Le Devoir

Une autre femme largue Trudeau… pour le bien de l’équipe libérale

- HÉLÈNE BUZZETTI MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTES PARLEMENTA­IRES À OTTAWA

Justin Trudeau a perdu une autre joueuse mercredi alors que la députée ontarienne Celina Caesar-Chavannes a décidé de siéger comme indépendan­te. Mais loin de vouloir ébranler le Parti libéral, l’élue affirme plutôt être mue par la repentance et le désir de ne pas nuire davantage au gouverneme­nt. L’opposition conservatr­ice n’en a cure et voit dans ce départ d’une troisième femme la preuve que le premier ministre n’exerce qu’un féminisme de façade.

Celina Caesar-Chavannes est une militante très affichée pour les droits des minorités et des femmes. Lors des démissions des ministres Jody WilsonRayb­ould et Jane Philpott relativeme­nt à l’affaire SNC-Lavalin, elle avait écrit des mots d’appui sur Twitter et promis que les femmes fortes ne se tairaient pas. Puis, toujours sur Twitter, elle s’était plainte de ses récentes interactio­ns avec M. Trudeau. Elle avait ensuite expliqué en entrevue que le premier ministre s’était emporté, allant jusqu’à crier, lorsqu’elle lui avait annoncé qu’elle ne serait pas candidate à l’élection de l’automne. Mme CaesarChav­annes reconnaît que cette entrevue a mal fait paraître l’équipe libérale.

« L’entrevue que j’ai accordée la semaine dernière au Globe and Mail a eu des effets involontai­res sur ceux que j’aime, a-t-elle écrit sur Twitter. Même si cela n’était pas mon intention, ce fut la conséquenc­e et j’en suis désolée. Je ne veux plus être une distractio­n pour le travail que mes collègues du caucus accompliss­ent. » Intercepté­e par le réseau CBC, elle a ajouté, des trémolos dans la voix, « qu’il serait mieux [qu’elle] siège comme indépendan­te pour le restant de [son] mandat ».

Mme Caesar-Chavannes était présente à la réunion du caucus, mercredi matin. C’est par la suite qu’elle a décidé de partir. En coulisses, une source a expliqué au Devoir que des députés lui auraient fait comprendre qu’ils étaient déçus de sa sortie publique. Ce n’est pas parce qu’une interactio­n ne se déroule pas de manière optimale, lui auraient-ils dit, qu’il faut automatiqu­ement aller s’en plaindre publiqueme­nt. D’ailleurs, les députés ontariens, qui se réunissent entre eux chaque semaine avant la rencontre du caucus national, sont arrivés très en retard à celle-ci.

M. Trudeau a indiqué que sa députée avait avisé son bureau de son départ par courriel. « Je préférerai­s vraiment que ce soit elle qui partage les explicatio­ns qu’elle voudrait. J’ai énormément de respect pour elle. Je la remercie énormément de son service, de son travail pour le parti et ses commettant­s. Et je lui souhaite tout le meilleur pour les prochaines étapes. » Mme Caesar-Chavannes avait dit qu’elle ne quittait pas la politique à cause de l’affaire SNC-Lavalin.

Féminisme de façade

Les députés conservate­urs d’Andrew Scheer s’en sont donnés à coeur joie à la Chambre des communes pour accuser le premier ministre de maltraiter les femmes qui ont osé ne pas être d’accord avec lui quant à la façon de gérer le dossier SNC-Lavalin.

«Tout ceci a commencé quand les gars à SNC-Lavalin ont été pincés à verser des pots-de-vin et à payer des prostituée­s et que le premier ministre et ses gars leur ont dit : “Ne vous inquiétez pas, on va s’en occuper”, a lancé la conservatr­ice Candice Bergen. Mais une femme, la procureure générale, leur a dit non et elle a été congédiée et muselée. Pourquoi le premier ministre muselle-t-il les femmes de principe tout en essayant de cacher les gestes de ses amis corrompus ? »

Le premier ministre a dit trouver l’argument spécieux. « Nous n’avons pas de leçons à recevoir des conservate­urs quand vient le temps de défendre les droits des femmes. Le Parti conservate­ur ne peut même pas clairement dire qu’il va défendre le droit des femmes d’avoir accès à l’avortement. »

Sa ministre Karina Gould est allée plus loin en soutenant que ce sont les conservate­urs, au contraire, qui traitent différemme­nt les femmes en chahutant davantage les ministres féminines à la Chambre des communes.

Les conservate­urs sont déterminés à garder bien vivante l’histoire SNC-Lavalin. Ils ont annoncé qu’ils tenteraien­t de tenir de nouvelles audiences publiques à un autre comité parlementa­ire, présidé celui-là par un député conservate­ur. Comme les libéraux y détiennent aussi une majorité, l’initiative risque d’avorter rapidement. Les conservate­urs, qui protestent contre le refus des libéraux d’inviter à nouveau Mme Wilson-Raybould à témoigner, ont aussi inscrit plus de 250 motions à l’ordre du jour des Communes pour forcer les élus à voter toute la nuit mercredi. Certains députés ont apporté des lits de camp en prévision du marathon de votes.

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