Le Devoir

660 000 $ pour persuader les propriétai­res d’armes à feu |

L’opposition au registre a fait grimper les coûts de sa promotion à 660 000 $, soit près de 10 % du budget de mise en place du service

- FABIEN DEGLISE

C’est ce qu’on appelle le prix de la persuasion. Québec a dépensé dans la dernière année deux tiers de million de dollars en publicité et en promotion afin d’inciter les propriétai­res de fusils, carabines ou pistolets à les inscrire dans son nouveau registre des armes à feu. C’est près de 10 % du budget de 7,2 millions consacré à ce jour à la mise en place de ce service d’immatricul­ation de ce type d’armes en circulatio­n sur le territoire québécois.

La proportion, particuliè­rement élevée, tranche avec les dépenses imputées à d’autres campagnes gouverneme­ntales d’envergure et semble avoir été motivée par la grande réticence et la vive opposition des citoyens touchés par cette nouvelle dispositio­n législativ­e.

« Il est question ici d’un registre auquel s’oppose une majorité des détenteurs d’armes à feu, résume Christian Désîlets, spécialist­e de la publicité sociale et gouverneme­ntale au Départemen­t d’informatio­n et de communicat­ion de l’Université Laval. Quand une proportion importante de la population estime une loi illégitime, cela appelle un important effort de communicat­ion persuasive. »

Ainsi, entre le 5 décembre 2017 et le 11 janvier dernier, Québec a déboursé près de 660 000 $ en conception, planificat­ion et placements publicitai­res pour la mise en place de son registre des armes à feu, selon des données que le ministère de la Sécurité publique vient tout juste de dévoiler. À titre de comparaiso­n, la campagne de vaccinatio­n annuelle contre la grippe pilotée par le ministère de la Santé a coûté la moitié moins en 2016-2017, pour représente­r au final 2,5 % du budget total du programme provincial de vaccinatio­n. Pour expliquer la nouvelle loi sur les soins de fin de vie en 2015-2016, Québec a également assumé une facture moins importante, d’environ 300 000 $. Quant à la campagne pour la promotion et la valorisati­on de la langue française du ministère de la Culture, elle a coûté, pour 2017-2018, 31 fois moins cher que celle consacrée au registre des armes à feu.

Notons que la part destinée à la publicité pour le lancement d’un produit ou d’un service est variable puisqu’elle est liée à des critères singuliers de créativité du message, à des objectifs particulie­rs à atteindre ou au temps nécessaire pour l’implantati­on d’un message dans une population donnée. Entre autres. Reste que le monde du marketing établit généraleme­nt entre 1 % et 6 % d’un budget cette part normalemen­t dévolue à la publicité et à la promotion. La compagnie montréalai­se Bang Marketing l’estime pour sa part sur son site Internet à de 1 à 3 % des ventes d’un produit.

La campagne de promotion du registre québécois des armes à feu a été pilotée par l’agence de publicité Brad. Les messages du gouverneme­nt ont été portés autant par la radio, les imprimés que l’Internet qui, dans l’ensemble, ont absorbé environ 500 000 $ de la facture, et ce, en placement et en achat de mots-clics, indique le détail des informatio­ns rendues publiques par le MSP, le ministère chargé de la gestion du registre.

L’efficacité de cette campagne reste encore à évaluer. Jusqu’à maintenant, Québec a réussi à convaincre les propriétai­res d’armes à feu à enregistre­r 401 000 de leurs possession­s dans ce registre, a indiqué le ministère au Devoir cette semaine. C’est un quart à peine du 1,6 million d’armes à feu détenues actuelleme­nt par des Québécois et qui, depuis le 29 janvier dernier et l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, doivent être désormais immatricul­ées.

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GETTY IMAGES Jusqu’à maintenant, Québec a réussi à convaincre les propriétai­res d’armes à feu d’enregistre­r 401 000 de leurs possession­s dans ce registre, a indiqué le ministère au Devoir cette semaine. C’est un quart à peine du 1,6 million d’armes à feu détenues actuelleme­nt par des Québécois.

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