cadre des décennies passées sur l’île de Mount Desert, au large du Maine, aux États-Unis, en compagnie de sa compagne Grace Fricks. Làbas, les deux femmes sont perçues comme des «hippies avant la lettre», militantes pacifistes et écologiste­s, ne mangeant pas de viande.

Première femme à avoir été reçue à l’Académie française, elle regrettait d’être devenue du même souffle une vedette «ennuyeuse» plutôt qu’une femme qui tente de capter la réalité. Elle se définissai­t comme «un être qui se sent perpétuell­ement brûler ».

Yourcenar est l’anagramme de son vrai nom (Marguerite de Crayencour). C’est un nom que l’écrivaine a choisi à l’âge de 18 ans, en 1921, lorsque son père lui offre en cadeau l’édition de son premier livre, un poème, Le jardin des chimères. Yourcenar ne deviendra son nom officiel qu’en 1947, lorsqu’elle prendra la nationalit­é américaine.

Pour Marguerite Yourcenar, écrire est un artisanat complexe, fait de sensibilit­é, d’érudition et de magie. Elle-même dit qu’elle a écrit Les mémoires d’Hadrien avec un pied «dans l’érudition, un pied dans la magie». Pour elle, la littératur­e se rapproche de la cuisine.

« Écrire un grand livre c’est comme faire frire un plat de poisson ou un ragoût de légumes. C’est mettre toute l’attention, tout le talent, toute la bonne volonté dont on est capable, dans une seule action», disait-elle. De la même façon qu’elle s’arrête de pétrir la pâte à pain lorsque celle-ci est prête, elle sait quand son texte est à point.

«Faire son pain est comme écrire. La main doit sentir quand la pâte est prête et qu’il faut arrêter de la travailler. Il en est ainsi d’une page, d’une phrase », dit-elle.

Marguerite Yourcenar considérai­t que L’oeuvre au noir était son meilleur livre. Pourtant, son plus célèbre est sans doute Les mémoires d’Hadrien, qui s’immisce dans la vie de l’empereur romain.

Dans sa maison de Petite-Plaisance, sur l’île de Mount Desert, elle avait décoré deux abat-jour d’inscriptio­ns grecques et latines alors que mûrissait lentement cette oeuvre.

Même si elle disait être «avant tout la femme des voyages», Yourcenar a dû s’immobilise­r durant de longues années à Petite-Plaisance durant la maladie qui a dévoré sa compagne Grace Fricks. «Elle est ma famille pour le moment», avaitelle dit de Grace durant cette maladie. Après le décès de Grace, Yourcenar vivra de nouvelles amours, tourmentée­s elles aussi, avec le jeune Jerry Wilson, qui décédera finalement du sida.

Yourcenar s’éteindra pour sa part en décembre 1987, après l’écriture du dernier tome de ses chroniques familiales: Quoi? L’éternité.

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SILVIA BARON SUPERVIELL­E Au fil des pages et des photos du livre d’Achmy Halley, on découvre une femme proche de la vie, foncièreme­nt marginale et écologiste avant l’heure.
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