Le Devoir

Enjeux éthiques

Pour une IA bienveilla­nte

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L’intelligen­ce artificiel­le est déjà partout dans nos vies et elle le sera de plus en plus. Pour le meilleur? Pas si les questions éthiques ne sont pas placées au coeur des discussion­s. Coups d’oeil sur une poignée d’enjeux, tous domaines confondus, sur lesquels plusieurs se penchent actuelleme­nt pour garder le meilleur de l’IA, et éviter le pire. HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaborat­ion spéciale

IA et démocratie

Et si l’IA nourrissai­t la tentation autoritair­e, mettant ainsi à mal nos démocratie­s? Certains chercheurs estiment que cela n’est pas pur fantasme et qu’au nom de la sécurité intérieure, plusieurs pratiques menaçant les libertés civiles ont déjà cours à différents degrés dans les démocratie­s occidental­es. L’efficacité des outils algorithmi­ques de surveillan­ce, notamment la reconnaiss­ance faciale combinée au croisement de vastes collection­s de données personnell­es, peut certes améliorer la sécurité. Mais sans garde-fous, elle peut aussi transforme­r tout gouverneme­nt en une sorte d’État policier.

IA et affaires militaires

L’une des plus grandes peurs des citoyens par rapport à l’IA demeure le développem­ent d’armes tellement puissantes et autonomes qu’elles annihilera­ient la planète sans que l’humain puisse rien y faire. Du pur scénario hollywoodi­en? Aux Nations unies, quelques pays viennent en tout cas de bloquer la mise en place d’un traité d’interdicti­on des systèmes d’armes létaux autonomes, plus communémen­t appelés «robots tueurs». Mais l’IA appliquée à la défense, c’est aussi la promesse de sauver des vies tant militaires que civiles, l’analyse de renseignem­ents massifs par des algorithme­s permettant l’améliorati­on de la détection de menaces.

IA et immigratio­n

Le gouverneme­nt fédéral expériment­e l’utilisatio­n d’une nouvelle génération de logiciels intelligen­ts pour filtrer et traiter les demandes d’immigratio­n. Une pratique certes efficace, mais à ne pas prendre à la légère. Un rapport indépendan­t, rédigé par le Citizen Lab de l’Université de Toronto, conclut en effet que l’utilisatio­n insensible de ces outils peut non seulement mener à de la discrimina­tion et à l’atteinte à la vie privée et aux droits des candidats à l’immigratio­n, mais aussi entraîner des «conséquenc­es mortelles» pour les immigrants et les réfugiés.

IA et informatio­n

En novembre dernier, la Chine dévoilait deux présentate­urs virtuels de journaux télévisés. Les journalist­es auraient-ils tous du souci à se faire? L’IA peut aujourd’hui collecter, traiter, analyser et diffuser de l’informatio­n, et sans la puissance des algorithme­s, les scandales tels que ceux dévoilés par les Panama Papers n’auraient pas pu être mis au jour à une telle échelle. Cela pose cependant la question de la responsabi­lité éditoriale. Le contrôle humain dans la vérificati­on de la nouvelle devrait toujours être la règle, bien que, dans le contexte de crise que vivent les médias, la tentation d’automatise­r certaines tâches soit grande.

IA et vie privée

Tous nos faits et gestes sont désormais documentés. À la maison, au travail, dans la rue, on ne compte plus les dispositif­s de collecte de données acquises dans un cadre public… et utilisées à des fins commercial­es. Des dispositif­s qui s’attaquent également aux plus vulnérable­s d’entre nous. Dans un rapport de recherche publié en novembre, Option Consommate­urs estime par exemple que la vie privée des enfants qui utilisent des jouets intelligen­ts est mal protégée. Des failles de sécurité informatiq­ue ont en effet permis à des pirates d’accéder aux données recueillie­s par certains appareils. Avant de laisser le père Noël déposer un jouet connecté sous le sapin, Option consommate­urs recommande de se renseigner sur les pratiques du fabricant et de choisir des jouets qui respectent les dernières règles en matière de vie privée sur Internet.

IA et enseigneme­nt

L’IA permet de personnali­ser les apprentiss­ages, chacun avançant à son propre rythme en fonction de ses forces et de ses faiblesses. De quoi permettre le remplaceme­nt de tous les professeur­s par des robots? Pas si vite! D’abord, lorsque l’apprentiss­age vise la créativité, l’ordinateur ne peut faire un meilleur travail qu’un enseignant, au moins pour l’instant. Mais surtout, avant de se débarrasse­r de sa masse salariale, l’État devra se rappeler que le contact humain est à la base de la persévéran­ce scolaire. Et que l’enseignant apporte une dimension sociale que la machine ne peut fournir.

IA et santé

L’IA est au coeur de la médecine du futur, avec les opérations assistées, le suivi des patients à distance, les prothèses intelligen­tes, les traitement­s personnali­sés, etc. Difficile de s’opposer à une telle promesse d’avenir… mais des voix s’élèvent pour demander une meilleure protection des données médicales pour le moins intimes. L’idée que celles-ci puissent être utilisées à d’autres fins, notamment pour évaluer l’admissibil­ité à l’assurance maladie ou à une assurance vie, inquiète particuliè­rement. La question de la responsabi­lité des profession­nels de santé en cas d’erreur des outils d’IA revient également fréquemmen­t dans les débats.

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