Le Devoir

Nous, francophon­es, que voulons-nous faire ensemble ?

-

Clément Duhaime Administra­teur de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie de 2006 à 2015 Benjamin Boutin Président de Francophon­ie sans frontières Esther Djossa Co-porte-parole du Parlement francophon­e des Jeunes

La francophon­ie est née il y a cinquante ans d’une idée simple : faire du français un outil de coopératio­n internatio­nale au service du développem­ent.

Aujourd’hui, les 300 millions de locuteurs et les 80 millions d’apprenants du français à travers le monde forment une communauté de langue et de destin qui n’a pas dit son dernier mot. Mais pour continuer à peser dans le monde, nous, francophon­es, devons être à l’initiative. Et cela commence par une question essentiell­e : que voulons-nous faire ensemble ?

L’éducation est le principal défi de la francophon­ie: dans la seule région de l’Afrique subsaharie­nne, plus de 30 millions d’enfants ne sont pas encore scolarisés. D’ici dix ans, il faudra recruter et former environ cinq millions d’enseignant­s pour répondre aux besoins démographi­ques de cette région.

L’Institut de la Francophon­ie pour l’éducation et la formation à Dakar peut aider à renforcer les compétence­s des enseignant­s et à favoriser la réussite scolaire. L’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie peut mettre son action diplomatiq­ue au service d’une grande ambition pour l’éducation, dans les forums internatio­naux, auprès des bailleurs de fonds, avec le Partenaria­t mondial pour l’éducation. Mais ce sont surtout les États et les gouverneme­nts qui sont appelés à s’engager fortement pour répondre à ce défi éducatif de grande ampleur.

Cet effort concerne aussi l’enseigneme­nt supérieur et la recherche. Comme l’observe la directrice générale de l’UNESCO, «80% des publicatio­ns scientifiq­ues sont en anglais ». L’Agence universita­ire de la francophon­ie doit intensifie­r son action en direction des publicatio­ns scientifiq­ues internatio­nales et poursuivre ses efforts pour mettre en place un portail numérique de cours et de séminaires certifiant­s en langue française.

Les pays de la francophon­ie sont mis au défi de renforcer les capacités entreprene­uriales des jeunes qui entreront bientôt sur le marché du travail par l’ouverture d’incubateur­s numériques, de pépinières d’entreprise­s, d’instituts techniques et technologi­ques, de coopérativ­es d’emploi et de production. L’enjeu est d’éviter la déconnexio­n de l’enseigneme­nt avec les besoins réels de l’économie.

À défaut, cet hiatus entre l’enseigneme­nt et l’emploi continuera à alimenter les migrations subies. Cette préoccupat­ion commune, dans une francophon­ie qui compte aussi bien des pays de départ, de transit que de destinatio­n des migrations, devrait nous encourager à coélaborer, au sein de nos instances multilatér­ales, des mécanismes légaux de mobilité temporaire.

Il existe un continuum entre le développem­ent durable, la mobilité organisée, les droits et les libertés, la démocratie et la paix. La raréfactio­n des ressources naturelles, l’élévation des températur­es, la désertific­ation et l’érosion côtière entravent le développem­ent et déstabilis­ent des régions entières.

Ce sont autant de phénomènes que subit le Sahel, région peuplée d’un demimillia­rd d’habitants, dont les deux tiers vivent de l’agricultur­e et de l’élevage. La francophon­ie doit accompagne­r la mobilisati­on des pays de la région. L’expertise de l’Institut de la Francophon­ie pour le développem­ent durable, situé à Québec, doit être mise pleinement à contributi­on dans la mise en oeuvre de ce plan, aux côtés de l’Alliance Sahel et de l’Union africaine.

La jeunesse, qui représente plus de la moitié de la population des pays de la francophon­ie, en est assurément la force motrice. Partant de ce constat, des programmes d’échanges et de mobilité autour de thématique­s mobilisatr­ices (forêt, accès à l’eau, propreté des océans, citoyennet­é…), favorisant le partage de bonnes pratiques et l’autonomisa­tion des jeunes et des femmes, sont requises.

Si un cultivateu­r burkinabé, Yacouba Sawadogo, est parvenu à planter seul une forêt de trente hectares dans la région sèche de Ouahigouya au Burkina Faso, imaginons ce qu’une cohorte de jeunes volontaire­s francophon­es dépositair­es de son savoir-faire pourrait réaliser dans l’optique d’arrêter le désert! Faire coopérer des jeunes parlant français de tous les pays permet aussi de leur donner un but et de créer un sentiment d’appartenan­ce à la francophon­ie.

Nous, francophon­es, devons également être à l’avant-garde des nouveaux combats pour la diversité culturelle et le pluralisme de l’informatio­n. Dans un espace géoculture­l mondial bouleversé par les technologi­es, la bataille pour l’accès et l’attractivi­té des contenus et des oeuvres d’expression française n’est pas perdue d’avance. Rien n’y fera, comme le dit Abdou Diouf, « tant que les responsabl­es politiques, les investisse­urs, ne seront pas convaincus du formidable potentiel économique des industries culturelle­s en langue française ».

En cette Semaine de la francophon­ie, aux quatre coins de la planète, soyons fiers de promouvoir haut et fort la richesse et l’expressivi­té de notre langue, dans tous les espaces de création, d’informatio­n, d’innovation, d’économie et de savoir !

 ?? ISSOUF SANOGO AGENCE FRANCE-PRESSE ?? En Afrique subsaharie­nne, plus de 30 millions d’enfants ne sont pas encore scolarisés.
ISSOUF SANOGO AGENCE FRANCE-PRESSE En Afrique subsaharie­nne, plus de 30 millions d’enfants ne sont pas encore scolarisés.

Newspapers in French

Newspapers from Canada