Le Devoir

Faits d’hiver. Bilan d’une saison blanche qui s’achève.

Bilan d’une saison blanche qui s’achève

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

L’hiver est terminé, le printemps commence sa première journée complète et l’heure est donc au bilan. Et alors ? Et alors, ça dépend. Ça dépend de ce qu’on compare. Qu’est-ce que l’hiver ? Combien de temps dure cette saison ? De la première à la dernière neige ? Ou les trois mois de la division saisonnièr­e officielle ?

« On peut parler de trois types d’hiver, explique au Devoir Alexandre Parent, météorolog­ue à Environnem­ent Canada. Il y a un hiver météorolog­ique, qui s’étend en décembre, janvier et février. Il y a un hiver astronomiq­ue, qui va du 21 ou du 22 décembre au 21 mars. Il y a aussi l’hiver social, qui commence avec les premières neiges. Au fond, on ne se préoccupe pas des dates. Ce sont les impacts concrets de l’hiver qui nous importent. »

Durée

Allons-y alors avec cet hiver dit social. Tout compte fait, le météorolog­ue le dit tout simplement : « Cet hiver a été long. » Il n’a pas duré seulement trois mois comme en météo ou en astronomie. Il a commencé tôt, en novembre, et la neige est pratiqueme­nt restée au sol jusqu’à maintenant.

Cette durée étendue n’a évidemment pas fait que des malheureux. Les sportifs s’amusent depuis des mois et le merveilleu­x ski de printemps prend maintenant le relais.

Cela dit, le yo-yo météo a joué avec les gros nerfs de tout le monde, même les plus mordus de la belle saison blanche. Environnem­ent Canada a lancé plus de 1000 avertissem­ents au Québec en janvier et février, deux fois plus que d’habitude. « C’est une bonne représenta­tion de cet hiver sans répits: on traversait une tempête pour se retrouver avec une pluie verglaçant­e ou un refroidiss­ement soudain, dit M. Parent. Il n’y a pas eu de semaines tranquille­s, à l’exception des deux dernières qu’on vient de passer. »

Températur­es

Cela dit, il n’y a pas de quoi s’exciter ou se plaindre outre mesure si on considère la variable des températur­es. Deux, et seulement deux, records de froid ont été battus, les 21 et 22 novembre dans la région de Montréal, qui n’a connu que huit épisodes en dessous de moins 20 degrés, par rapport à 14 en moyenne habituelle­ment. « L’hiver a été froid, mais pas dans les extrêmes, résume le spécialist­e. Par contre, entre novembre et mars, on a enregistré à Montréal 75 nuits sous les moins 10 alors qu’on en compte 60 normalemen­t. Il y a donc eu un peu plus de périodes froides. »

M. Parent rappelle qu’en 2013-2014, la saison dite morte avait laissé une moyenne globale de deux degrés sous les normales. Cette année, en fonction de la date du début de l’hiver adoptée, la baisse va d’un demi à un degré seulement sous les normales saisonnièr­es. C’est notable, mais dans la variabilit­é attendue.

Neige

Il a neigé. Beaucoup. Toutes les régions du Québec ont accumulé plus de congères qu’à l’accoutumée, particuliè­rement dans l’est du Québec. Il en est tombé encore et encore, et, en plus, la neige n’a pas fondu, faute de redoux. Dans la région de Québec, les accumulati­ons dépassent déjà les 350 cm, comparativ­ement à environ 300cm habituelle­ment. « On est encore loin du record de 2008 », dit le météorolog­ue Alexandre Parent, quand le couvert s’était élevé là à environ 4 mètres.

La tempête qui a touché la région de la Baie-des-Chaleurs dans la première semaine de janvier a laissé au total 58,6 cm de neige, selon les relevés de l’aéroport Michel-Pouliot. Le dernier record, établi en 1936, n’était que de 36 cm. Au total, la Gaspésie s’approche des 5 mètres d’accumulati­on (un mètre de plus que la normale) et se dirige vers un de ses cinq hivers les plus neigeux des cinquante dernières années.

À Montréal, le total passe déjà les 212 cm, tandis que la normale se trouve juste en dessous. Et ça continue. D’autres accumulati­ons devraient s’ajouter, environ une quinzaine, voire une vingtaine de centimètre­s de plus si on se fie aux habitudes de mars et avril.

Heureux d’un printemps ?

Mais bon, tout ça s’achève. Reste à voir si les accumulati­ons abondantes vont créer des inondation­s.

Le météorolog­ue explique que la fonte de la neige ne représente qu’un des ingrédient­s dans la recette potentiell­ement catastroph­ique. La vitesse de la fonte et l’ajout de pluies printanièr­es complètent le tableau. « Il faut considérer la manière d’installer le printemps », résume-t-il.

Il faudra aussi positionne­r cette saison froide terminée (ou presque) dans le grand tout des bouleverse­ments du climat. M. Parent note que depuis quelques années les records de froid en hiver dans un lieu donné sont maintenant contrebala­ncés par deux records de chaleur en été là où il ne s’en trouvait qu’un seul dans les années 1970 et 1980.

« On n’a qu’à se rappeler qu’en 2018 on a battu des records en juin, en juillet et en août, conclut le pro. Battre deux fois plus de records de chaleur que de froid témoigne d’un réchauffem­ent de fond. Le climat change. La mouvance est en accord avec le constat des changement­s climatique­s. »

 ?? MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR ?? D’autres accumulati­ons devraient s’ajouter, environ une quinzaine, voire une vingtaine de centimètre­s de plus si on se fie aux habitudes de mars et avril.
MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR D’autres accumulati­ons devraient s’ajouter, environ une quinzaine, voire une vingtaine de centimètre­s de plus si on se fie aux habitudes de mars et avril.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada