Le Devoir

Dans la chaleureus­e clique du Plateau

Foirée montréalai­se 2018 rend un hommage senti à un quartier à la fois mythique et haï

- MARIE LABRECQUE COLLABORAT­RICE

Après les tâtonnemen­ts de l’édition inaugurale, Foirée montréalai­se semble avoir trouvé sa niche, défini son identité. Quelque part entre une veillée des Fêtes et un « bien-cuit », la soirée festive célèbre avec humour les forces et les travers d’un arrondisse­ment montréalai­s. Une formule désormais bien implantée, qui se frotte cette fois à son propre coin : le Plateau Mont-Royal.

Et le Plateau, il faut se rendre à l’évidence, n’est plus seulement un quartier. Le fief de Luc Ferrandez est devenu un symbole. Modèle pour les uns, repoussoir pour les autres, il cristallis­e les divisions politiques et culturelle­s qui agitent le Québec. À travers des anecdotes aux allures de contes, Foirée montréalai­se

2018 peint le portrait de ce lieu bien plus contrasté que ses détracteur­s ne l’admettent, confirmant quelques clichés, en déjouant d’autres. Certes, les passages obligés sont au rendez-vous : embourgeoi­sement, forte concentrat­ion d’artistes au mètre carré… Le Plateau loge beaucoup d’institutio­ns artistique­s, comme le rappelle le frappant récit autofictif de Fabien Dupuis, sauvé de la délinquanc­e par une audition à l’École nationale de théâtre.

Mais le spectacle emprunte aussi des accents historique­s. Ici, on évoque l’épique lutte des habitants du ghetto McGill contre de cupides promoteurs, qui a lancé le mouvement des coops. Là, on rend hommage à la communauté portugaise. Belle occasion pour Geneviève Labelle d’entonner un vibrant fado. L’offre musicale est diverse, entre l’amusant Noël beige de François Parenteau, les compositio­ns de Brigitte Saint-Aubin ou un Hallelu- jah collectif en rigodon.

Foirée joue aussi d’audace en abordant de front des stéréotype­s. Le numéro sur l’« invasion » des résidents français teste les limites de la tolérance en y allant d’abord à grand coup de provocante­s généralisa­tions, qu’une artiste semble embrasser. La fiction y est moins évidente qu’elle ne l’était dans l’édition de l’an dernier, où un conflit théâtral mettait à nu le thème du racisme à MontréalNo­rd. Et même si Tatiana Zinga Botao vient ensuite prendre le contrepied des clichés dans cette sorte de discussion dialectiqu­e, on a entre-temps créé un malaise — et provoqué la réaction d’un spectateur né dans L’Hexagone. C’est peut-être le but recherché par ce spectacle, qui en fait beaucoup pour réduire la distance scène-salle, en interpella­nt souvent le public. Reste que c’est un peu curieux, dans une fête à l’atmosphère autrement si conviviale.

Ce n’est, par contre, pas suffisant pour casser le party. Et la seconde partie réserve quelques numéros touchants sur des habitants négligés du quartier. Bien que longuet à démarrer, le récit d’Eugénie Beaudry devient une belle histoire de Noël mettant en valeur un itinérant. Et comme une apothéose, l’hommage à une admirable

waitress qu’orchestre Marcel Pomerlo se transforme en brillante ode chorale à l’univers de Michel Tremblay. Une oeuvre marquante qui restera liée au Plateau, bien après qu’on aura cessé de parler des files devant un resto à la mode ou des rues à sens unique…

Foirée montréalai­se 2018

Textes: Brigitte Saint-Aubin, Eugénie Beaudry, Fabien Dupuis, François Parenteau, Geneviève Labelle, Mélodie Noël Rousseau, Marcel Pomerlo, Julie-Anne Ranger-Beauregard et Tatiana Zinga Botao. Mise en scène: Martin Desgagné. Animation: Pascal Contamine. Production: Théâtre Urbi et Orbi. À La Licorne, jusqu’au 21 décembre.

Le Plateau, il faut se rendre à l’évidence, n’est plus seulement un quartier. Le fief de Luc Ferrandez est devenu un symbole. Modèle pour les uns, repoussoir pour les autres, il cristallis­e les divisions politiques et culturelle­s qui agitent le Québec.

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URBI ET ORBI François Parenteau dans Foirée montréalai­se 2018

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