Ottawa n’appréhende pas de retour massif de djihadistes
Ils étaient une soixantaine et cela n’a pas changé au cours de la dernière année. Le nombre de Canadiens revenus au pays après être partis faire le djihad à l’étranger n’a pas bougé, et le Canada ne s’attend pas à ce qu’il bouge non plus : ceux qui manquent à l’appel n’ont aucune intention de revenir parce qu’ils adhèrent toujours à la cause ou alors ne reviendront pas parce qu’ils ont été tués.
C’est la conclusion à laquelle arrive le rapport annuel de 2018 sur la menace terroriste pour le Canada. « Le Canada n’a pas connu et ne s’attend pas à connaître d’afflux important de retours parmi les voyageurs extrémistes affiliés à Daesh [groupe État islamique]. Bon nombre de ces personnes ont été tuées ou capturées en Syrie et en Irak, et elles seront nombreuses à demeurer à l’étranger en raison de leur engagement continu pour la cause. Parmi les VEC [voyageurs extrémistes canadiens] qui y restent, quelquesuns seulement ont exprimé ouvertement la volonté de retourner au Canada. »
Le Canada estime qu’il y a encore environ 190 VEC se trouvant en ce moment à l’étranger, « dont en Syrie et en Irak, en Turquie, en Afghanistan, au Pakistan et en Afrique du Nord et de l’Est ». Certains, ayant été capturés et emprisonnés par les Kurdes, ont manifesté, lors d’entrevues avec le réseau Global, le désir de revenir au Canada. Jusqu’à présent, le Canada n’a pas tenté de les rapatrier. Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a indiqué qu’il n’imiterait pas la France, qui envisage de rapatrier les jeunes enfants des combattants coincés là-bas. « C’est problématique parce que vous créez presque instantanément une génération d’orphelins. »
Quant à la soixantaine revenus au pays par leurs propres moyens, le ministère de la Sécurité publique indique que quatre d’entre eux ont fait l’objet d’accusations. Deux individus, Ismael Habib et Kevin Omar Mohamed, ont été condamnés tandis que les deux autres, Pamir Hakimzadeh et Rehab Dughmosh, sont encore en procès. Le rapport mentionne par ailleurs que, depuis 2013, date à laquelle le Code criminel a été modifié pour ériger en crime le fait de quitter ou de tenter de quitter le pays pour aller commettre des actes terroristes à l’étranger, 12 personnes ont été accusées à ce titre. Du lot, trois ont été condamnées, deux se sont fait imposer un engagement à ne pas troubler l’ordre public et deux sont en attente d’un procès.
À la Chambre des communes, l’opposition conservatrice a reproché au gouvernement de Justin Trudeau d’accorder plus d’importance à la réadaptation de ces combattants qu’à leur judiciarisation, ce qui a fait sortir le ministre Goodale de ses gonds. « Sous le précédent gouvernement, époque à laquelle la plupart de ces gens sont revenus, aucune accusation n’a été déposée. Aucune. »