Le Devoir

Droit de la famille : LeBel veut des consultati­ons

La ministre de la Justice entend mener à terme une réforme complète

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

La réforme longuement attendue du droit de la famille ne fera pas l’économie de consultati­ons publiques. La ministre de la Justice, Sonia LeBel, veut ainsi s’assurer que le dossier sort des discussion­s d’experts pour mesurer s’il y a consensus social autour de certaines questions.

Le rapport du Comité consultati­f sur le droit de la famille présenté au gouverneme­nt en juin 2015 sera la « base de travail » du projet de réforme auquel songe Québec, a confié la ministre en entrevue au Devoir la semaine dernière. Mais les 600 pages et quelque 80 recommanda­tions du document ont besoin d’être confrontée­s, pense Mme LeBel.

« Dans différents champs d’interventi­on, le rapport pose des questions et le groupe de travail [présidé par le juriste Alain Roy] amène des réponses. Je ne dis pas que ce ne sont pas les bonnes réponses. Mais je dis qu’il faut quand même, comme société, se poser des questions. Je ne peux pas prendre ça comme un tout avéré dans un consensus social et le transcrire dans un projet de loi immédiat. »

C’est le gouverneme­nt Marois qui avait mis sur pied le comité consultati­f dans la foulée d’un jugement de la Cour suprême (Lola c. Éric), mais c’est le gouverneme­nt Couillard qui a reçu le volumineux rapport. Et ce dernier fut tabletté.

En 2016, l’ancienne ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, avait tenté en vain de convaincre le Conseil des ministres d’élaborer « un document de consultati­on basé sur les recommanda­tions du rapport, lequel ferait l’objet d’une consultati­on publique ». Mme Vallée souhaitait un budget de près de 400 000 $ pour mener à terme ces travaux.

C’est ce travail que promet maintenant de faire Sonia LeBel. Celle-ci a bien noté que la Chambre des notaires a mené le printemps dernier sa propre tournée de consultati­ons citoyennes (coprésidée­s par Alain Roy). Mais il faut faire plus, pense-t-elle.

« Ça a montré une certaine adhésion, mais il faut voir aussi combien de personnes ont été rejointes », fait valoir Mme LeBel.

« Surtout, c’est encore à mon goût un peu trop l’apanage d’experts. Ce n’est pas que les experts n’ont rien à dire, mais une fois qu’ils se sont prononcés, c’est un changement de paradigme social qui touche monsieur et madame Tout-le-Monde dans leur quotidien le plus vulnérable. » D’où l’idée de consulter plus largement.

Droit désuet

Voilà des années que les appels à une réforme du droit de la famille se multiplien­t. Le Code n’a plus été retouché en profondeur depuis 1980, alors que le visage du Québec social et démographi­que a complèteme­nt changé.

Aux yeux de l’immense majorité des experts du domaine, le droit québécois n’arrive plus à répondre adéquateme­nt aux situations qui sont soumises aux tribunaux.

Dans les dernières années, de nombreux jugements ont reflété le décalage entre la structure familiale moderne et le droit québécois.

Par ses ramificati­ons — parentalit­é, filiation, concubinag­e, partage du patrimoine, etc. —, le sujet touche essentiell­ement toute la population. Et il occupe une part importante des activités judiciaire­s : plus de la moitié des dossiers ouverts chaque année à la Cour supérieure concernent le droit de la famille.

Thématique­s

Mais pour éviter que l’ampleur du chantier proposé par le rapport Roy n’écrase la réflexion (le gouverneme­nt Couillard avait avoué ne pas savoir « par quel bout prendre ça »), la ministre LeBel proposera de travailler par thématique­s.

« Je suis en train de regarder avec mes équipes sur quels sujets on va faire les consultati­ons, car je ne veux pas une consultati­on [trop large]. Autrement, on n’en sortira plus, et on va se retrouver en 2022 encore en train de consulter. Les consultati­ons peuvent être ciblées. Je pense qu’on peut avancer sur certains blocs qui font plus consensus. »

Pour ces sujets dont elle « fait présenteme­nt le recensemen­t », la ministre fait valoir que « le processus habituel des commission­s parlementa­ires » serait suffisant. Pour les autres — elle parle notamment de la question des obligation­s mutuelles entre conjoints de fait —, elle souhaite « rejoindre les citoyens ».

Tout ceci pour en arriver à une « réforme globale » avant la fin du mandat du gouverneme­nt Legault. «C’est vraiment mon objectif », dit-elle.

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