Droit de la famille : LeBel veut des consultations
La ministre de la Justice entend mener à terme une réforme complète
La réforme longuement attendue du droit de la famille ne fera pas l’économie de consultations publiques. La ministre de la Justice, Sonia LeBel, veut ainsi s’assurer que le dossier sort des discussions d’experts pour mesurer s’il y a consensus social autour de certaines questions.
Le rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille présenté au gouvernement en juin 2015 sera la « base de travail » du projet de réforme auquel songe Québec, a confié la ministre en entrevue au Devoir la semaine dernière. Mais les 600 pages et quelque 80 recommandations du document ont besoin d’être confrontées, pense Mme LeBel.
« Dans différents champs d’intervention, le rapport pose des questions et le groupe de travail [présidé par le juriste Alain Roy] amène des réponses. Je ne dis pas que ce ne sont pas les bonnes réponses. Mais je dis qu’il faut quand même, comme société, se poser des questions. Je ne peux pas prendre ça comme un tout avéré dans un consensus social et le transcrire dans un projet de loi immédiat. »
C’est le gouvernement Marois qui avait mis sur pied le comité consultatif dans la foulée d’un jugement de la Cour suprême (Lola c. Éric), mais c’est le gouvernement Couillard qui a reçu le volumineux rapport. Et ce dernier fut tabletté.
En 2016, l’ancienne ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, avait tenté en vain de convaincre le Conseil des ministres d’élaborer « un document de consultation basé sur les recommandations du rapport, lequel ferait l’objet d’une consultation publique ». Mme Vallée souhaitait un budget de près de 400 000 $ pour mener à terme ces travaux.
C’est ce travail que promet maintenant de faire Sonia LeBel. Celle-ci a bien noté que la Chambre des notaires a mené le printemps dernier sa propre tournée de consultations citoyennes (coprésidées par Alain Roy). Mais il faut faire plus, pense-t-elle.
« Ça a montré une certaine adhésion, mais il faut voir aussi combien de personnes ont été rejointes », fait valoir Mme LeBel.
« Surtout, c’est encore à mon goût un peu trop l’apanage d’experts. Ce n’est pas que les experts n’ont rien à dire, mais une fois qu’ils se sont prononcés, c’est un changement de paradigme social qui touche monsieur et madame Tout-le-Monde dans leur quotidien le plus vulnérable. » D’où l’idée de consulter plus largement.
Droit désuet
Voilà des années que les appels à une réforme du droit de la famille se multiplient. Le Code n’a plus été retouché en profondeur depuis 1980, alors que le visage du Québec social et démographique a complètement changé.
Aux yeux de l’immense majorité des experts du domaine, le droit québécois n’arrive plus à répondre adéquatement aux situations qui sont soumises aux tribunaux.
Dans les dernières années, de nombreux jugements ont reflété le décalage entre la structure familiale moderne et le droit québécois.
Par ses ramifications — parentalité, filiation, concubinage, partage du patrimoine, etc. —, le sujet touche essentiellement toute la population. Et il occupe une part importante des activités judiciaires : plus de la moitié des dossiers ouverts chaque année à la Cour supérieure concernent le droit de la famille.
Thématiques
Mais pour éviter que l’ampleur du chantier proposé par le rapport Roy n’écrase la réflexion (le gouvernement Couillard avait avoué ne pas savoir « par quel bout prendre ça »), la ministre LeBel proposera de travailler par thématiques.
« Je suis en train de regarder avec mes équipes sur quels sujets on va faire les consultations, car je ne veux pas une consultation [trop large]. Autrement, on n’en sortira plus, et on va se retrouver en 2022 encore en train de consulter. Les consultations peuvent être ciblées. Je pense qu’on peut avancer sur certains blocs qui font plus consensus. »
Pour ces sujets dont elle « fait présentement le recensement », la ministre fait valoir que « le processus habituel des commissions parlementaires » serait suffisant. Pour les autres — elle parle notamment de la question des obligations mutuelles entre conjoints de fait —, elle souhaite « rejoindre les citoyens ».
Tout ceci pour en arriver à une « réforme globale » avant la fin du mandat du gouvernement Legault. «C’est vraiment mon objectif », dit-elle.