Le Devoir

La tension avec la Chine grimpe d’un cran

Un ex-diplomate canadien emprisonné en Chine à la suite de l’arrestatio­n au Canada d’une dirigeante de Huawei

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

L’arrestatio­n d’un ancien diplomate canadien en Chine « préoccupe » le gouverneme­nt canadien. Si les troupes de Justin Trudeau ne précisent pas pour l’instant s’il s’agit de représaill­es, à la suite de l’arrestatio­n à Vancouver d’une dirigeante de la compagnie chinoise Huawei, les experts en sécurité nationale estiment que c’est fort probable, compte tenu des menaces brandies par les Chinois depuis.

« Nous prenons très au sérieux le cas d’un Canadien arrêté en Chine», a soutenu le premier ministre Justin Trudeau, précisant que le gouverneme­nt canadien était en contact avec les autorités chinoises. Le ministère des Affaires étrangères a indiqué qu’il offrait également des services consulaire­s à la famille de cet ancien diplomate, Michael Kovrig. Mais pour le reste, le fédéral s’est abstenu de tout autre commentair­e en invoquant la Loi sur la protection des renseignem­ents privés. Impossible de savoir dans quelle ville se trouve M. Kovrig, dans quel État ou les accusation­s qui sont portées contre lui.

Michael Kovrig a été vice-consul au consulat canadien de Pékin, de 2014 à 2016, avant de travailler au consulat de Hong Kong, selon ce que révèle son profil LinkedIn. Il avait depuis rejoint l’organisati­on Internatio­nal Crisis Group, où il travaillai­t à titre d’expert en affaires étrangères et en sécurité dans les pays d’Asie du Nord-Est comme la Chine, le Japon et la péninsule coréenne. L’organisati­on internatio­nale a dénoncé, mardi, que M. Kovrig soit détenu en Chine. « Nous faisons tout notre possible pour obtenir d’autres informatio­ns afin de savoir où se trouve Michael et pour assurer sa libération rapide », a fait valoir l’ONG belge par communiqué.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, n’a pas voulu s’avancer sur un lien possible entre l’arrestatio­n de M. Kovrig et celle de la dirigeante financière de la compagnie de télécommun­ications Huawei à Vancouver il y a dix jours. « Il n’y a pas d’indication explicite à cet effet pour le moment. » Le gouverneme­nt chinois avait cependant très mal réagi et son vice-ministre des Affaires étrangères, Le Yucheng, avait prévenu qu’il y aurait de « graves conséquenc­es ».

Des précédents inquiétant­s

L’ancien ambassadeu­r canadien en Chine David Mulroney n’a pas voulu présumer lui non plus des raisons de la détention de Michael Kovrig — qu’il n’a pas côtoyé lorsqu’il travaillai­t à Pékin. Mais il s’est dit très inquiet à son tour, invitant le gouverneme­nt chinois

Le comporteme­nt passé de la Chine porte à croire qu’ils ne dédaignent pas de recourir à la prise d’otages

à clarifier la situation le plus rapidement possible. « Plusieurs personnes s’inquiètent de la situation dans laquelle elles se trouvent, dans un pays qui peut être aussi capricieux et vindicatif. » Le gouverneme­nt canadien n’a pas prévu l’évacuation de ses diplomates en poste, mais il réévalue l’avertissem­ent fourni aux voyageurs canadiens en Chine.

L’analyste en sécurité nationale Stephanie Carvin a elle aussi joué de prudence en attendant de savoir les raisons de l’arrestatio­n de M. Kovrig. « Mais la séquence des événements est extrêmemen­t suspecte, puisque la Chine faisait des menaces de représaill­es », observe cette professeur­e adjointe à l’Université Carleton. «Le comporteme­nt passé de la Chine porte à croire qu’ils ne dédaignent pas de recourir à la prise d’otages. » Un couple de Canadiens de Vancouver avait été arrêté en 2014, peu après l’arrestatio­n d’un Chinois en sol canadien qui faisait l’objet d’une demande d’extraditio­n des États-Unis. Le couple Kevin et Julia Garratt avait été accusé d’espionnage.

L’arrestatio­n cette fois-ci d’un ancien diplomate est cependant d’autant plus préoccupan­te pour David Mulroney, qui prédit que plusieurs pays sont du même avis. «Les diplomates doivent pouvoir faire leur travail. Ils représente­nt l’État qui les envoie et devraient être en sécurité, même après leur affectatio­n. »

STEPHANIE CARVIN

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Michael Kovrig

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