Les éditeurs crient à la censure
L’auteur de Hansel et Gretel Yvan Godbout a été arrêté en raison d’une scène brutale de pédophilie dans son livre
L’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) dénonce, dans l’affaire Hansel et Gretel, « un cas de censure évident » qui « criminalise l’écriture de fiction » ; l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) évoque quant à elle une possible « privation de la liberté d’expression ».
Jeudi dernier, la Sûreté du Québec a procédé à l’arrestation d’Yvan Godbout, auteur du roman Hansel et Gretel, pour production de pornographie juvénile. Des accusations de production et de distribution de pornographie juvénile ont été faites à l’endroit des Éditions ADA, dirigées par Nycolas Doucet.
Ces accusations seraient liées à un passage du roman d’horreur Hansel et Gretel, publié en 2017 dans la série Contes interdits des Éditions ADA. Une scène brutale de pédophilie y est décrite de manière explicite.
Une situation «inquiétante», aux yeux d’Arnaud Foulon, président de l’ANEL, qui regroupe une centaine d’éditeurs. « Ça veut dire qu’il y a des choses qu’on n’a pas le droit de publier dans nos livres de fiction et on n’est même pas au courant », pointe-t-il en entrevue.
L’éditeur rappelle que des actes criminels jalonnent de nombreux livres policiers et romans d’horreur. « Est-ce qu’il faut arrêter de publier ces livres ? » se questionne-t-il, évoquant les dangers de la censure.
Bien qu’il dise reconnaître qu’il s’agit d’un « style de littérature particulier », la décision de lire ou non ce type d’oeuvre de fiction doit revenir aux lecteurs, estime-t-il. « La liberté d’expression et la défense du droit d’auteur sont des valeurs fondamentales dans notre métier. »
Démesuré
L’UNEQ, qui représente 1600 auteurs, se dit également «préoccupée» par cette affaire.
Si l’arrestation d’Yvan Godbout est bien exclusivement liée au récit de l’agression sexuelle commise sur une enfant, «il nous apparaît démesuré d’avoir procédé à son arrestation», souligne l’organisation dans un communiqué.
« Il s’agit d’un texte rédigé dans un contexte artistique. Aussi, criminaliser celui-ci pourrait s’apparenter à une privation de la liberté d’expression. »
Une pétition en ligne réclamant l’abandon des accusations contre Yvan Godbout et les Éditions ADA a récolté plus de 9600 signatures.
L’article du Code criminel portant sur la pornographie juvénile mentionne que « tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dixhuit ans […] constituerait une infraction
Yvan Godbout a été relâché, jeudi dernier, sous promesse de comparaître. Il sera de retour au tribunal en avril pour être formellement accusé.
à la présente loi ».
Il est également spécifié qu’une personne ne peut être déclarée coupable si les actes reprochés « ont un but légitime lié à l’administration de la justice, à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts» et si ces actes « ne posent pas de risque indu pour les personnes âgées de moins de dix-huit ans ».
Jeudi dernier, la Sûreté du Québec a procédé à des perquisitions à la résidence de l’auteur à Québec et dans les locaux de la maison d’édition situés à Varennes.
Yvan Godbout a été relâché, jeudi dernier, sous promesse de comparaître. Il sera de retour au tribunal en avril pour être formellement accusé.
Ça veut dire qu’il y a des choses qu’on n’a pas le droit de publier dans nos livres » de fiction et on n’est même pas au courant
ARNAUD FOULON
Il s’agit d’un texte rédigé dans un contexte artistique. Aussi, criminaliser celui-ci pourrait s’apparenter » à une privation de la liberté d’expression.
UNEQ